Rapport de recherche sur la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale : un exemple de co-construction démocratique de politique publique

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By Yves VAILLANCOURT et François AUBRY

ARUC Pauvreté invalidante et citoyenneté habilitante

Les auteurs :

Yves Vaillancourt est Professeur émérite à l'École de travail social de l'Université du Québec à Montréal (UQAM). Il est membre du et du Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) et du Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales (LAREPPS). Il est co-chercheur au sein de l'ARUC Pauvreté invalidante et citoyenneté habilitante. Il est membre du Groupe d'économie solidaire du Québec (GESQ). Il est membre du Collectif pour le renouvellement de la social-démocratie.

François Aubry est économiste et membre de l'équipe de recherche du Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociale (LAREPPS). Il a travaillé pendant plusieurs années au Service de recherche de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), dont cinq ans à titre de coordonnateur. Au cours de ces années, il a effectué des recherches dans les domaines des politiques économiques et sociales. Il est membre du Collectif pour le renouvellement de la social-démocratie.

Note

Ce rapport est une prépublication. Il constitue une variante d’un chapitre du livre The Shifting Terrain: Public Policy Advocacy in Canada, à paraître aux éditions McGill-Queen's University Press et dirigé par Nick Mulé and Gloria DeSantis.

Remerciements

Nous tenons à remercier Lucie Dumais et Léonie Archambault, nos collègues au Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales (LAREPPS), pour leurs commentaires et suggestions. Nous sommes aussi redevables à nos collègues au sein de l'ARUC, en particulier Michael Bach, Laurie Beachell, Yvonne Peeters et Michael Prince pour leur soutien et leurs suggestions.

Sommaire


Introduction

Dans la littérature québécoise progressiste traitant de politiques publiques et sociales, il est parfois affirmé que la plupart de celles-ci découlent des orientations néolibérales des divers gouvernements qui se sont succédé. Par exemple, certains chercheurs et représentants de mouvements sociaux soutiennent que le gouvernement du Parti québécois dirigé par Lucien Bouchard de 1996 à 2000 a mis en place une politique socioéconomique qui était inspirée par l'objectif du déficit zéro, adopté en mars 1996 lors du Sommet socio-économique sur l'avenir du Québec. Cette politique aurait entrainé des effets négatifs dans les domaines de l'éducation et des politiques sociales, des services sociaux et de santé. Au sein de cette mouvance, certains avancent même que l'ensemble de ces politiques étaient d'inspiration néolibérale. Par exemple, Pierre Mouterde (2012 : 13) écrit : « Pensons simplement au mode de régulation économique néolibéral qui a fini par s'imposer chez nous au Québec, surtout à partir du milieu des années 1990 avec Lucien Bouchard et ses politiques de déficit zéro »[1]. Vincent Greason (2013) est encore plus catégorique lorsqu'il écrit : « Au cours de la première décade du nouveau millénaire tous les niveaux de gouvernement au Canada ont subi l'influence de l'idéologie néolibérale » D'autres auteurs soutiennent une position similaire (Piotte, 2012; Lamarche, 2007).

Cependant, une autre tendance, que nous embrassons, avance que depuis une vingtaine d'années, le gouvernement du Québec, sous la pression de mobilisations et de revendications de mouvements sociaux et de la société civile, a mis en place, en plus de certaines politiques à saveur néolibérale, un certain nombre de politiques publiques progressistes et innovatrices. Parmi celles-ci soulignons le programme AccèsLogis dans le domaine du logement social (Ducharme et Vaillancourt, 2012); la reconnaissance et le soutien des organisations communautaires autonomes (Jetté, 2008); l'institutionnalisation des Carrefours Jeunesse Emploi (CJE) et d'autres réseaux d'organismes communautaires dont la mission est de faciliter l'intégration au marché du travail de personnes vulnérables; l'introduction d'une Loi proactive sur l'équité salariale en 1996 qui a débouché sur une entente globale entre le gouvernement et ses employés en 2006 (Noël, 2013 : 269); une nouvelle politique familiale dont un des objectifs est de mettre en place un réseau universel de services de garde à faible coût pour les enfants d'âge préscolaire (Dandurand et Ouelette, 2012; Aubry, 2010b: 38-43; Noël 2013: 266-268); une politique de développement local et régional qui a débouché sur la mise sur pied d'un réseau provincial d'une centaine de Centre locaux de développement; la reconnaissance et le soutien de l'économie sociale et une Loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale adoptée en décembre 2012.

Ces politiques publiques constituent des innovations sociales (Jenson, 2002; Comeau et al., 2001; Bourque, 2008; Klein et al., 2010; Lévesque, 2003; Vaillancourt, 2012b; Dumais, 2012; Noël, 2013: 263-267). Elles sont certes le résultat d'interventions gouvernementales, mais pas uniquement. En effet, elles ont été mises en place grâce à la participation et la mobilisation des acteurs et des organisations de la société civile sensibilisés de la situation des pauvres et des marginalisés de la société. En d'autres termes, ces réformes ont été co-construites, et, pour une large part, co-construites démocratiquement par les gouvernements et la société civile.

Dans ce rapport, nous étudierons la Loi 112 visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale en la considérant comme un exemple de co-construction démocratique d'une politique publique. Par une mise à jour d'études et de travaux antérieurs (Aubry, 2010a et 2012), ce rapport contient cinq parties. Dans la première partie nous présentons notre cadre d'analyse théorique dans lequel nous comparons le concept de défense d'intérêt (advocacy)[2] utilisé par Gloria DeSantis (2012) à notre concept de co-construction démocratique de politiques publiques. La deuxième partie est consacrée à la présentation de la campagne de mobilisation populaire qui a précédé l'adoption du projet de Loi 112 (1995-2002) à la lumière des interactions entre les organisations populaires de la société civile, le gouvernement et l'ensemble des partis politiques. La troisième partie présente les principaux éléments du Projet de loi 112 adopté en décembre 2002 en mettant en lumière les éléments qui relèvent de la dynamique de la co-construction. La quatrième partie est consacrée à l'application de la Loi de 2003 à 2013. Dans la cinquième partie nous proposons une interprétation du contenu des trois parties précédentes à la lumière de notre cadre d'analyse présenté dans la première partie, en soulignant les éléments qui ont contribué à réconcilier le concepts de défense d'intérêt et de co-construction démocratique. Nous terminons la cinquième partie avec une évaluation quantitative de l'impact de la Loi 112 sur l'évolution de la pauvreté et de l'exclusion sociale au Québec.


Partie I: Le cadre d'analyse théorique

Le cadre d'analyse théorique de ce rapport est le résultat d'une mise en relation du concept de défense d'intérêt utilisé par DeSantis (2010) avec celui de co-construction démocratique des politiques publiques qui est au cœur de nos productions récentes. Avant d'examiner ces deux concepts, nous tenons à souligner que nous n'aborderons pas d'autres aspects de notre cadre d'analyse qui font partie de la tradition théorique du LAREPPS et que nous avons abordés longuement dans nos publications antérieures (Vaillancourt et Jetté, 1997; Jetté et al., 2000; Vaillancourt et Tremblay, 2002; Vaillancourt, 2006, 2009, 2012a et 2012b). Au LAREPPS, traditionnellement, nous portons attention aux éléments suivants :

  • Le développement des politiques sociales, et plus globalement, des politiques publiques, implique une interaction entre quatre composantes de la société : l'État, l'entreprise privée à but lucratif (ou le marché), le tiers secteur et la famille (le secteur informel);
  • Nous utilisons indifféremment le concept d'Économie sociale et solidaire (ESS) &8212; défini de manière large afin d'inclure des éléments non marchands tels que les organismes communautaires et populaires&8212; et le concept d'organismes du tiers secteur (OTS) &8212; incluant les coopératives qui gèrent des surplus de même que des organisme à but non lucratif (OBNL) selon la tradition européenne, en opposition à la tradition étatsunienne. Nous étudions les relations changeantes entre l'État providence et le tiers secteur (Evers et Laville, 2004; Vaillancourt, 2006);
  • Nous sommes conscients de la polémique entourant le concept de société civile dans la littérature. Nous lui donnons un sens plus large que celui du tiers secteur : il s'agit du « &8230; champ des idées, des valeurs, des institutions, des organisations, des réseaux, et des individus qui sont &8230; situés entre la famille, l'État et le marché » (Anheier cité dans Vaillancourt 2013, 129-30)[3]. Il accommode autant les anciens que les nouveaux mouvements sociaux.
  • La perspective du LAREPPS s'harmonise bien avec celle d'un « État d'investissement social proactif », en particulier avec la version social-démocrate de ce modèle mise de l'avant par Evers et Guillemard dans la conclusion de leur ouvrage récent. "Dans sa version plus social-démocrate en opposition à sa version libérale ou néolibérale, l'État coordonne et oriente l'investissement en capital humain et s'assure d'une distribution égalitaire » (2013: 375)[4]. Cela « implique une forme différente de gouvernance providentielle. L'État n'est plus seul à offrir un ensemble étendu d'avantages et de services aux citoyens. De plus en plus d'acteurs et d'instances sont impliqués. Les piliers du bien-être &8230; — nommément l'État et le marché, les différentes organisations du tiers secteur telles que les associations civiques, les OBNL et les associations caritatives, ainsi que les familles et les communautés — sont de plus en plus inter-reliés à travers des partenariats. » (Ibid.: 368).[5]

Examinons maintenant les concepts de lobbying, de défense d'intérêt et de co-construction démocratique.

1.1 Le Lobbying

Avant d'examiner les interfaces entre la défense d'intérêt et la co-construction et afin d'identifier la spécificité du concept de défense d'intérêt, nous devons examiner la notion de lobbying[6] qui est parfois incorrectement utilisé comme synonyme de défense d'intérêt.

À première vue, les concepts de lobbying et de défense d'intérêt peuvent sembler identiques. Les deux réfèrent à un processus dont l'objectif est d'influencer des décisions prises au niveau politique, que ce soit par des élus ou des bureaucrates. Ces décisions peuvent concerner l'adoption d'une loi ou d'un règlement, l'attribution d'une subvention ou d'un avantage fiscal ou autre. Les lobbyistes comme les « défenseurs d'intérêt » interviennent afin d'influencer le processus décisionnel au nom d'un groupe de citoyens, une organisation, une entreprise, une coalition, etc. Ils peuvent ou non être rémunérés pour leurs efforts.

Mais, en examinant de plus près le concept de lobbying, tout particulièrement son évolution dans le temps[7], nous découvrons des différences avec le concept de défense d'intérêt. Malgré le fait que plusieurs pays aient légiféré afin d'encadrer ce phénomène, le terme lobbying a une résonance négative. Dans certains milieux, le lobbying fait référence à des efforts déployés derrière des portes closes afin d'influencer des décideurs dans le sens d'intérêts particuliers d'un groupe ou d'une organisation et non en fonction de l'intérêt général. Nous faisons ici allusion à des lobbyistes professionnels (parfois d'anciens politiciens ou bureaucrates) qui mettent leur expérience politique et leurs réseaux de connaissances au service d'intérêts économiques particuliers, comme l'industrie du tabac ou celui du pétrole (Nadeau, 2013).[8]

1.2 La défense d'intérêt

Notre point de départ sera la définition de défense d'intérêt fournie par Gloria DeSantis dans une publication récente (2010: 25-26) : « La défense d'intérêt en politique sociale réfère aux efforts intentionnels des OBNL (organismes à but non lucratif) afin de modifier des politiques gouvernementales existantes ou proposées au nom de ou avec des groupes de personnes marginalisées ». Les mots mis en italique par DeSantis suggèrent que celle-ci utilise le concept de manière plus étroite dans un contexte particulier de recherche. Cela suggère que l'auteure étudie des pratiques de défense d'intérêt particulières qui :

  • Se déploient dans le domaine des politiques sociales;
  • Ont pour objectif de modifier des politiques publiques (soit en modifiant une politique existante, soit en mettant en place une nouvelle politique);
  • Impliquent la participation d'OBNL;
  • Se font au nom ou avec des groupes de personnes marginalisées, bien que, dans son article, DeSantis affiche une nette préférence pour des pratiques de défense d'intérêt déployées avec des groupes de personnes marginalisées.

En restreignant ainsi la définition de défense d'intérêt, DeSantis reconnaît que d'autres formes de défense d'intérêt pourraient : (i) être utilisées dans d'autres domaines que les politiques sociales; (ii) produire d'autres résultats que des changements de politiques publiques; (iii) impliquer la participation d'autres acteurs que des OBNL; (iv) être déployées au nom ou avec d'autres groupes que des personnes marginalisées.

