Un programme de revenu de base pour les Canadiens avec de graves déficiences

par Michael Mendelson, Ken Battle, Sherri Torjman et Ernie Lightman

novembre 2010

Ce rapport a été commandé par l'Association canadienne pour l'intégration communautaire et par le Conseil des Canadiens avec déficiences.

Tous droits réservés © 2010 par le Caledon Institute of Social Policy

ISBN 1-55382-489-X

Publication du :
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Table des matières

Introduction

Partie A : Les Canadiens handicapés d'âge actif : les personnes et les programmes

Partie B : Un Programme de revenu de base pour les Canadiens ayant de graves déficiences

Conclusion

Références

Annexe

Notes en fin de texte


Introduction

Malgré les milliards de dollars dépensés dans un ensemble complexe de prestations sociales, de nombreux Canadiens handicapés d'âge actif se retrouvent dans une désespérante pauvreté, piégés par l'aide sociale - l'impasse du dernier recours. Cette situation tragique est inutile et intolérable.

Les auteurs de ce rapport proposent de remplacer le « régime de bien-être social » par « un programme de revenu de base » pour la plupart des Canadiens avec de graves déficiences. Grâce à une restructuration d'autres programmes, ce nouveau programme de revenu de base compenserait également les coûts liés aux limitations fonctionnelles et instaurerait un système renouvelé de mesures de soutien et de services pour les personnes handicapées.

Un nouveau programme serait donc créé et remplacerait, pour la plupart des personnes d'âge actif gravement handicapées, les programmes provinciaux/territoriaux d'aide sociale. Il faudra ensuite transformer l'actuel crédit d'impôt pour personnes handicapées, non remboursable, en un crédit d'impôt remboursable pour les personnes avec handicapées, permettant ainsi aux personnes au revenu le plus faible d'être indemnisées pour les coûts supplémentaires liés aux limitations fonctionnelles. Ces mesures fédérales de sécurité du revenu dégageront des fonds dans les provinces et territoires qui seraient alors réinjectés dans des mesures et services de soutien si urgemment requis. Grâce à ce partenariat avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, le gouvernement fédéral entrerait dans une nouvelle ère de programmes constructifs pour les personnes ayant de graves déficiences, assurant un revenu garanti modeste mais vivable avec un système de mesures de soutien aux activités de la vie quotidienne qui pourrait se classer parmi les meilleurs au monde. Et cette option est réalisable, à un coût réaliste dans l'optique d'autres possibilités fiscales.[1]

Ce rapport est divisé en deux parties. Après un court profil statistique des Canadiens d'âge actif ayant de graves déficiences, nous répertorions les principaux programmes et avantages fiscaux visant les personnes handicapées au Canada. Nous analysons ensuite les faiblesses des trois programmes sociaux servant de base à ce programme de revenu de base - bien-être social, crédit d'impôt pour personnes handicapées et mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles. Ces données tissent la trame de la deuxième partie du rapport, dans laquelle nous conceptualisons en détail notre programme de revenu de base.


Partie A : Les Canadiens handicapés d'âge actif : les personnes et les programmes

Un Portrait statistique

Les plus récentes données sur les personnes handicapées sont tirées de l'Enquête sur la participation et les limitations d'activités au Canada (ÉPLA), de 2006. Selon cette enquête, 11,5 pour cent des 21 373 150 Canadiens d'âge actif de 16 à 64 ans (soit 2 457 940 personnes) avaient déclaré avoir des limitations fonctionnelles (donc, en gros, une personne d'âge actif sur neuf).

Dans l'ÉPLA, la population des personnes handicapées est divisée en quatre groupes selon la gravité de la déficience : légère (855 600 personnes), modérée (625 260), grave (652 820) et très grave (324 260).[2] Puisque notre étude est axée sur les Canadiens d'âge actif ayant de sévères déficiences, nous avons divisé cette population en deux groupes - les personnes ayant de graves/très graves déficiences (ces deux groupes ont été combinés) qui totalisent 977 080 ou 39,8 pour cent de toute la population des personnes handicapées et les particuliers ayant des déficiences légères/modérées qui totalisent 1 480 860 personnes, soit 60,2 pour cent de cette population.

