3 décembre 2020 : « Reconstruire en mieux - Vers un monde post-COVID-19, inclusif, accessible et durable. »

Le 3 décembre, les personnes en situation de handicap et leurs alliés célèbreront la Journée internationale des personnes handicapées qui, cette année, aura pour thème « Reconstruire en mieux – Vers un monde post-COVID-19, inclusif, accessible et durable.   Ce n’est pas un travail pour l’avenir : c’est le moment d’agir. 

Près d’un quart de la population canadienne (24%) a déclaré vivre en situation de handicap. Et avant la pandémie, nombre de ces personnes vivaient déjà dans un état de précarité,  

Avant la COVID-19, l’incidence du chômage était très élevée chez les personnes handicapées, moins capables d’accéder aux services de santé appropriés et de base, et qui luttaient péniblement pour obtenir les mesures de soutien requises aux fins d’éducation.  Par exemple, le taux de chômage atteint 90% chez les personnes aveugles ou à basse vision;  la majorité vit d’ailleurs en deçà du seuil de pauvreté.  

Le vrai problème est que, quoi qu’on puisse y gagner, il y a plus d’employés chargés de s’occuper des personnes handicapées au Canada que de personnes handicapées ayant un emploi.    Le Plan d’inclusion pour les personnes handicapées, annoncé dans le Discours du Trône, doit éradiquer l’approche paternaliste qui continue à influencer le développement de services et de mesures de soutien ainsi que leur prestation aux personnes en situation de handicap.  Nous connaissons le problème.  Nous connaissons la solution.   Il ne manque que la volonté d’agir.

Quel monde étrange quand après des décennies passées à revendiquer l’égalité dans l’accessibilité, une loi a été adoptée pour garantir une égalité d’accès dans huit (8) secteurs.  Il est vrai que les responsables de l’application de cette loi ne sont pas issus de la collectivité des personnes handicapées.  Nous sommes constamment exploités aux fins d’ informations, sans être rémunérés bien sûr,  par des ministères et par des organes industriels réglementés qui engagent des consultants à des prix exorbitants pour recueillir nos données et ensuite publier des rapports afin de prouver qu’ils nous  ont consultés.   Une approche qui est loin d’épouser notre principe « rien pour nous sans nous ». Tout le monde se remplit les poches, sauf nous.  C’est ce qui s’appelle de l’exploitation.   Il est temps pour le Canada d’adopter une approche démocratique intersectionnelle pour appliquer sa Loi sur l’accessibilité et, en effet, la Convention relative aux droits des personnes handicapées.  Nous connaissons le problème.  Nous connaissons la solution.   Il ne manque que la volonté d’agir. 

Parlons de la petite aide financière COVID-19 accordée par le gouvernement.  Seuls 40% des membres de la collectivité des personnes handicapées l’ont perçue et encore, dans bien des cas, elle a été recouvrée par un autre palier de gouvernement.  De plus, au lieu de servir à acheter suffisamment de nourriture pour tout le mois, ces deniers ont réintégré les coffres gouvernementaux, grâce au recouvrement.   De mois en mois, pendant la pandémie, le coût de la nourriture augmente de 20 à 35% et, dans de nombreuses communautés, les services se rarifient ou disparaissent  -  ce qui pousse de nombreux prestataires non pas à la limite du possible  mais vers des abîmes de pauvreté et d’irrespect.  Le Plan pour l’inclusion des personnes handicapées, annoncé dans le Discours du Trône, prévoit une nouvelle prestation.  Nous, nous revendiquons un revenu de base depuis 2010.   Nous connaissons le problème.  Nous connaissons la solution.   Il ne manque que la volonté d’agir.

Avant la pandémie, les personnes handicapées connaissaient très bien l’isolement social car elles n’avaient pas accès à un revenu adéquat ni à un logement ni à des transports ni à des appareils et accessoires fonctionnels de base ni à des rues et des édifices accessibles.  Sous-financées, donc incapables de répondre à la demande d’aide croissante, les organisations de consommateurs - qui ont créé des centres de connaissances sur les soutiens et services liés aux limitations fonctionnelles -, fournissent d’importants et cruciaux services pour éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes en situation de handicap. Elles offrent par exemple des ordinateurs pour accéder à l’Internet sur lequel se retrouvent toutes les possibilités et formulaires d’aide gouvernementale;   de  l’assistance pour naviguer parmi les exigences des services de soutien, des possibilités d’éducation et du financement afférant, et enfin de la socialisation. 