1.3 La défense d'intérêt et la co-construction démocratique des politiques publiques

Dans nos travaux théoriques récents sur le thème de la co-construction démocratique des politiques publiques (Vaillancourt, 2009, 2012a, 2012b et 2013), en référence aux quatre paramètres retenus par DeSantis, nous avons examiné des initiatives socioéconomiques qui (i) se situent dans la sphère des politiques publiques (plus étendue que la sphère des politiques sociales); (ii) ont pour objectif la réforme de politiques publiques; (iii) comportent la participation d'OBNL et autres composantes de la société civile et (iv) se réalisent avec la participation de personnes marginalisées et d'autres groupes d'individus.

Ainsi, il existe des éléments communs à l'approche de DeSantis et à la nôtre. Mais il existe aussi des différences. À l'intérieur de nos travaux de recherches théoriques et empiriques dans le domaine des politiques publiques et sociales, nous avons mis l'accent sur la participation des acteurs du tiers secteur &8212; ou des acteurs de l'économie sociale et solidaire incluant des organismes communautaires &8212; dans la co-construction des politiques publiques. Expliquons-nous brièvement.

  • Lorsque nous mettons l'accent sur la participation de l'ESS, nous prenons pour acquis que les acteurs de l'ESS &8212;ou du tiers secteur&8212; sont souvent oubliés ou marginalisés dans le développement des politiques publiques et que leur participation peut enrichir le contenu de ces politiques et démocratiser le processus de prise de décisions les concernant (Vaillancourt, 2010) ;
  • Le concept de tiers secteur ou de l'économie sociale et solidaire est plus large que celui des organismes non gouvernementaux mais plus étroit que celui de société civile (Evers, 2013). Adalbert Evers (2013) argumente que certains auteurs qui favorisent la participation des organisations du tiers secteur dans les réformes de l'État-providence mettent l'accent trop souvent sur la participation des entreprises qui fournissent des biens et des services et trop peu souvent sur celles qui font de la défense de droit. Pourtant, les deux catégories d'associations devraient pouvoir participer dans les processus de co-construction des politiques publiques afin de les rendre plus adéquates et démocratiques. De plus, le processus de co-construction implique non seulement la participation de diverses composantes du tiers secteur ou de la société civile mais aussi celle des acteurs de la sphère politique. Evers affirme : « En résumé, on peut affirmer que, selon ce point de vue, la voie vers une société civile plus riche repose sur un secteur public qui agit efficacement comme intermédiaire plutôt que sur un tiers secteur isolé. La société civile doit reposer sur des garanties politiques, l'échange et un processus de délibération » (2013: 7). Ainsi, Evers insiste sur l'importance de « revivifier le débat publique » et de privilégier « la discussion franche de sujets controversés qui sont essentiels à une citoyenneté qui ne se réduit pas à des questions de droits sociaux mais tient compte aussi des droits personnels et démocratiques » (2013: 10).
  • Nous utilisons le concept de co-construction des politiques publiques pour soulever l'enjeu de la participation des parties prenantes de la société civile dans l'élaboration des politiques publiques. La co-construction fait référence à un processus de co-décision auquel participent à la fois les acteurs de la société civile et les acteurs de l'État (ou de la société politique). Nous faisons une distinction importante entre le concept de co-construction et celui de co-production. Dans la co-production des politiques publiques, la participation des acteurs de la société civile se limite à la mise en œuvre des politiques qui peuvent avoir été construites par l'État seul ou par l'État et la société civile. Cependant, dans la co-construction des politiques publiques, la participation citoyenne contribue directement à leur élaboration, ce qui est beaucoup plus que de participer à un processus de consultation.
  • Nous mettons en relief la co-construction démocratique des politiques publiques, pour bien la distinguer de ses formes non démocratiques. Par exemple, nous pouvons rencontrer une co-construction corporatiste des politiques publiques lorsque certaines parties prenantes de la société civile, jouissant habituellement de plus de capital économique et politique, participent au processus de décision politique, pendant que d'autres parties prenantes sont exclues. Un bon exemple renvoie aux consultations pré-budgétaires menées aux niveaux provincial et fédéral, dans lesquelles les organisations patronales et syndicales sont consultées systématiquement pendant que des associations qui représentent des groupes marginaux sont souvent ignorées. Au contraire, dans un processus démocratique de co-construction des politiques publiques, une grande diversité de parties prenantes sont invitées ou s'invitent elles-mêmes au processus de délibération démocratique, qui permet de développer des consensus en matière de politique publique et de prendre des décisions qui reflètent l'intérêt général. En d'autres mots, la participation citoyenne toute seule est insuffisante pour réaliser la co-construction démocratique des politiques publiques. En effet, nous trouvons souvent dans nos sociétés une réelle participation citoyenne qui ne résulte pas en une délibération publique et à un processus démocratique de prise de décision.
  • Comme nous l'avons expliqué ailleurs, le processus de co-construction peut ne pas être démocratique même lorsqu'il existe une participation de groupes de personnes marginalisées et d'ONG qui sont la plupart du temps exclus du processus de prise de décision. En effet on peut imaginer des scénarios de co-construction dans lesquels certains groupes de personnes marginalisées, appuyés par certains ONG, peuvent efficacement faire du lobbying et de la défense d'intérêt auprès du gouvernement et de l'administration publique, mais sans pour autant participer à une délibération démocratique avec d'autres acteurs affectés par la problématique socioéconomique en question. En d'autres mots, il est possible d'envisager des pratiques de lobbying et de défense d'intérêt qui sont de nature corporatiste plutôt que démocratique à cause de l'exclusion de certaines parties concernées (Vaillancourt, 2012a). Notre intention n'est pas de minimiser l'importance de développer des pratiques efficaces de lobbying et de défense d'intérêt. Elle est plutôt de réconcilier ces pratiques avec l'objectif de co-construire démocratiquement des politiques publiques. Notre but est de faire la distinction entre un processus bilatéral de défense d'intérêt auprès de l'État en faveur d'un groupe social marginalisé et un processus multilatéral qui intègre ce processus à l'intérieur d'un processus de délibération publique qui inclut une plus grande diversité d'acteurs.
  • De plus, pour éviter tout malentendu, il faut rappeler que, bien que nous favorisions la participation des acteurs de la société civile à la co-construction démocratique des politiques publiques, nous reconnaissons que les élus ont légitimement le dernier mot dans une démocratie représentative comme la nôtre.

Examinons maintenant la longue et intense campagne de mobilisation qui a mené à l'adoption unanime du Projet de loi 112 à l'Assemblée nationale du Québec.


Partie II: L`émergence de la Loi 112 (1995-2002)

La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, a été engendrée par un mouvement qui s'est étalé sur plusieurs années et qui réunissait des organisations communautaires, des groupes religieux, des groupes de femmes, des organismes de personnes handicapées, des syndicats et des citoyens animés par la volonté de jeter les bases d'un Québec sans pauvreté. Résultat d'une mobilisation exceptionnelle et d'un processus de consultation bien structuré auquel des personnes en situation de pauvreté ont constamment été associées, cette loi a fait une large place aux préoccupations qui étaient portées par le secteur communautaire québécois depuis plus d'une décennie. Il s'agit d'une innovation sociale et politique qui a eu des résonances dans plusieurs provinces canadiennes (Ontario Terre-Neuve et Labrador, Nouveau Brunswick, Manitoba, Nouvelle-Écosse) (Perception, 2007: 3 ; Noël, 2007: 17).

Voici une brève chronologie des faits saillants de cette mobilisation jusqu'à l'adoption de la Loi par l'Assemblée nationale du Québec.

En 1995, des centaines de femmes marchent vers Québec afin de faire valoir leurs revendications visant à contrer la pauvreté et la violence faite aux femmes. Organisée par la Fédération des femmes du Québec, cette marche baptisée « Du Pain et des roses » peut être considérée comme le point de départ de l'histoire de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le 4 juin 1995, des centaines de femmes provenant de toutes les régions du Québec, après avoir marché plus de 200 kilomètres afin d'exprimer leur désir de mettre fin à la pauvreté, sont acclamées devant l'Assemblée nationale par des milliers de sympathisantes et sympathisants. Elles adressent à l'Assemblée nationale neuf revendications allant d'une hausse importante du niveau du salaire minimum, la création d'emplois de qualité pour les femmes en développant des infrastructures sociales (économie sociale), l'adoption d'une loi assurant l'équité salariale, un système de perception automatique des pensions alimentaires, le gel des frais de scolarité et le développement de logements sociaux.

Bien que les réponses immédiates du gouvernement du Parti québécois de Jacques Parizeau ne respectaient pas les objectifs recherchés, un certain nombre de demandes furent rapidement acceptées. Par exemple, en 1995 le niveau du salaire minimum fut haussé de 7,5%, une loi fut adoptée sur la perception automatique des pensions alimentaires et un comité sur le développement de l'économie sociale fut créé. En 1996 la Loi sur l'équité salariale fut adoptée. De plus, le gouvernement poursuivit sa politique de gel des frais de scolarité universitaires mise en place en 1994. Il est important de se rappeler que le référendum sur l'indépendance du Québec prévu pour le 30 octobre 1995, avait créé un contexte favorable à l'union des forces progressistes et indépendantistes qui favorisa quelques années plus tard plusieurs réformes sociales et économiques progressistes (Vaillancourt, 2012b). L'année suivante, après la courte défaire du oui au référendum, le Gouvernement du Québec dirigé par Lucien Bouchard[9] avait organisé le Sommet sur le devenir social et économique du Québec. Pour la toute première fois, des groupes sociaux et des organisations communautaires avaient été conviés par le gouvernement à participer activement à un événement de cette envergure, aux côtés d'organisations patronales et syndicales. Au programme de « déficit zéro » annoncé par le gouvernement à cette occasion, le mouvement des femmes et les groupes communautaires avait opposé l'idée d'instituer une politique « d'appauvrissement zéro ». Ils exigeaient une garantie de la part du gouvernement que l'objectif d'élimination rapide du déficit n'aggraverait pas la situation du cinquième le plus pauvre de la population.

À l'automne 1997, au moment où il se mobilisait contre une réforme régressive du Régime de l'aide sociale, le Carrefour de pastorale en monde ouvrier de Québec (CAPMO) et quelques organisations populaires décidaient de mettre de l'avant une nouvelle approche globale de réforme de l'aide sociale en demandant au gouvernement d'adopter une loi pour éliminer complètement la pauvreté. Cette loi serait élaborée et rédigée par les personnes et organisations représentant les personnes pauvres et les exclues. Afin de préparer un tel projet de loi, on organisa le Parlement de la rue[10], qui siégea pendant un mois dans le parc de l'Esplanade en face du vrai parlement.

La proposition du CAPMO s'imposa très rapidement. En effet, il s'agissait d'un projet constructif et ambitieux qui engageait des organisations, souvent de petite taille et ayant peu de ressources et qui, dans le passé, avaient été réduites à faire pression pour obtenir des gains très modestes, sinon préserver de maigres acquis. À l'origine, le projet avait aussi été conçu comme un « livre ouvert », c'est-à-dire qu'il devait être défini collectivement au moyen d'un processus large et inclusif de délibération publique.

En janvier 1998, pour faire la promotion du projet, une organisation formelle était mise sur pied, le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. Parmi les dix organisations fondatrices du Collectif, on retrouve le CAPMO et d'autres organisations chrétiennes, la Fédération des femmes du Québec, le Front commun des personnes assistées sociales du Québec, la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ), et le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ). Par la suite, plusieurs autres groupes se sont joints au Collectif incluant des ONG en développement international, des fédérations étudiantes, des organismes nationaux et régionaux de personnes handicapées[11], des organismes de défense de droits civils, etc. Quelques groupes, cependant, tel le Mouvement d'éducation populaire autonome du Québec (MEPAQ) regroupant des associations membres à travers le Québec, se sont opposés initialement au projet. Certains militants et militantes doutaient que la pauvreté puisse être éliminée par l'adoption d'une loi alors que d'autres ne voyaient pas l'opportunité d'appuyer un tel projet de loi alors que le gouvernement, avec son objectif de déficit zéro, tentaient d'affaiblir les programmes sociaux et les services publics (Greason, 2004). Lucie Lamarche souligne le fait qu'il existait des débats et des tensions au sein du Collectif et de la coalition anti-pauvreté. Elle affirme que certains militants et organisations de défense des droits humains préféraient une approche plus légaliste des droits humains s'appuyant sur les Accords des Nations-Unies alors que d'autres militants et organismes optaient pour une approche plus éthique basée sur les valeurs de dignité et de justice sociale (Lamarche, 2007: 146-147). Cependant plusieurs associations locales membres du MEPAQ étaient d'accord avec le principe du projet de loi 112 et en 2001 le MEPAQ modifiait sa position et appuyait finalement le projet de loi.

