L'article sur l'égalité sculpté dans la Charte : le rôle du CCD

Sous l'égide du CCD, la collectivité des personnes handicapées s'est acharnée à faire inclure les personnes handicapées dans les groupes visés par l'article de la Charte sur les droits à l'égalité. Une grande aventure avait été lancée. Croyez-le ou non, même lorsque la Charte devint la loi de dernier ressort au Canada, l'interprétation de l'égalité et son application dans les causes réelles étaient loin de faire l'objet d'un consensus. Tout était quasiment possible.

 

Aux États-Unis, en vertu du Bill of Rights, les droits à l'égalité se limitaient à la discrimination officielle fondée sur la haine et l'animosité entre les groupes. De nombreuses personnes, y compris la plupart des professeurs de droit, avaient alors assumé que c'est à peu près tout ce que viserait la clause canadienne sur l'égalité. Si cette hypothèse s'était avérée exacte, la Charte aurait eu sur le quotidien des Canadiens handicapés un impact tout aussi négligeable que celui du Bill of Rights sur les Américains.

 

Le CCD a commencé à intervenir judiciairement dans des cause fondées sur les droits de la personne, quelques années avant que la Cour suprême du Canada n'entende son premier cas fondé sur l'égalité garantie par la Charte. Très visionnaires, ses leaders avaient reconnu que l'égalité réelle pouvait transformer la perception et le traitement des personnes avec des déficiences et l'avaient endossé. Ils avaient annexé une interprétation particulière à l'expression « protection égale de la loi », et avaient recommandé à la Cour d'appliquer un attribut de discrimination aux obstacles isolant et défavorisant les personnes avec des déficiences. Pour quelle raison les personnes handicapées ne bénéficieraient-elles pas d'une égalité d'accès à l'éducation aux transports et aux programmes sociaux? Pour quelle raison des employeurs ne seraient-ils pas forcés de trouver des méthodes de travail inclusives favorisant l'accès des personnes handicapées? La Cour accepta la recommandation du CCD et interpréta la loi sur les droits de la personne comme un instrument visant à corriger les effets discriminatoires, quelle que soit la motivation du/de la responsable. De ce fait, lorsque les premières causes concernant les personnes handicapées furent entendues, la loi était devenue exécutoire.

 

Ce faisant, la Cour créait une sorte d'égalité matérielle, typiquement canadienne, qui pouvait éventuellement contester le type d'égalité appliqué par les tribunaux, de l'autre côté de la frontière.

 

Le CCD créa un groupe de travail, composé de ses membres les plus avant-gardistes, afin de discuter du type d'égalité qui servirait le mieux les intérêts des personnes avec des déficiences. La prééminence de l'égalité matérielle, telle que traduite dans la récente jurisprudence sur les droits de la personne, s'imposa vite; il devint évident qu'il fallait en convaincre la Cour. Mais comment lui faire adopter cette option?

 

Les membres du Comité reconnurent qu'il faudrait encore du temps avant que la Cour n'entende les causes des personnes handicapées fondées sur les garanties de la Charte. Et comme pour les causes sur les droits de la personne, ils décidèrent d'agir rapidement pour que leur rêve de voir les personnes handicapées bénéficier, - en vertu des garanties de la Charte -, de l'égalité des chances et de la protection égale de toutes les divisions ministérielles, à tous les paliers, soit enfin réalisé. Ils décidèrent donc d'intervenir dans la première cause fondée sur la garantie d'égalité de la Charte, entendue par la Cour : Andrew c. The Law Society of British Columbia qui portaient bizarrement sur la possibilité des non-citoyens de devenir avocats. Les chefs de file du CCD soutinrent hardiment que le point de vue des personnes handicapées devait aussi être entendu lors du pourvoi de cette affaire.

 

Le CCD s'aperçut que l'interprétation judiciaire de cette première cause intéressait également d'autres groupes en quête d'égalité. Il délégua donc des émissaires afin de les sensibiliser à sa vision et de tenter de présenter un front uni. Fait étonnant, ces groupes manifestèrent énormément de respect vis-à-vis des travaux du CCD et de sa volonté de travailler en étroite collaboration. Les résultats furent très positifs, Les groupes finirent par reconnaître que l'égalité matérielle visant à surmonter les obstacles voulus et fortuits convenait à tous. Et les positions exposées à la Cour par les divers intervenants, le CCD y compris, présentaient pas mal de similitudes.

 

La Cour écouta attentivement les arguments présentés au nom des collectivités qui avaient travaillé sans relâche pour qu'une Charte soit instaurée. Elle se réjouit de constater que son interprétation de l'égalité, appliquée dans le jugement des causes de droits de la personne, avait gagné l'approbation du CCD et des autres groupes en quête d'égalité. Elle examina soigneusement l'option américaine et la jugea inadéquate pour les fonctions que les Canadiennes et les Canadiens avaient affectées à leur Charte.

 

Espérons que la collectivité des personnes handicapées n'oubliera jamais l'influence exercée par le CCD tout au long de ce processus. Car ce groupe de personnes dévouées, ayant habilement servi leur collectivité, avait réussi à implanter un élément transformateur.

 

Même si, au fil des ans, la Cour a quelque peu lâché prise vis-à-vis de l'égalité et malgré les déceptions qui en ont suivi, il est encourageant de constater qu'elle est récemment revenue à l'affaire Andrews comme source d'interprétation de l'égalité. Elle avait visé juste la première fois et les personnes handicapées en ont depuis profité.

 

Les réalisations du CCD ont passionné le reste de la planète. À cause de l'impact de la loi sur les personnes handicapées, les causes fondées sur la Charte canadienne sont très respectées sur la scène internationale. Nous devrions écouter les commentaires émis aux quatre coins du globe et nous réjouir des performances passées, sans jamais oublier tout le chemin qu'il nous reste à parcourir. ~ David Baker