Mais pendant la pandémie, de nombreuses personnes handicapées ont perdu l’accès à ces services car les organisations ont dû se replier, quand elles le pouvaient, vers des services virtuels.  L’isolement social et le fossé numérique ont intensifié cette déconnection dans la réponse pandémique pour les personnes en situation de handicap.  Depuis les années 1980, les personnes handicapées suggèrent les cadres de vie autonome pour les services destinés aux personnes sans financement adéquat des différents paliers de gouvernement. Nous connaissons le problème.  Nous connaissons la solution.   Il ne manque que la volonté d’agir.

Nous n’avons même pas commencé à examiner le nombre des décès chez les aînés en situation de handicap qui, dans certains cas, n’ont jamais  eu la chance de discuter avec les soignants.  Nous ne parlons pas personnes décédées à cause de la COVID mais de celles décédées pour d’autres motifs, seules et séparées de leurs familles.   Dans son rapport «  Staying Apart to Stay Safe: The Impact of Visit Restrictions on Long-Term Care and Assisted Living Survey », publié le 3 novembre 2020, l’Intervenante de la Colombie britannique en faveur des aînés, Isobel MacKenzie a déclaré  «  Quand nous avons commencé à imposer des restrictions sur les visites, nous voulions nous assurer que dans les centres de soins de longue durée, les résidents étaient protégés de la COVID-19.  Huit mois plus tard, posons-nous la question :  pour quelle raison les gardons-nous en sécurité si nous les empêchons de profiter du temps qu’il leur reste avec leurs êtres chers? Si la COVID-19 a tragiquement emporté 151 résidents de ces centres de soins de longue durée et résidences-services, plus de 4500 personnes sont décédées pour d’autres causes pendant cette pandémie et , nombre d’entre elles ont été pendant des mois, des semaines et des jours relativement isolées, dans l’impossibilité de  passer du temps avec leurs proches les plus chers. » De très nombreuses personnes visées par cette étude sont en situation de handicap. 
(https://www.seniorsadvocatebc.ca/osa-reports/staying-apart-to-stay-safe-...

Nous savons tous, dans nos collectivités intersectorielles de personnes en diverses situations de handicap, que les personnes handicapées, y compris les enfants et les aînés, ne sont pas inclues dans la planification des situations d’urgence.  Voilà plus de vingt (20) ans que nous demandons que cette planification soit aussi axée sur les besoins des personnes en situation de handicap. Nous connaissons le problème.  Nous connaissons la solution.   Il ne manque que la volonté d’agir.

Et au milieu de cette pandémie, le gouvernement fédéral tente de modifier la Loi sur l'aide médicale à mourir. Les modifications proposées permettront aux personnes handicapées d’obtenir plus facilement de l’aide pour se suicider alors qu’en même temps, les gouvernements cherchent à prévenir les suicides des personnes non handicapées.  Et au lieu de réparer son inaction et d’offrir aux personnes handicapées les mesures de soutien nécessaires pour vivre en toute dignité au sein de la communauté, le gouvernement a préféré viser un accès élargi au suicide assisté, maigre réconfort selon des activistes handicapés comme Catherine Frazee.  Dans l’émission radio « The Current », Catherine Frazee a déclaré à l’animateur  Matt Galloway : « Cette modification prescrit une toute nouvelle approche vis-à-vis de l’aide médicale à mourir,  à savoir une alternative non pas à  une fin de vie douloureuse mais à une vie douloureuse – à une vie jugée intolérable et ne valant pas la peine d’être vécue. »
(https://www.cbc.ca/radio/thecurrent/the-current-for-nov-19-2020-1.580794...)

Déjà en marge de la société traditionnelle, notre collectivité ne veut pas rebâtir de meilleurs systèmes de discrimination, déjà ancrés dans les perceptions véhiculées à notre égard et dans la réponse que nous avons reçue avant et pendant la pandémie. Qu’est-ce qui nous garantit qu’un jour, après la pandémie, nous serons enfin inclus?  À l’heure actuelle, rien n’empêche les gouvernements, l’industrie et la société de passer d’une discrimination systémique ostracisante à une approche inclusive.  Alors, inutile d’attendre davantage ou de laisser un autre comité ou plus étudier le problème ou de lancer une énième consultation. 

Vous voulez reconstruire en mieux?  Alors, que la société soit meilleure et agisse mieux, dès à présent !!