Le Collectif adopta une stratégie « axée sur la citoyenneté et l'éducation populaire » afin de susciter la participation directe des citoyens et éviter que le débat ne soit monopolisé par des groupes de pression. L'objectif était de rassembler le plus de gens possible autour du projet de loi et, surtout, de permettre que les personnes en situation de pauvreté puissent participer à son élaboration. Dès le départ, on insista autant sur le processus que sur le résultat.

Sur une période de deux ans, de l'automne 1998 à l'automne 2000, le Collectif fut au cœur d'une opération qui se déroula à la grandeur du Québec, l'une des plus vastes de l'histoire de l'action sociale québécoise[12]. Dès le début, le Collectif adopta une double démarche.

D'une part, le Collectif initia un large processus d'action collective et de délibération publique. À l'aide d'une trousse d'animation adaptée à la situation, on entreprit une vaste consultation. Celle-ci permit de recueillir au-delà de 20000 remarques et 5000 suggestions qui ont été utilisées pour rédiger, avec l'aide de professionnels sympathiques au Collectif, une première version du projet de loi qui a été dévoilée devant l'édifice de la Bourse de Montréal en décembre 1999. Cette première version du projet de loi a été débattue dans toutes les régions du Québec et a été amendée au cours de quelque 200 sessions du Parlement de la rue. Le projet de loi a reçu l'appui de plus de 1800 organismes populaires. Enfin, au printemps 2000, le Collectif adopta la version finale du projet de loi, rédigé sous la forme d'une loi conventionnelle, et la soumit au Gouvernement du Parti québécois, aux représentants de tous les partis politiques ainsi qu'à tous les membres de l'Assemblée nationale.

D'autre part, et simultanément, au printemps 2000 les membres furent circuler une pétition en appui à l'adoption d'une loi sur l'élimination de la pauvreté. Le 22 novembre 2000, la pétition, qui avait recueilli 215316 signatures, fut déposée à l'Assemblée nationale par un membre de chacun des trois partis qui y siégeaient.

Cette même journée, l'Assemblée national adopta une résolution demandant au Gouvernement de proposer une stratégie globale de lutte contre la pauvreté en tenant compte d'un certain nombre de principes mis de l'avant par le Collectif [13].

Pendant cette période, le réseau du Collectif mena une lutte intense pour faire cheminer le projet de loi qu'il avait développé, entre autres afin de contrer une stratégie gouvernementale intitulée Chacun sa part qui tenta de la contourner.

En mars 2001, Lucien Bouchard démissionna comme Premier ministre et fut remplacé par Bernard Landry qui proclama très tôt que la lutte contre la pauvreté serait une priorité de son gouvernement. Il désigna alors un ministre responsable de ce dossier et rendit publique la stratégie gouvernementale dans un document intitulé Ne laissez personne de côté. Une consultation publique fut organisée dans chacune des 17 régions du Québec au cours de laquelle plus de 1000 organismes ont été entendus.

Un comité interministériel fut mis sur pied afin d'impliquer tous les ministères et agences gouvernementales interpelés par la réduction de la pauvreté et un programme de recherche fut créé afin d'appuyer l'approche gouvernementale.

En juin 2002, le gouvernement publia sa Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et déposa devant l'Assemblée nationale le Projet de loi 112 — Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Une Commission parlementaire fut mise sur pied afin de faire l'étude du Projet de loi et y apporter des amendements.

Ce projet de loi était beaucoup plus timide que celui préparé par le Collectif. À cette étape, le Collectif, considérant que l'orientation générale du projet de loi était intéressante et qu'une telle opportunité ne se présenterait pas brève échéance, décida de travailler à apporter les meilleurs amendements possibles au projet de loi.

Cent-trente-cinq personnes, groupes et organismes provenant de différents horizons[14] furent entendus et 166 mémoires furent déposés en commission parlementaire. Pendant cette période, le Collectif multiplia ses actions afin d'améliorer la proposition gouvernementale. Il utilisa diverses méthodes de communication avec les membres de l'Assemblée nationale, leur adressant des demandes, par écrit, le plus souvent possible, les tenant informés constamment et les confrontant directement, mais toujours de manière non partisane.

Le Collectif organisa aussi l'Agora citoyenne, fin octobre 2002. L'événement qui se tint devant l'Assemblée nationale durant une semaine permit à la population de venir échanger sur le phénomène de la pauvreté.

Avec certains amendements en améliorant la portée, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale fut finalement adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 13 décembre 2002 et entra en vigueur le 5 mars 2003. La Loi fut adoptée quelques mois avant la fin du mandat du gouvernement du Parti québécois. Le 14 avril 2003, le Parti libéral de Jean Charest a été élu et demeura au pouvoir jusqu'au 4 septembre 2012, date de l'élection du gouvernement minoritaire de Pauline Marois[15].


Partie III: L'architecture de la Loi anti-pauvreté québécoise

Malgré le fait que le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale[16] ne répondit pas à l'ensemble des objectifs du Collectif[17], ce dernier considéra que plusieurs éléments du projet constituaient des avancées sur lesquelles il pourrait construire. Par exemple, sur deux points en particulier, le projet de loi emprunte des termes quasi équivalents à ceux que l'on retrouve dans la version préparée par le Collectif. Le premier est à l'effet que les personnes pauvres et exclus sont les premières à agir afin d'améliorer leur situation. Le deuxième réfère à l'objectif ultime de la loi qui est de faire du Québec une société sans pauvreté. Le projet de loi contenait d'autres éléments que le Collectif trouvait importants et qu'il pourrait éventuellement améliorer : la référence dans le préambule à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, l'importance accordée à la participation des personnes pauvres et exclues dans la mise en place de la stratégie globale, la création d'un fonds dédié au financement d'initiatives locales et régionales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, l'obligation imposée au gouvernement de produire un plan d'action et d'en évaluer les résultats, la création d'un comité aviseur et d'un centre de recherche sur la pauvreté et l'exclusion.

La Loi anti pauvreté est une loi-cadre qui définit un certain nombre de principes généraux et d'obligations et qui laisse au gouvernement le soin de préciser sa mise en application. La Loi est composée d'un Préambule et de huit chapitres (Gouvernement du Québec, 2002). Le Préambule et les deux premiers chapitres définissent les principes et les objectifs de la Loi. Les six chapitres suivants (III à VIII) concernent les institutions et les moyens proposés afin de respecter ces principes et atteindre ces objectifs.

3.1 Le Préambule

Le Préambule établit les grands principes de la loi en se référant à la Charte des droits et liberté de la personne. Les effets de la pauvreté et de l'exclusion sociale y sont décrits comme « pouvant constituer des contraintes pour la protection et le respect de la dignité humaine » et « freinent le développement social et économique de la société québécoise dans son ensemble et menacent sa cohésion et son équilibre ». Après avoir affirmé que les personnes pauvres et exclues sont les premières à agir pour transformer leur situation et celle de leur famille et que ces progrès favorisent l'épanouissement social, économique et culturel de toute la collectivité, le Préambule affirme la volonté de l'ensemble de la société québécoise de se mobiliser et de se solidariser afin d'agir concrètement contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

3.2 Objectifs et définition de la Loi (Chapitre I)

La volonté de reconnaitre le rôle et la responsabilité de l'ensemble de la société québécoise, et non seulement ceux du gouvernement, à trouver et mettre en œuvre des solutions à la pauvreté et à l'exclusion est établie clairement dans l'objectif principal de la loi (Chapitre I) qui « vise à guider le gouvernement et l'ensemble de la société québécoise vers la planification et la réalisation d'actions pour combattre la pauvreté, en prévenir les causes, en atténuer les effets sur les individus et les familles, contrer l'exclusion sociale et tendre vers un Québec sans pauvreté » (Article 1).

Le premier chapitre de la Loi propose une définition de la pauvreté qui se veut large et inclusive puisqu'elle mène bien au-delà de la situation purement économique des personnes. On y énonce, en effet, que la pauvreté est « la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nécessaires pour acquérir et maintenir son autonomie économique ou pour favoriser son intégration et sa participation à la société » (Article 2).

3.3 Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (Chapitre II)

Cette section de la loi institue une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (Article 3) qui « vise à amener progressivement le Québec d'ici 2013 au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres, selon des méthodes reconnues pour faire des comparaisons internationales » (Article 4).

Au cœur de la Loi on retrouve la mise en place de cette stratégie qui « se compose d'un ensemble d'actions mises en œuvre par le gouvernement, ses partenaires socio-économiques, les collectivités régionales et locales, les organismes communautaires et les autres acteurs de la société afin de contrer la pauvreté et de favoriser l'inclusion sociale. À cet égard, le gouvernement suscite la participation citoyenne, notamment celle des personnes en situation de pauvreté » (Article 5).

Les buts de la stratégie nationale sont les suivants (Article 6):

  1. promouvoir le respect et la protection de la dignité des personnes en situation de pauvreté et lutter contre les préjugés à leur égard;
  2. améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles qui vivent dans la pauvreté et qui sont exclues socialement;
  3. réduire les inégalités qui peuvent nuire à la cohésion sociale;
  4. favoriser la participation des personnes et des familles en situation de pauvreté à la vie collective et au développement de la société;
  5. développer et renforcer le sentiment de solidarité dans l'ensemble de la société québécoise afin de lutter collectivement contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Ces buts s'articulent autour de cinq grandes orientations (Article 7):

  1. prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en favorisant le développement du potentiel des personnes;
  2. renforcer le filet de sécurité sociale et économique;
  3. favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail;
  4. favoriser l'engagement de l'ensemble de la société;
  5. assurer, à tous les niveaux, la constance et la cohérence des actions.

Enfin, l'Article 7 précise que, dans leur conception et leur mise en application, ces actions doivent prendre en compte les besoins spécifiques de certains groupes de la société présentant des difficultés particulières, notamment en raison de leur âge, de leur origine ethnique ou de leurs déficiences et incapacités.

Afin que l'ensemble de la société puisse participer à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, tel que spécifié dans le 5e objectif cité plus haut, la Loi précise que les « actions prises afin de favoriser l'engagement de l'ensemble de la société doivent permettre la mobilisation d'intervenants représentatifs de la collectivité québécoise » (Article 11).

De plus ces actions doivent :

  1. « favoriser la participation citoyenne, particulièrement celle des personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale et des organismes qui les représentent;
  2. soutenir les initiatives locales et régionales spécifiques pour l'atteinte des buts poursuivis par la stratégie nationale;
  3. reconnaître la responsabilité sociale des entreprises et associer les partenaires du marché du travail;
  4. reconnaître la contribution de l'action bénévole et communautaire » (Article 11).

Comme on peut le constater, le Préambule et les Chapitres I et II de la Loi soulignent l'importance capitale de la participation de tous les acteurs sociaux ainsi que les personnes vivant dans la pauvreté afin de trouver des solutions [18].

3.4 Nouvelles institutions

Les six derniers chapitres (III à VIII) traitent de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de l'exclusion sociale. Comme nous le verrons dans la Partie IV de ce rapport, la Loi anti-pauvreté oblige le gouvernement à préparer et à publier un plan d'action quinquennal (Chapitre III) et à créer trois nouvelles institutions (Chapitres IV, V et VI). Le chapitre VII aborde la question de la responsabilité gouvernementale et la reddition de compte et le Chapitre VIII traite de dispositions diverses, transitoires et finales.


Partie IV: La mise en œuvre de la Loi anti-pauvreté (2003-2013)

Il est important de souligner que la Loi anti-pauvreté a été adoptée sous un gouvernement du Parti québécois mais que sa mise en œuvre a été le fait de trois gouvernements libéraux successifs dirigés par Jean Charest, de 2003 à 2012, et d'un gouvernement minoritaire du PQ à partir de l'automne 2012 jusqu'au printemps 2014. Cette partie traite de la mise en œuvre de la nouvelle loi. Dans un premier temps nous examinerons les deux premiers plans d'action gouvernementaux et, dans un deuxième temps, nous aborderons le rôle et la composition des trois nouvelles institutions créés par la loi.

4.1 Les deux plans d'action gouvernementaux

Afin d'assurer la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le Chapitre III de la Loi prévoit que le gouvernement doit, avant le 5 mai 2003, adopter et rendre public un plan d'action précisant les activités qu'il devra réaliser pour atteindre les buts poursuivis (Article 13). Il prévoit aussi que tous les ministères et agences gouvernementales doivent tenir compte des dispositions de la Loi et que les progrès accomplis seront évalués annuellement.

A) Le premier Plan d'action

La version finale du premier Plan d'action, qui couvre la période de 2004-2005 à 2009-2010 et s'intitule Concilier liberté et justice sociale : un défi pour l'avenir, a été rendu public le 2 avril 2004 (MESS, 2004).

Ce plan d'action s'appuie sur deux grands principes : 1) l'emploi est la première solution pour assurer la sécurité économique et 2) l'inclusion sociale des personnes et une protection accrue des personnes présentant des contraintes sévères à l'emploi est nécessaire (MESS, 2004: 8). Le Plan d'action prévoit aussi des mesures pour aider les personnes handicapées (Aubry, 2010a).

Le plan se déploie selon quatre grands axes avec un ensemble de 47 mesures représentant des investissements 2,5 milliards $ sur une période de cinq ans (MESS, 2004 : 9). La plupart de ces mesures avaient été annoncées dans le cadre du discours sur le budget 2004-2005, lequel avait été dévoilé quelques semaines avant le plan d'action.

Les quatre objectifs du premier Plan d'action étaient les suivants :

  1. Améliorer le bien-être des personnes en situation de pauvreté. Le plan d'action offre des solutions aux personnes sans emploi et à leur famille et à ceux qui, malgré qu'ils travaillent, sont en situation de pauvreté. En plus de ces diverses mesures qui visent des groupes particuliers, le plan d'action en introduit certaines visant à améliorer l'accès à un logement abordable.
  2. Prévenir la pauvreté et l'exclusion sociale en développant le potentiel des personnes. Ce deuxième objectif prévoit des mesures qui revêtent un caractère préventif et qui s'adressent à différents groupes afin de briser le cycle de la pauvreté intergénérationnelle et de permettre à toutes et à tous d'accéder à de meilleures conditions de vie.
  3. Favoriser l'engagement de l'ensemble de la société. Ce troisième objectif vise à soutenir le développement de la solidarité avec les milieux défavorisés, à appuyer les actions locales et régionales et à soutenir l'effort collectif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
  4. Assurer la cohérence et la constance de l'action. Ce dernier objectif vise à créer des outils pour coordonner les efforts des différents ministères et organismes concernés, associer les citoyennes et les citoyens aux efforts entrepris et évaluer l'impact des lois et des règlements sur la situation des individus et des familles pauvres.

Le premier plan d'action suscite des réactions mitigées (Noël, 2004)[19]. Celles du Collectif sont positives mais modérées : « un effort louable pour respecter les obligations qui lui sont faites par la loi, avec des omissions graves qui vont laisser la situation des personnes les plus pauvres se détériorer encore » (Collectif pour un Québec sans pauvreté, 2004). De plus le Collectif considère qu'en fusionnant les deuxième objectif de la Stratégie de lutte contre la pauvreté qui est de « renforcer le filet de sécurité sociale » et économique et le troisième objectif qui est de « favoriser l'accès à l'emploi et valoriser le travail » le gouvernement libéral de Jean Charest travestit les objectifs de la Loi anti-pauvreté et renforce la vision du gouvernement selon laquelle l'emploi est l'élément stratégique prioritaire pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale (Collectif pour un Québec sans pauvreté, 2013). D'autres critiques allèrent de très négatives à très positives. Pour certains le Plan d'action était trop populiste, privilégiait les pauvres et les exclus au détriment de la classe moyenne et ne respectait pas le programme électoral conservateur du gouvernement libéral nouvellement élu. Pour d'autres le plan d'action était progressiste et innovateur (Noël, 2004; Dufour, 2004).

B) Le deuxième Plan d'action

Le 3 novembre 2008, pressé par le Collectif, le ministre responsable de l'application de la Loi anti-pauvreté annonce le prolongement d'un an du premier plan d'action afin de mettre en place un processus national et régional de consultation sur le contenu du deuxième plan d'action. Un forum de consultation national intitulé le Rendez-vous national de la solidarité s'est tenu à Québec en juin 2009. La participation était très limitée et sur invitation seulement, ce qui incita plusieurs organisations communautaires à appeler au boycottage du forum. Néanmoins, considérant à ce moment-là que la stratégie de la chaise vide était contreproductive, le Collectif décida d'y participer. Le forum donna lieu à une confrontation des points de vue. Déçus des orientations du gouvernement Charest, le Collectif et plusieurs organismes membres protestèrent et décidèrent finalement de quitter la réunion. Nonobstant la position du Collectif lors du forum national, des consultations se déroulèrent dans toutes les régions du Québec à l'automne 2009 au cours desquelles plusieurs organisations populaires et de simples citoyens exprimèrent leur opposition aux orientations gouvernementales (Collectif pour un Québec sans pauvreté, 2013).

Le deuxième plan d'action intitulé Plan d'action gouvernemental pour la solidarité et l'inclusion sociale 2010-2015 : le Québec mobilisé contre la pauvreté est rendu public en juin 2010 et propose quatre grandes orientations :

  1. Revoir nos façons de faire et rapprocher les décisions des milieux locaux et régionaux;
  2. Valoriser le travail et favoriser l'autonomie des personnes;
  3. Soutenir le revenu des personnes défavorisées;
  4. Améliorer les conditions de vie des personnes.

Le deuxième plan d'action prévoyait des investissements de 1,3 milliards de dollars sur cinq ans. Il comprenait six éléments incluant un crédit d'impôt de la solidarité afin de compenser l'augmentation de la taxe de vente du Québec, l'indexation complète au coût de la vie et la mise sur pied d'Alliances pour la solidarité dans chaque région du Québec afin de coordonner les plans d'action régionaux.

Le deuxième plan d'action a été reçu négativement par le Collectif principalement parce qu'il proposait une approche fragmentaire pour lutter contre la paubreté, qu'il contenait peu de nouvelles mesures et ne proposait aucune orientation à long terme (Collectif, 2013).

4.2 Autres obligations

Le Chapitre III, en plus d'obliger le gouvernement à produire un plan d'action à l'intérieur d'un délai précis, institue des mesures qui assurent que les progrès accomplis soient évalués annuellement et que tous les ministères et agences gouvernementales tiennent compte de la loi lorsqu'ils préparent des nouvelles législations ou réglementations. Il spécifie que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale « est d'office le conseiller du gouvernement sur toute question relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. À ce titre, il donne aux autres ministres tout avis qu'il estime opportun pour améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles en situation de pauvreté et d'exclusion sociale et il participe à l'élaboration des mesures qui pourraient avoir un impact significatif sur ces personnes et ces familles » (Article 19). Chaque ministère doit évaluer l'impact de toute nouvelle loi et mesure qui pourraient avoir des impacts importants sur les personnes et les familles pauvres (Article 20). Aussi, le Ministre de l'emploi et de la solidarité sociale doit produire un rapport annuel sur les actions entreprises dans le cadre du plan d'action (Article 21).

4.3 Trois nouvelles institutions

En plus d'obliger le gouvernement à produire un plan d'action, la Loi anti-pauvreté crée trois nouvelles institutions afin de contribuer à l'application concrète de la Loi. Ce sont le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CCLP) créé en mars 2006, le Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion (CEPE) qui a débuté ses activités en 2005 et le Fonds québécois d'initiatives sociales, dédié au soutien financier d'initiatives locales et régionales qui a été mis sur pied en 2002 (Article 46).

A) Le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CCLP)

Conformément à l'article 31 de la Loi, le CCLP a pour principale fonction de « conseiller le ministre dans l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation des actions prises dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale » (Article 31). Il est composé de 17 personnes provenant d'une dizaine de régions du Québec et « représentant tous les secteurs de la société, y compris les personnes en situation de pauvreté ». Quinze membres sont nommés après consultation des organismes les plus représentatifs et des secteurs concernés, incluant cinq qui représentent des organismes dont la mission est de lutter contre la pauvreté, dont au moins trois reçoivent des services de ces organismes, et dix provenant des milieux patronaux, syndicaux, municipaux, communautaires et autres.

B) Le Centre d'études sur la pauvreté et l'exclusion sociale (CEPE)

Le CEPE a pour fonctions « de recueillir, d'intégrer, de compiler, d'analyser et de diffuser des renseignements, notamment de nature statistique, sur la pauvreté et l'exclusion sociale ».[20] Il s'agit d'un « lieu d'observation, de recherche et d'échanges visant à fournir des informations fiables et rigoureuses en matière de pauvreté et d'exclusion sociale. Il est dirigé en collaboration avec un comité de direction composé de personnes en provenance des milieux gouvernemental, universitaire et de la recherche ainsi que de personnes œuvrant auprès des personnes en situation de pauvreté ou d'exclusion sociale ».[21] Vivian Labrie, une des principales instigatrices et organisatrices de la campagne anti pauvreté, est membre du comité de direction qui est présidé par Alain Noël.

C) Le Fonds québécois d'initiatives sociales

Le Fonds québécois d'initiatives sociales a été mis sur pied en 2002 afin de soutenir des initiatives locales et régionales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Le Fonds, dont plus de 90% des sommes doivent être investies localement et régionalement, est sous la gouverne du ministère des Finances.

En plus de ces trois initiatives institutionnelles, un comité interministériel de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale a été mis sur pied en juin 2004. Il a comme mandat de coordonner au niveau national les actions entreprises par les divers ministères et agences gouvernementales impliqués dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Ils sont tous impliqués au sein du processus menant à la production des plans d'action quinquennaux.


Partie V: Discussion

Dans cette partie nous proposons une analyse critique des faits présentés dans les Parties II, III et IV en utilisant le cadre théorique exposé dans la Partie I. Nous démontrerons que la Loi anti-pauvreté constitue une innovation remarquable tant par le processus politique qui lui a donné naissance que par ses effets sur la pauvreté. Nous reconnaissons que notre point de vue n'est pas partagé par toutes et tous. Certains auteurs avancent même le contraire en affirmant ironiquement que le processus menant à l'adoption de la Loi ainsi que son contenu ne sont pas d'origine québécoise puisque certains de ses aspects auraient été influencés par des éléments de politiques à saveur néolibérale importés de certains pays de l'OCDE (Lamarche, 2007; Lamarche et Greason, 2008; Greason, 2013). Par rapport à de telles affirmations, nous soutenons qu'il est possible de développer des politiques innovatrices tout en étant influencé par certains courants internationaux. Avec d'autres auteurs (Noël, 2003, 2004, 2007; Dufour, 2004), nous considérons que la Loi anti-pauvreté a été innovatrice surtout au cours de la période précédant son adoption (1995-2002) et dans une moindre mesure durant les années de sa mise en application (2003-2013). Notre propos est à l'effet que la conception de la Loi anti-pauvreté est le fruit d'une participation d'un ensemble d'acteurs de la société civile (démocratie participative) et d'acteurs de la sphère politique (démocratie représentative) dans un processus de co-construction démocratique conformément à une approche ascendante plutôt que descendante. Ce processus comprenait autant des activités de lobbying que de défense d'intérêt.

5.1 Une co-construction née au sein de la société civile

La Loi 112 constitue un exemple, rarissime et peut-être même unique au Québec, d'une approche législative qui va du bas vers le haut, et non du haut vers le bas comme c'est la coutume. Normalement, les projets de réforme sont préparés au sein de l'appareil gouvernemental, pour être ensuite déposés sous forme de projet de loi. Une commission parlementaire est ensuite mise sur pied afin de recevoir les avis des divers groupes et organismes issus de la société civile et de la sphère politique. Le projet de loi est alors amendé ou non et est adopté par l'Assemblée nationale. Dans ce type de processus, les politiques publiques sont conçues au sein de l'appareil d'état, bien que la société civile soit consultée avant la fin de l'exercice.

L'émergence de la Loi anti-pauvreté constitue une démonstration qu'un autre modèle de développement de politiques publiques est possible. Dans le cas qui nous concerne, le projet a été initié au sein de la société civile. Au tout début, l'idée d'une loi anti-pauvreté n'était l'objet de débat qu'au sein de celle-ci. À la fin de la période d'émergence, de l'automne 2000 à l'automne 2002, la délibération publique s'était étendue à la sphère politique.

5.2 Le lobbying vint après

Si le lobbying a pour objectif d'influencer directement les preneurs de décisions alors et les pratiques de défense d'intérêt celui d'influencer l'environnement du processus décisionnel (influence sur les médias, sur l'opinion publique, etc.), il appert que les activités de lobbying n'ont pris véritablement de l'importance qu'au cours des deux dernières années de la période d'émergence (voir Partie II). Ainsi le dépôt, le 22 novembre 2002, devant l'Assemblée nationale d'une pétition de 215,316 noms réclamant une loi pour éliminer la pauvreté a été un évènement charnière. À compter de ce moment, des pratiques de lobbying et de défense d'intérêt ont été utilisées simultanément par la coalition anti-pauvreté (Dufour, 2004). Mais jusqu'à ce point tournant, la coalition déployait beaucoup plus d'énergie à développer des pratiques de défense d'intérêt au sein de la société civile qu'à faire du lobbying auprès des leaders politiques.

5.3 Lobbying came later

If the distinction between lobbying and advocacy activities lies on the fact that lobbying aims to influence directly the decision-makers while advocating aims to influence the environment of the decision-making process (influencing the media, public opinion, etc.), it is obvious that lobbying became important only during the last two years of the emergence period (cf. Part II). For example, the presentation in the National Assembly on November 22, 2000, of a petition with 215,316 signatures in favour of the adoption of a law on the elimination of poverty constitutes a bench mark. From that moment on, advocating and lobbying were used together by the anti-poverty coalition and activists (Dufour, 2004). But before that turning point of 2000, the anti-poverty coalition was spending much more energy developing advocacy initiatives within civil society than lobbying political leaders.

5.4 En diapason avec le paradigme du Mouvement de vie autonome

Dans les Parties II, III et IV nous avons vu que le principe à la base de l'émergence, du contenu et de la mise en application de la Loi anti-pauvreté est le fait que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale (et leurs associations) doivent être les premières à agir pour transformer leur situation. Ce principe était défendu par les militants et des militantes qui ont combattu pour une loi anti-pauvreté durant la période d'émergence et a été placé au cœur du projet de loi et il constitue un élément clé de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. L'importance de la participation citoyenne est soulignée dans plusieurs sections de la Loi : dans le Préambule, dans le Chapitre 2 sur la Stratégie nationale ainsi que dans les Chapitres 4 et 5 qui prévoient la mise en place d'institutions et de pratiques pour développer et diffuser des connaissances et pour encourager l'action collective et la coopération.

Cependant, l'accent mis sur la participation citoyenne a été moindre au cours des 10 premières années de la mise en application de la Loi à cause du manque de volonté politique des trois gouvernement Charest de 2003 à 2012 et de la timidité du nouveau gouvernement minoritaire Marois durant sa première année au pouvoir (2012-2013).

Il est tout de même surprenant de constater que certains auteurs ne semblent pas convaincus de l'importance réservée à la participation des personnes pauvres et de leurs associations à l'intérieur de la Loi anti-pauvreté. Pour Greason, par exemple, l'accent mis sur la responsabilité des acteurs sociaux dans la lutte contre la pauvreté, en particulier des personnes pauvres et des exclus, relèverait d'un complot néolibéral dont l'objectif est de « soutirer au gouvernement sa responsabilité première dans la lutte contre la pauvreté » (2013: 4). Cette manière de diminuer et de ridiculiser l'importance du principe de la participation des personnes pauvres et de leurs associations dans le développement de nouvelles politiques ne convainc pas. Elle ne tient pas compte d'avancées philosophiques majeures des trente dernières années au sein du mouvement de lutte contre la pauvreté et celui des personnes handicapées. Afin d'expliciter notre point de vue, nous présentons succinctement certaines avancées réalisées par le mouvement des personnes handicapées qui est étroitement lié au mouvement anti-pauvreté.

En effet, la participation citoyenne dans le développement de politiques sociales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion constitue une demande historique du mouvement des personnes handicapées aux niveaux international, canadien et québécois au cours des trente dernières années. Au Québec et dans le reste du Canada, de même que dans plusieurs pays européens, cette optique philosophique et politique du Mouvement de vie autonome (MVA) a été mise de l'avant depuis la fin des années 1970 par un grand nombre d'organisations de personnes handicapées du tiers secteur (OTS) (Prince, 2009: 116, 120-122).

Au Québec, la perspective théorique du MVA apparaît dans le document phare intitulé À part &8230;égale L'intégration sociale des personnes handicapées : un défi pour tous publié par l'Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ) en 1984 et co-construit par le mouvement des personnes handicapées et le Gouvernement du Québec (Boucher, Fougeyrollas et Gaucher, 2003: 152-153). Cette vision innovatrice a été constamment réaffirmée au cours des trente dernières années et est au cœur de la nouvelle politique du Gouvernement du Québec adoptée en 2009 intitulée À part entière (OPHQ, 2009). Le paradigme du MVA contient deux exigences pour le mouvement des personnes handicapées et les organismes du tiers secteur (OTS). Premièrement ces OTS, qu'ils soient du domaine de la défense de droit ou de livraisons de services alternatifs, doivent être contrôlés et dirigés par des personnes handicapées (Boucher, Fougeyrollas et Gaucher, 2003: 138-139). Deuxièmement, les personnes handicapées et leur réseau d'associations ne sont pas uniquement des utilisateurs ou des consommateurs mais des architectes et des co-constructeurs de réformes de politiques sociales.

Au même moment où il se répandait au Québec, le paradigme du MVA progressait aussi au sein du mouvement des personnes handicapée dans le reste du Canada. Il est bien présent dans un document de la Roeher Institute (1993) intitulé Social Well-Being. A Paradigm for Reform.

On peut y lire :

« L'État providence a aussi été critiqué pour avoir sous-estimé l'importance de certaines composantes du bien-être des individus : leur autodétermination et leur participation aux décisions qui les concernent. » (&8230;)

« Actuellement, cependant, des individus et des groupes demandent de participer à plus de processus décisionnels. Ils veulent participer à l'élaboration de politiques et de programmes de l'État providence, aux institutions du marché du travail et autres organismes économiques, aux politiques environnementales et à leur gestion, au développement urbain ainsi qu'aux politiques et programmes d'éducation et de formation » (Roeher Institute, 1993: 18-19).[22]

Ces références au paradigme du MVA au sein des mouvements de personnes handicapées aux niveaux international, canadien et québécois peuvent paraître éloignées de notre propos sur la participation des personnes pauvres et de leurs associations au processus de co-construction de politiques publiques. Mais tel n'est pas le cas puisqu'une proportion importante des personnes handicapées vit dans la pauvreté et l'exclusion sociale. C'est pourquoi le mouvement des personnes handicapées et un grand nombre d'associations de personnes handicapées sont parties prenantes de la coalition et du réseau anti-pauvreté québécois. Ainsi, voit-on la concordance entre le principe d'autodétermination du mouvement des personnes handicapées et la volonté de faire de la participation des personnes pauvres un élément clé de la lutte contre la pauvreté et de la Loi anti-pauvreté.

5.5 La participation d'une diversité d'intervenants de la société civile

Dans notre cadre théorique (voir Partie I), la participation des personnes marginalisées est une condition essentielle mais non suffisante pour que les réformes des politiques sociales soient démocratiques et non corporatistes. En effet, la participation d'autres composantes de la société civile au processus de co-construction est nécessaire. Le Préambule de la Loi anti-pauvreté insiste sur la participation des personnes pauvres mais aussi sur celle d'autres groupes de citoyens. Nous croyons que cette double participation est essentielle pour que la co-construction soit démocratique. Si les personnes pauvres et leurs associations ne participent pas à l'élaboration de la stratégie de lutte contre la pauvreté, il manque un élément démocratique essentiel. Mais si d'autres composantes de la société civile ne participent pas à l'élaboration des plans d'action, par exemple, le processus de co-construction devient moins inclusif et démocratique.

Il nous semble évident que la participation de plusieurs mouvements sociaux à l'élaboration et à la mise en œuvre de la Loi anti-pauvreté (mouvements syndical, féministe, communautaire, de personnes handicapées, de personnes âgées, d'économie sociale et solidaire) et d'autres composantes de la société civile (associations religieuses pour la justice sociale, médias alternatifs, associations familiales, associations de défense de droit, fédérations étudiantes, etc.) a contribué de manière décisive à élargir la coalition et à rendre cette Loi plus démocratique et plus convaincante au niveau politique. Autrement dit, le processus de co-construction était beaucoup plus qu'une petite liste de « groupes d'intérêt » intervenant de manière corporatiste pour obtenir une nouvelle législation.

5.6 La participation d'une diversité d'intervenants politiques

Comme nous l'avons affirmé précédemment, une véritable co-construction démocratique de politiques publiques nécessite non seulement la participation de la société civile mais aussi de la sphère politique &8212; les pouvoirs législatif et exécutif et la bureaucratie &8212; à la délibération, à l'élaboration et à la prise de décision. Nous avons vu que, contrairement à l'approche traditionnelle de réformes de politiques sociales, la Loi anti-pauvreté a été l'aboutissement concret d'une initiative citoyenne, d'une mobilisation populaire et d'une délibération publique. C'est à l'intérieur de la société civile qu'a pris naissance l'idée d'une loi dont l'objectif est de faire du Québec une société sans pauvreté et c'est une coalition anti-pauvreté issue de la société civile et ses alliés qui ont rédigé le premier projet d'une telle loi. Au cours des premières années (1995-2000), les associations de lutte contre la pauvreté et leurs alliés au sein de la société civile étaient presque seuls à préparer un projet de loi pour éliminer la pauvreté. Pendant cette période, plutôt que de faire du lobbying pour s'assurer la participation des membres de l'Assemblée nationale et du gouvernement, la coalition anti-pauvreté s'affairait à développer des campagnes d'information et de mobilisation du grand public, en étant consciente qu'éventuellement ces initiatives faciliteraient leurs efforts pour obtenir l'appui des politiciens et des bureaucrates.

Comme nous l'avons démontré dans la Partie II, le processus de co-construction s'est élargi et renforcé au cours des deux dernières années de la période d'émergence, de l'automne 2000 à l'automne 2002. C'est à ce moment qu'il devint très important pour la Coalition pour l'élimination de la pauvreté d'investir les sphères législative et exécutive du gouvernement. Ainsi, la nature du débat évoluait. Des interactions intensives se sont alors développées entre les leaders de la coalition anti-pauvreté, les représentants du gouvernement et les dirigeants des divers partis politiques. La participation citoyenne qui ne cessait d'augmenter depuis cinq ou six ans au sein de la coalition anti-pauvreté créa une pression politique grandissante pour l'adoption d'une loi anti-pauvreté.

À partir du moment où la coalition rendit public son propre projet de loi visant l'élimination de la pauvreté à la fin de l'année 1999, une double dynamique apparut. D'un côté, la coalition poursuivait sont travail de mobilisation de la société civile en s'assurant que son projet de loi soit diffusé largement et discuté dans toutes les régions du Québec, grâce, entre autres, à la tenue de quelques centaines de sessions du parlement de la rue. D'un autre côté, la coalition multipliait ses contacts avec les acteurs politiques afin de les convaincre de la pertinence de son projet de loi. Les leaders du mouvement anti pauvreté ont réussi à travailler autant avec le parti au pouvoir &8212; le PQ &8212; qu'avec les partis d'opposition &8212; le PLQ (le Parti libéral du Québec), l'ADQ (l'Action démocratique du Québec) et d'autres petites organisations de gauche. C'est ainsi que le 22 novembre 2000 la coalition était assurée que sa pétition de 215,000 noms serait déposée à l'Assemblée nationale par les représentants de tous les partis politiques représentés en cette enceinte. Le même jour, l'Assemblée législative adoptait une résolution mandatant le gouvernement de préparer une stratégie globale de lutte contre la pauvreté. À partir de ce moment, le gouvernement et les partis politiques siégeant à l'Assemblée nationale discutaient de la lutte contre la pauvreté alors que la coalition parlait toujours de l'élimination de la pauvreté. Ces efforts internes et externes de la coalition se poursuivirent en 2001 et 2002. Ils se sont intensifiés lors de l'élection du gouvernement Landry en mars 2001 et ont atteint leur apogée de juin à novembre 2002, alors que le gouvernement planchait sur son propre projet de stratégie de lutte contre la pauvreté. Le 12 juin 2002, le projet de loi 112 intitulé Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale était déposé et une commission parlementaire était instituée pour étudier le projet de loi. Pendant ce temps, la coalition continuait à mobiliser la société civile afin d'apporter des amendements au projet de loi. La participation des personnes pauvres et exclus à la définition de leurs revendications et la traduction de certaines de ces revendications en articles de loi ont eu pour conséquence l'adoption unanime de la Loi par l'Assemblée nationale le 13 décembre 2002.

Nous considérons que ce qui précède constitue un véritable processus de co-construction démocratique de politique publique.

Ainsi, c'est à la fin de la période d'émergence qu'il devint très important pour la Coalition pour l'élimination de la pauvreté d'investir les sphères législative et exécutive du gouvernement. Les pratiques de lobbying et de défense d'intérêt déployées en 2001 et 2002 comprenaient des éléments de démocratie directe et participative mais aussi des éléments de démocratie représentative. La société civile et la société politique délibéraient et travaillaient ensemble afin d'élaborer un projet de lutte contre la pauvreté. Les leaders du mouvement anti pauvreté ont réussi à travailler autant avec le parti au pouvoir &8212; le PQ &8212; qu'avec les partis d'opposition &8212; le PLQ (le Parti libéral du Québec), l'ADQ (l'Action démocratique du Québec) et d'autres petites organisations de gauche. La participation des personnes pauvres et exclus à la définition de leurs revendications et la traduction de certaines de ces revendications en articles de loi ont eu pour conséquence l'adoption unanime de la Loi par l'Assemblée nationale le 13 décembre 2002, d'une part, et la survie de la Loi anti-pauvreté après la défaite du gouvernement du Parti québécois en avril 2003, d'autre part.

5.7 L'architecture de la Loi anti-pauvreté favorise sa résilience

Certains pourraient avancer que la Loi anti-pauvreté n'a pas de grande importance puisqu'un gouvernement dont les orientations ne cadreraient pas avec celles de la Loi pourrait hésiter à la mettre en application. Évidemment, un gouvernement nouvellement élu qui doit composer avec des politiques ou des législations qui sont contraires à ses propres convictions pourrait être tenté de les ignorer, les modifier et même les abolir. Reconnaissons cependant que cela pourrait être plus facile à accomplir si de telles politiques et législations n'avaient pas été co-construites démocratiquement. À cet effet, il est intéressant de comparer les marges de manœuvre de Jean Charest et de Stephen Harper lorsqu'ils sont arrivés au pouvoir en 2003 et 2006 respectivement. Dans les deux cas, les priorités partisanes avancées au cours des campagnes électorales laissaient présager des modifications importantes ou même la révocation de certaines politiques adoptées par leur prédécesseur. Cependant après huit ans de gouverne conservatrice à Ottawa et de gouverne libérale à Québec, il est évident que le gouvernement Charest a eu beaucoup plus de difficulté que le gouvernement Harper à remettre en question les politiques du gouvernement précédent.

En effet, en 2006, le nouveau gouvernement de Stephen Harper avait décidé d'ignorer certaines politiques publiques introduites par son prédécesseur libéral. À titre d'exemple, Harper refusa de mettre en vigueur des éléments importants de la politique d'économie sociale introduite par le gouvernement de Paul Martin en 2004 et 2005. Selon nous, ces décisions ont été facilitées par le fait que la politique du gouvernement précédent n'avait pas été adéquatement co-construite non seulement au sein du Parlement canadien mais aussi au sein du Parti libéral (Vaillancourt, 2012a). L'appui de cette politique demeurait trop faible à l'intérieur de la société civile, des partis d'opposition et même du Parti libéral tendance Chrétien.

Pour Jean Charest il était beaucoup plus difficile d'agir ainsi en 2003. En effet, contrairement aux attentes de plusieurs, le gouvernement de Jean Charest a été incapable d'affaiblir sérieusement plusieurs politiques innovatrices, incluant la Loi anti-pauvreté, qui avaient été co-construites sous la gouverne péquiste de 1994 à 2003. Nous partageons les hypothèses proposées par Alain Noël (2007 et 2013) pour en expliquer les causes. Afin d'analyser avec rigueur et nuance les pratiques politiques des gouvernements Charest de 2003 à 2012, il est essentiel de tenir compte non seulement de la nature partisane de ses actions mais aussi de certaines réalités qui se situent au-delà de la partisannerie et qui ont eu une influence tant sur le Parti québécois que par le Parti libéral du Québec au cours de 20 dernières années. Sous le règne des Libéraux de Jean Charest, la résilience de la Loi anti-pauvreté et d'autres politiques publiques adoptées par des gouvernements péquistes s'explique par cette dimension non-partisane (Noël, 2007) qu'Alain Noël nomme « coalition politics » ou « coalition engineering» (2013:262-266) et que nous désignons par l'expression co-construction démocratique. Autrement dit, si la politique partisane a joué un rôle certain dans les décisions des gouvernements libéraux et péquistes, elle n'en constitue pas le principal facteur. La participation des acteurs de la société civile et des mouvements sociaux à l'élaboration et à la mise en place de certaines politiques publiques, comme la Loi anti-pauvreté, peut expliquer leur caractère social-démocrate malgré le fait que peu de premier- ministres de cette mouvance politique aient dirigé le Québec au cours de ces années.

Ainsi, les trois gouvernements Charest successifs n'ont pu mettre de côté les obligations imposées par la Loi anti-pauvreté. Cela ne signifie pas que le leadership de ces gouvernements était empressé de les respecter. Au contraire, comme nous l'avons vu dans la Partie IV, la volonté politique de mettre en place le premier plan d'action en 2004 et le deuxième en 2008 était faible et souvent inexistante. Heureusement, l'architecture de la Loi offrait à la société civile et aux partis d'opposition des outils pour défendre ses principes et mécanismes démocratiques. Comme nous l'avons vu dans la Partie III, la Loi prévoit divers mécanismes qui assurent sa mise en application et la coordination des actions du gouvernement : chaque plan d'action doit être déposé à une date précise; chaque ministère doit étudier l'impact sur les personnes pauvres des projets de loi et des règlements qu'il propose; le gouvernement doit publier annuellement un rapport des activités réalisés dans le cadre du plan d'action; le CEPE doit publier chaque année un rapport sur l'évolution de la pauvreté. De plus, dans un contexte politique difficile, la participation de représentants du réseau d'action anti-pauvreté et de ses alliés dans les nouvelles institutions comme le CCLP et le CEPE a permis à la Loi de perdurer bien qu'avec moins d'intensité que l'auraient souhaité les partisans de la lutte contre la pauvreté.

Examinons maintenant certains impacts de la Loi anti-pauvreté.

5.8 Les résultats de la Loi anti-pauvreté

Ce rapport serait incomplet s'il passait sous silence le succès relatif de la Stratégie québécoise de lutte contre la pauvreté dont l'objectif visait « à amener progressivement le Québec d'ici 2013 au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres » (Article 4). Pour une analyse plus détaillée nous renvoyons le lecteur à l'Annexe de ce rapport. Aubry (2012 et CEPE (2012).

Toute tentative d'évaluer aujourd'hui le succès de la Loi anti-pauvreté est un exercice périlleux. D'abord, la pauvreté et l'exclusion sociale sont des réalités multidimensionnelles qui ne peuvent être appréhendées uniquement à l'aide de quelques indicateurs de nature financière comme le taux de pauvreté ou le coefficient de GINI[23]. Ensuite, l'atteinte de l'objectif de 2013 ne dépend pas uniquement de l'évolution de la situation québécoise mais aussi de celle des autres sociétés industrialisées. Enfin, il faut être prudent quant à la contribution des politiques gouvernementales à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale puisque l'évolution de la pauvreté est aussi tributaire des cycles économiques sur lesquels les pouvoirs publics d'un seul État ont de moins en moins d'influence.

Le taux de pauvreté

Ceci étant dit, le taux général de pauvreté au Québec, mesuré selon la méthode du panier de consommation (MPC) est passé de 11,6% en 2000 à 7,9% en 2007, l'année précédant la dernière grande crise financière, ce qui représente une diminution de 32%. À cause de la récession engendrée par la crise financière de 2008 la pauvreté a augmenté de 2007 à 2010. Sur l'ensemble de la période de 2000 à 2010, le taux de pauvreté a diminué de 19%. Ce chiffre cache cependant des différences importantes selon les secteurs de la population étudiés :

  • La diminution de la pauvreté a été quatre fois plus rapide chez les femmes (-29,1%) que chez les hommes (-7,6%) ;
  • Parmi l'ensemble des ménages, l'incidence de la pauvreté a diminué le plus rapidement chez les familles de deux adultes avec enfants (-45,1%) ;
  • Le taux de pauvreté des enfants a connu la même tendance au cours de la période (-45,3%) ;
  • La pauvreté au sein des familles monoparentales a diminué de manière importante, particulièrement chez celles dirigées par une femme (-38,1%). Malgré tout, l'incidence de la pauvreté demeure très élevée chez ces dernières ;
  • Chez les personnes âgées, le taux de pauvreté a peu varié et est demeuré relativement faible jusqu'à la récession de 2008 ;
  • Le seul autre type de ménage qui n'a pas vu sa situation s'améliorer durant la période est composé de personnes seules dont le taux de pauvreté est demeuré élevé (25,4%).

En ce qui a trait à la réduction de la pauvreté, le Québec s'est relativement bien tiré d'affaire si on compare sa situation à celle d'autres provinces canadiennes et d'autres pays industrialisés (CEPE, 2012).

Les inégalités dans la répartition des revenus

Il est maintenant reconnu qu'il existe un lien entre l'incidence de la pauvreté et le degré d'inégalité dans la distribution des revenus. Dans les pays industrialisés, l'inégalité des revenus a augmenté substantiellement au cours des 25 dernières années. Selon le CEPE (2013) la distribution des revenus semble plus égalitaire au Québec que dans l'ensemble du Canada. Au niveau international, le Canada et le Québec ont une situation beaucoup moins favorable que celle de plusieurs pays ayant atteint un stade de développement économique comparable. « En comparaison avec certains des pays européens, le Québec occupe une position médiane; le coefficient de Gini y apparaît moins élevé qu'au Canada, qu'au Royaume-Uni ou que dans un sous-ensemble de 15 des pays de l'OCDE, mais plus élevé que dans certains pays de l'Europe continentale (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Autriche) et que dans tous les pays scandinaves » ( CEPE, 2012 : 49).


Conclusion

L'étude de cas de la Loi anti-pauvreté du Québec présentée dans ce rapport se concentre principalement sur le processus démocratique qui a mené à son adoption et, plus expéditivement, sur l'analyse des résultats obtenus.

Comme on peut le constater à la lecture de l'annexe de ce rapport, les résultats obtenus sont très diversifiés. Bien que la tendance générale soit à la diminution de l'incidence de la pauvreté au cours de la période étudiée, et malgré que des progrès importants aient été accomplis dans certains segments de la population, chez les familles avec enfants par exemple, la problématique de la pauvreté demeure très importante dans d'autres groupes. C'est le cas en particulier chez les personnes seules où aucun progrès n'a été accompli, ainsi que chez les familles monoparentales dirigées par une femme et les personnes handicapées où les taux de pauvreté demeurent très élevés malgré des améliorations importantes de leur situation. Au niveau canadien, le Québec a fait des progrès importants tant au chapitre du niveau global de pauvreté qu'à celui de la pauvreté sévère (Aubry, 2012).

Quant à l'analyse du processus démocratique, nous avons fait la distinction entre la période de genèse (1995-2002) de la Loi et celle de sa mise en vigueur (2003-2013). Nous avons examiné le rôle des organismes du tiers secteur (OTS), en particulier ceux dévoués à l'amélioration du sort des personnes pauvres et exclues, à partir de deux exigences : d'abord ces OTS ont-ils déployé des pratiques de défense d'intérêt, ensuite ont-ils participé à la co-construction de la Loi anti-pauvreté. Selon notre perspective, afin de produire de solides politiques sociales, les pratiques de défense d'intérêt des OTS doivent être accompagnées de la participation de ces organismes à leur co-construction démocratique. « En termes simples, de bonnes politiques sociales ne sont pas possibles en l'absence d'une saine démocratie » (Evers et Guillemard, 2013: 381).[24]

Quelque soit leur nombre ou leur originalité, les pratiques de défense d'intérêt des OTS ne sont parties prenantes d'une co-construction démocratique que si elles répondent aux exigences de la démocratie participative et à celles de la démocratie représentative. Ce qui implique qu'une diversité d'acteurs de la société civile, incluant les OTS travaillant avec les personnes pauvres, délibèrent avec une diversité d'acteurs politiques afin d'élaborer le contenu des politiques. La co-construction n'existe pas si la politique est définie uniquement par la société civile ou par la société politique. Il ne peut y avoir co-construction démocratique lorsqu'il y a participation d'une partie seulement de la sphère politique (le pouvoir exécutif par exemple) ou un nombre limité de composantes de la société civile (par exemple la présence d'acteurs importants mais absence des personnes pauvres et exclues et leur réseau d'associations). En résumé, la participation des OTS dans le processus démocratique de co-construction est très exigeante de sorte qu'on la rencontre rarement dans la sphère des réformes de politiques publiques.

Les fondements philosophiques de la Loi anti-pauvreté présentés dans la deuxième partie s'harmonisent tout à fait avec les caractéristiques d'un processus démocratique de co-construction de politiques publiques présentés dans la première partie. En résumé, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion :

  • Ne relève pas uniquement de la responsabilité des gouvernements ;
  • Relève d'abord de la responsabilité des pauvres et des exclus ;
  • Relève aussi de la responsabilité des partenaires du marché du travail ;
  • Relève aussi de la responsabilité de l'ensemble de la société.

Nous insistons ainsi sur le fait que les gouvernements et l'État ne sont pas seuls responsables de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, contrairement à ce que proposent certains courants du tout à l'État. Ceci étant dit, il n'en demeure pas moins qu'une grande diversité d'acteurs de la sphère politique participent au processus de co-construction, c'est-à-dire non seulement les représentants du pouvoir exécutif, mais aussi des membres de l'ensemble des partis politiques qui participent à des instances et comités législatifs, comme ce fut le cas au cours des débats précédant l'adoption de la Loi anti-pauvreté. En résumé, la co-construction démocratique implique que, lors des moments clés du processus décisionnel, il y ait interaction entre le débat au sein de la société civile et celui se déroulant dans la sphère politique. Cette interaction peut mener à des compromis comme ce fut le cas en 2002 lorsque la coalition anti-pauvreté a accepté que la Loi vise à combattre la pauvreté et non à l'éliminer.

Notre texte démontre que, dans l'histoire de la Loi anti-pauvreté, les OTS membres de la coalition, qu'ils aient pour mission la défense de droit ou la livraison de services alternatifs, ont participé à une série impressionnante de pratiques originales de défense d'intérêt de même qu'à des activités de co-construction démocratique. La fréquence et l'intensité de ces activités ont varié au cours des années :

  • Les pratiques de défense d'intérêt ont été déployées en grand nombre tout au long de la période d'émergence (1995-2002) mais plus parcimonieusement et moins intensément au cours de la période de mise en vigueur de la Loi. Elles sont réapparues lors de la préparation des plans d'action en 2003-2004 et en 2008-2010 ;
  • Le processus démocratique de co-construction a atteint son apogée à la fin de la période d'émergence, de novembre 2000 à décembre2002, mais était plus timide durant la préparation des plans d'action ;
  • Les pratiques de défense d'intérêt ont facilité le déploiement du processus démocratique de co-construction. Ainsi de 1995 à 2001, les OTS membres de la coalition anti-pauvreté ont consacré leur énergie à sensibiliser et à mobiliser la société civile et à préparer leur propre version d'une loi afin d'éradiquer la pauvreté, donnant l'impression qu'ils n'étaient pas intéressés à interagir avec les acteurs politiques ;
  • Dans les faits, ces pratiques de défense d'intérêt faisaient pression sur la société politique jusqu'à la fin de l'année 2000 quand les acteurs et les institutions de la sphère politique ont commencé à réagir aux demandes résultant de la mobilisation de la société civile. À un certain moment en 2001, il existait deux démarches parallèles pour préparer une loi anti-pauvreté, telles deux solitudes, une au sein de la société civile, une au sein de l'appareil gouvernemental ;
  • Ensuite, à la fin de 2001, un débat public s'engagea et des ponts sont apparus entre la mobilisation sociale et la mobilisation politique. C'est à ce moment que commença le processus que nous avons nommé co-construction démocratique.

En conclusion, est-ce que le concept de co-construction démocratique des politiques publiques utilisé dans certains milieux d'action et de recherche sociales peut être considéré comme un « discours nouveau » ? Nous le pensons tout en reconnaissant que cette façon d'envisager les choses est l'objet de débats au sein de certains mouvements sociaux et dans le monde de la recherche.


Annexe: des résultats mitigés

Toute tentative d'évaluer aujourd'hui le succès de la Loi anti-pauvreté, dont l'objectif est d'amener progressivement d'ici 2013 le Québec au rang des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres, est un exercice périlleux parce qu'il fait face à plusieurs contraintes.

D'abord, comme le suggère bien la définition de la pauvreté retenue par le législateur, la pauvreté et l'exclusion sociale sont des « réalités complexes et multidimensionnelles » (Noël, 2011) qui ne peuvent être appréhendées uniquement à l'aide de quelques indicateurs de nature financière tels les taux de pauvreté ou les coefficients de GINI.

Ensuite, l'atteinte de l'objectif de 2013 ne dépend pas uniquement de l'évolution de la situation québécoise mais aussi de celle des autres sociétés industrialisées. Comme le souligne Noël (2012), « l'objectif de 2013 constitue donc une cible mouvante qui demande de poser un regard adéquat autant sur les autres que sur nous-mêmes ». Or, les données internationales comparatives sont peu nombreuses et ne sont disponibles qu'avec plusieurs années de retard. Les données pour l'année 2013 ne seront disponibles qu'en 2015 ou 2016. On pourra alors y faire un bilan plus définitif.

Enfin, il faut être prudent quant à la contribution des politiques gouvernementales dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. En effet, l'évolution de la pauvreté dans toute société ne dépend pas uniquement des politiques publiques dans les sphères économique et sociale; elle est aussi tributaire des cycles économiques de croissance, de ralentissement et de contraction de l'économie sur lesquels les pouvoirs publics d'un seul État ont de moins en moins d'influence, particulièrement depuis l'accélération de la mondialisation et de l'internationalisation des transactions financières. Ainsi, la diminution importante du taux de chômage au Québec depuis le début des années 2000 a évidemment contribué à la diminution de la pauvreté alors que la crise financière de 2008 et la récession qu'elle a engendrée ont contribué à son augmentation.

Ceci étant dit, sans pouvoir nous prononcer définitivement sur le succès ou l'échec de la stratégie québécoise de lutte contre la pauvreté, nous avons suffisamment d'informations pour au moins déterminer si le Québec évolue dans la bonne direction depuis l'adoption de la Loi 112 en regard des objectifs explicites de celle-ci.

Dans cette section nous étudierons, dans un premier temps, les données sur l'évolution de la pauvreté au Québec, dans les autres provinces canadiennes et dans les principaux pays industrialisés. Ensuite nous examinerons quelques données sommaires sur l'évolution des inégalités au Québec, dans les autres provinces et dans les principaux pays industrialisés. Toutes les données sont tirées du bilan de l'évolution de la pauvreté en 2012 publié par le CEPE (2012).

A) L'évolution de la pauvreté

Il existe plusieurs séries statistiques sur l'évolution de la pauvreté au Québec et au Canada. Les trois mesures les plus utilisées sont le Seuil de faible revenu (SFR) avant et après impôt et la Mesure du faible revenu (MFR) de Statistique Canada[25] et la Mesure du panier de consommation (MPC) développée par Ressources humaines Canada à la fin des années 1990 et publiée chaque année par Statistique Canada depuis l'an 2000. Pour des raisons invoquées ailleurs (Aubry, 2012), nous utiliserons la MPC pour effectuer des comparaisons interprovinciales et les MFR pour les comparaisons internationales.

Le taux de pauvreté au Québec

Nous présenterons d'abord l'évolution du taux de pauvreté au Québec selon la MPC pour les individus selon différents types de ménages pour les années 2000, 2007[26] et 2010, dernière année pour laquelle les données sont disponibles. Nous présenterons ensuite l'évolution de cet indicateur pour l'ensemble des provinces canadiennes pour la même période. Enfin, nous utiliserons la Mesure du faible revenu après impôt afin de comparer l'évolution de la situation au Canada et au Québec à celle des autres pays industrialisés.

Le Tableau 1 présente l'évolution du taux de pauvreté au Québec pour les années 2000, 2007 et 2010 selon la méthode de la Mesure du panier de consommation pour l'ensemble des particuliers.

Tableau 1. Taux de faible revenu, MPC, caractéristiques des particuliers de tous âges, Québec, 2000-2010
  2000
%
2007
%
2010
%
Changement
2000-2010 en %
Tous les individus 11,6 7,9 9,4 -19,0
Hommes 10,5 7,8 9,7 -7,6
Femmes 12,7 8,0 9,0 -29,1
Types de ménage        
Personnes seules 25,4 22,8 25,4 0,0
Familles économiques de
2 membres et plus 9,1 4,9 6,1 -33,3
Couples avec enfants 7,1 2,6 3,9 -45,1
Familles monoparentales dirigées par un homme 20,6 11,7 17,5 -15,0
Familles monoparentales dirigées par une femme 39,4 18,3 24,4 -38,1
Enfants (0-17 ans) 13,7 5,6 7,5 -45,3
Adultes (18 ans et plus) 11,0 8,7 9,6 -12,7
18-64 ans 12,7 10,1 11,3 -11,0
65 ans et plus 1,8* 2,0* 4,9* 72,2

Source : CEPE, 2012.

À l'examen de ce tableau, on peut observer une diminution progressive du taux de pauvreté tout au long de la période jusqu'à la grave crise financière de 2008.

Nonobstant la tendance générale à la diminution de la pauvreté de 2000 à 2010, les progrès réalisés varient sensiblement selon le segment de la population :

  • Le taux de pauvreté des femmes a connu une diminution (-29,1%) quatre fois plus rapide que celui des hommes (-7,6%) au cours de la période;
  • Parmi l'ensemble des ménages, l'incidence de la pauvreté a diminué le plus (-45,1%) chez les familles de deux adultes avec un ou plusieurs enfants ;
  • Le taux de pauvreté des enfants a diminué dans les mêmes proportions (-45,3%) ;
  • Chez les familles monoparentales, le taux de pauvreté a diminué de manière importante, surtout dans les familles dirigées par une femme, passant de 39,4% en 2000 à 24,4 % en 2010, une diminution de 38,1%. Cependant l'incidence de la pauvreté demeure très élevée chez ces familles;
  • Chez les personnes âgées, le taux de pauvreté a peu changé au cours de la période, jusqu'au choc de 2008, se maintenant à un niveau relativement faible. Ces données cachent cependant des différences importantes entre les hommes et les femmes âgées de 65 ans et plus ;
  • Le seul autre type de ménage qui n'a pas connu une diminution du taux de pauvreté est constitué de personnes seules qui ont un taux de pauvreté persistant de 25,4%. Bien que le Tableau 1 ne distingue pas les personnes seules en emploi de celles qui sont sans emploi, ce sont ces dernières qui ont connu une hausse de leur taux de pauvreté pendant cette période (CEPE, 2008);

Les tendances notées plus haut[27] reflètent bien les objectifs du premier Plan d'action gouvernemental qui étaient d'améliorer en priorité le sort des familles, en particulier celles avec enfants ainsi que les personnes à faible revenu qui détiennent un emploi.

Le Québec dans le Canada

Dans cette section, nous comparons l'évolution du taux de pauvreté du Québec avec celui des autres provinces et du Canada pour la période de 2000 à 2010. Le Tableau 2 présente l'évolution du taux de faible revenu selon la MPC pour chaque province et pour l'ensemble du Canada. Il présente aussi le changement en pourcentage de 2000 à 2010.

Tableau 2. Taux de faible revenu, MPC, provinces et ensemble du Canada, 2000-2010
Province 2000
%
2007
%
2010
%
Changement
en % 2000-2010
Terre-Neuve-et-Labrador 20.5 11.3 11.6 -43.4
Île-du-Prince-Edouard 14.6 9.1 11.7 -19.9
Nouvelle-Écosse 14.2 12.1 12.8 -9.9
Nouveau-Brunswick 13.7 12.2 12.0 -12.4
Québec 11.6 7.9 9.4 -19.0
Ontario 9.9 8.7 9.5 -4.0
Manitoba 10.8 8.7 8.3 -23.1
Saskatchewan 13.2 10.6 8.8 -33.3
Alberta 11.0 6.7 8.4 -23.6
Colombie-Britannique 16.8 10.3 12.4 -26.1
Ensemble du Canada 11.9 8.8 9.9 -16.8

Source: CEPE, 2012.

On peut dégager quelques constatations de ce tableau:

  • Toutes les provinces, sauf l'Ontario, ont connu une diminution importante de la pauvreté au cours de la période de 2000 à 2010, mais ce sont les quatre provinces aux extrémités du pays (Terre-Neuve-et-Labrador à l'est, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie–Britannique à l'ouest) qui ont connu la plus forte diminution. La situation du Québec est mitoyenne, avec une diminution de 19%;
  • En ce qui concerne l'incidence de la pauvreté, avec un taux de 9,4 % en 2010, le Québec est ex-æquo avec l'Ontario et est surpassé par le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta;
  • Le Québec, ainsi que l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta, jouissent d'un taux de pauvreté inférieur à celui de l'ensemble du Canada qui est de 9,9 %.

Compte tenu de ce qui précède, on peut conclure que le Québec a fait des progrès importants sur le plan de la réduction de la pauvreté au cours des années 2000. Cependant ces gains sont très inégaux et laissent de côté des pans importants de la population (les personnes seules en particulier). Pour d'autres groupes, telles les familles avec enfants, les gains ont été considérables bien que le l'incidence de la pauvreté demeure très élevée chez les familles monoparentales dirigées par une femme. Par rapport aux autres provinces, le Québec semble donc bien tirer son épingle du jeu.

Le Canada et le Québec dans le monde

Mais qu'en est-il de la position du Québec par rapport aux autres pays industrialisés compte tenu de l'objectif d'amener progressivement le Québec au rang des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres d'ici 2013.

Pour mesurer la pauvreté au niveau international, l'OCDE utilise l'indice de la Mesure du faible revenu défini comme étant 50% ou 60% du revenu médian dans chaque pays.

Dans son dernier rapport d'étape, le CEPE (2013) fait état des données les plus récentes pour plusieurs pays industrialisés. Les résultats d'enquêtes nationales sur les revenus et les conditions de vie permettent de comparer les taux de faible revenu utilisant la mesure de 60% du revenu médian. Nous pouvons comparer la situation du Canada et celle du Québec à un ensemble de dix-sept pays de l'OCDE les plus développés[28] en considérant le Québec comme une entité séparée.

En 2009, le Québec se situait au 7e rang avec la Finlande alors que le Canada (incluant le Québec) se situait au 16e rang. Sans le Québec le Canada se situait au dernier rang.

Tableau 3. Taux de faible revenu, seuil à 60% du revenu ajusté médian après impôt, pour les personnes dans les ménages selon le pays, 2009
Pays Rang Taux de faible revenu
%
Pays-Bas 1 11,1
Finlande 7 13,8
Québec 7 13,8
U-15 13 16,1
Italie 15 18,4
Canada 16 18,6
Grèce 19 19,5
Canada sans le Québec 20 20,0

Source : CEPE, 2012.

B) L'évolution des inégalités des revenus

En raison de la portée limitée de ce document, nous présentons ici quelques indicateurs choisis afin d'illustrer l'évolution de l'inégalité des revenus au Québec, dans les autres provinces et dans d'autres pays. Pour plus de détails nous référons le lecteur au dernier rapport d'étape du CEPE (2013).

Il existe un lien entre le niveau de pauvreté dans une société et l'inégalité dans la distribution des revenus. Il existe plusieurs manières de mesurer le niveau d'inégalité dans la distribution des revenus, dont les coefficients de Gini.[29]

Le coefficient de GINI est complémentaire aux divers indices de pauvreté et peut nous informer sur l'efficacité des stratégies de réduction des inégalités économiques. Il existe deux grands types de coefficients de Gini. Le premier utilise les revenus du marché (revenus bruts avant impôt), le deuxième les revenus disponibles, c'est-à-dire après avoir soustrait les impôts et avoir ajouté les prestations sociales. Le coefficient de GINI peut être calculé pour divers types de ménages ou pour l'ensemble des individus. Ici nous présentons uniquement le coefficient de GINI pour l'ensemble des familles économiques, incluant les ménages formés d'une personne seule. Au niveau international, on utilise un coefficient de GINI normalisé qui permet de comparer l'inégalité des revenus dans divers pays.

Dans ce texte, nous étudierons l'évolution des coefficients GINI dit « de revenu disponible afin de comparer l'évolution des inégalités au Québec avec celle de certaines provinces canadiennes.

Le Québec et le Canada

Les inégalités des revenus (mesurés par les coefficients Gini utilisant le revenu disponible) ont augmenté au cours des 25 dernières années du 20e siècle dans le monde industrialisé. Le coefficient de Gini a connu des hausses pour l'ensemble des unités familiales au cours des années 1990, et ce, tant au Québec que dans plusieurs des autres provinces. La situation s'est ensuite relativement stabilisée. En fin de parcours (2010), les coefficients de Gini étaient supérieurs à ceux qui prévalaient 20 ans auparavant. Comparativement à certaines des autres provinces, l'écart est cependant encore à la faveur du Québec (CEPE, 2012: 46) comme on peut le constater à la lecture du Tableau 4.

Tableau 4. Évolution du coefficient Gini pour l'ensemble des unités familiales, d'après le revenu après impôt ajusté, Québec et provinces sélectionnées 2000-2010
  QUÉBEC ONTARIO ALBERTA C-B
2000 0,294 0,325 0,312 0,312
2001 0,298 0,321 0,311 0,328
2002 0,301 0,320 0,298 0,341
2003 0,295 0,321 0,311 0,324
2004 0,299 0,332 0,310 0,328
2005 0,296 0,321 0,303 0,325
2006 0,291 0,320 0,314 0,319
2007 0,290 0,318 0,319 0,317
2008 0,297 0,322 0,315 0,322
2009 0,286 0,323 0,332 0,326
2010 0,293 0,321 0,322 0,330

Source : CEPE, 2012.

Le Québec et le Canada dans le monde

Si la distribution des revenus semble plus égalitaire au Québec qu'au Canada, au niveau international, le Canada et le Québec s'en tirent moins bien que plusieurs pays dont le niveau d'activité économique est comparable.

Par rapport à certains pays européens, le Québec occupe une position médiane ; le coefficient de Gini y apparaît moins élevé qu'au Canada, qu'au Royaume-Uni ou que dans un sous-ensemble de 15 pays de l'OCDE, mais plus élevé que dans certains des pays de l'Europe continentale (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Autriche) et que dans tous les pays scandinaves (CEPE, 2012).

En l'an 2000, en comparaison de 15 pays européens, le Canada occupait le 11e rang et le Québec le 8e rang en ce qui concerne l'égalité dans la distribution du revenu disponible. En 2010, en comparaison de 18 pays[30] européens, le Canada occupait le 13e rang (devant la Grèce et après l'Italie) alors que le Québec maintenait son 8e rang (ex-æquo avec l'Allemagne, devant la Suisse, après le Luxembourg) (CEPE, 2012).


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  • [1] Traduction des auteurs.
  • [2] Afin de traduire le plus précisément possible le sens du terme anglais advocay, nous utilisons dans ce rapport l'expression « défense d'intérêt ».
  • [3] Traduction des auteurs.
  • [4] Traduction des auteurs.
  • [5] Traduction des auteurs.
  • [6] Au Québec, le lobbying est encadré par la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme qui a « pour objet de rendre transparentes les activités de lobbyisme exercées auprès des titulaires de charges publiques et d'assurer le sain exercice de ces activités ». Voir le site web du commissaire au lobbyisme : www.commissairelobby.qc.ca/.
  • [7] « Vers 1830, en Angleterre, "lobby" désignait les couloirs de la Chambre des communes où les membres des groupes de pression pouvaient venir discuter avec les parlementaires. » (http://www.toupie.org/Dictionnaire/Lobby.htm). Consulté le 5 août 2013.
  • [8] Dans un article récent paru dans Le Devoir, Jessica Nadeau (2013) nous informe que l'Association pétrolière et gazière du Québec a ajouté deux noms à la liste de ses lobbyistes officiels, portant à neuf leur nombre total. Les deux nouveaux lobbyistes agissaient auparavant à titre de représentants des relations publiques au sein du Parti libéral du Québec.
  • [9] Lucien Bouchard était Premier ministre du gouvernement du Parti québécois de janvier 1996 à mars 2001.
  • [10] Le Parlement de la rue est une initiative de démocratie directe qui imite le fonctionnement de l'Assemblée nationale dans laquelle les citoyens et les citoyennes discutent et votent des propositions qui sont ensuite présentées au gouvernement et au Premier ministre.
  • [11] Ces associations étaient souvent représentées au sein de coalitions populaires.
  • [12] Cette mobilisation fut financée à même les fonds des organisations participantes.
  • [13] Ces principes comprenaient : a) une participation citoyenne directe, b) la priorité donnée à l'élimination de la pauvreté et c) l'augmentation des revenus du cinquième de la population la plus pauvre devait avoir la priorité sur l'augmentation des revenus du cinquième le plus riche.
  • [14] Incluant des organisations patronales et des chambres de commerce.
  • [15] En fait, le Parti libéral de Jean Charest a été élu et réélu trois fois de 2003 à 2012: gouvernement majoritaire de 2003 à 2007; gouvernement minoritaire pendant quelques mois en 2007 et 2008; gouvernement majoritaire de 2008 à 2012.
  • [16] Dans la suite du texte, nous utilisons l'expression Loi anti-pauvreté pour désigner la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
  • [17] Par exemple l'élimination complète de la pauvreté et une augmentation substantielle du revenu et de la qualité de vie du cinquième de la population la plus pauvre.
  • [18] Cette participation citoyenne doit être soutenue financièrement par les organisations populaires et communautaires à même leurs fonds autonomes et subventions publiques.
  • [19] Une version préliminaire du premier plan d'action, qui avait fait l'objet d'une fuite dans le journal Le Devoir, a été vigoureusement critiqué par le Collectif car il mettait surtout l'accent sur des mesures inspirées par le workfare afin de réduire le nombre de prestataires de l'aide sociale (Collectif pour un Québec sans pauvreté, 2013: 6).
  • [20] Site web du CEPE http://www.cepe.gouv.qc.ca/presentation/index_en.asp accédé le 15 avril 2010.
  • [21] Ibid.
  • [22] Traduction des auteurs.
  • [23] Les coefficients de GINI sont calculés à partir d'une échelle de 0 à 1. Un coefficient de 0 indique que les revenus sont également répartis dans la société, c'est-à-dire qu'ils sont identiques pour tous les membres de la société (égalité absolue). Un indice de 1 indique que tous les revenus de la société sont accaparés par une seule personne (inégalité absolue). Donc, plus un indice se rapproche de 0, plus la distribution des revenus est égalitaire, et plus il se rapproche de 1, plus la distribution des revenus est inégalitaire.
  • [24] Traduction des auteurs.
  • [25] Statistique Canada refuse systématiquement de considérer ses indicateurs de faible revenu comme étant des seuils de pauvreté. Cependant, en l'absence d'indicateurs officiels de pauvreté relative, plusieurs organismes les utilisent en ce sens.
  • [26] L'année précédant la crise financière et la récession qui a suivi.
  • [27] Malheureusement des données similaires n'existent pas pour les groupes les plus désavantagés de la société, telles les personnes handicapées. Les seules données disponibles proviennent de L'Enquête sur la participation et les limitations d'activités de 2001 et de 2006 de Statistique Canada. Ces enquêtes indiquent que le taux de pauvreté des personnes handicapées a diminué de 30% de 2001 à 2006. La diminution a été beaucoup lus importante pour les personnes handicapées âgées de 65 ans et plus (Aubry, 2012).
  • [28] Les 17 pays comprennent les pays composant le UE-15 plus de la Norvège et la Suisse. Les pays de l'UE‐15 représentent les pays membres de l'Union européenne les plus développés au niveau économique. Ce sont, dans l'ordre chronologique de leur entrée au sein de l'Union européenne: la France, l'Allemagne, l'Italie, la Hollande, la Belgique, Le Luxembourg, l'Irlande, le Royaume-Uni, le Danemark, la Grèce, l'Espagne, le Portugal, la Finlande, la Suède et l'Autriche.
  • [29]Voir note au bas de page 23.
  • [30] En 2000, les données n'étaient pas disponibles pour le Danemark, la Norvège et la Suisse.