Le portrait statistique des Canadiens handicapés en âge de travailler est intégré en annexe.[3] Les notes et les tableaux couvrent diverses caractéristiques - catégories de déficiences, sexe, types de familles, nombre de limitations fonctionnelles, durée de la déficience, éducation, résidence, population active, revenu d'emploi, revenu total, faible revenu, prestations gouvernementales et revenu provenant de sources privées.

Voici un bref aperçu des principales données de ce portrait statistique, axées sur les Canadiennes et les Canadiens d'âge actif ayant de graves à très graves déficiences.

sexe :

  • Dans les groupes des personnes avec de graves/très graves déficiences et des déficiences légères/modérées, l'incidence (à savoir le pourcentage de la population des personnes handicapées) est beaucoup plus élevée chez les femmes qui excèdent également les hommes en nombre absolu.

catégories de familles :

  • La moitié des Canadiens d'âge actif ayant des graves/très graves déficiences ont des conjoints ou des partenaires ; quatre Canadiens handicapés sur dix sont d'autres membres de la famille et quelques uns seulement (7,8 pour cent) sont des parents uniques.

déficiences :

  • Chez les personnes aux déficiences graves/très graves et légères/modérées, la douleur est le problème le plus récurent, suivi de la mobilité et de l'agilité.
  • Les personnes ayant de graves/très graves déficiences ont plusieurs limitations fonctionnelles : 48,9 pour cent d'entre elles en ont quatre ou cinq, 24,6 pour cent en ont six et plus et 23,0 pour cent en ont trois.
  • La durée de la déficience et la plus élevée chez les personnes ayant de graves/très graves déficiences. D'ailleurs, 27,4 pour cent d'entre elles ont subi des limitations fonctionnelles pendant vingt ans et plus.

éducation :

  • Le niveau d'éducation des personnes ayant de graves/très graves déficiences est inférieur à celui des personnes avec de légères/modérées limitations fonctionnelles et à celui des personnes non handicapées.

résidence :

  • La majorité des personnes ayant de graves/très graves déficiences sont propriétaires, tout comme le sont les personnes ayant des déficiences légères/modérées et les personnes non handicapées.

population active :

  • Les personnes ayant de graves/très graves déficiences ont une relation précaire avec le milieu de travail. Plusieurs indicateurs d'emploi le confirment, notamment le taux d'emploi (36,7 pour cent), te taux de chômage (12,3 pour cent), le taux de participation (41,9 pour cent), le travail chez de petits employeurs et la non affiliation syndicale.
  • La moitié des personnes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences préfèrent travailler à temps partiel mais 27,7 pour cent toutefois aimeraient un emploi à plein temps et 22,2 pour cent n'ont pas de préférence entre les deux types d'emploi.

revenus moyens :

  • Le salaire dépend du statut homme/femme. En moyenne, le revenu d'emploi des femmes ayant de graves/très graves déficiences s'élevait à 17 459 $ en 2006, tandis que les hommes de la même catégorie percevaient 31 172 $. Cela s'applique aussi aux travailleurs ayant des déficiences légères/modérées - 27 988 $ pour les femmes et 39 755 $ pour les hommes - ainsi qu'aux travailleurs non handicapés - 30 517 $ pour les femmes et 46 625 $ pour les hommes.
  • Les travailleurs handicapés gagnent moins que leurs collègues non handicapés, même s'ils ont un niveau d'éducation identique.

revenu moyen :

  • En 2006, le revenu moyen des femmes ayant de graves/très graves déficiences n'était que de 16 481 $ comparativement à 24 073 $ pour les hommes de la même catégorie.
  • Dans le groupe des personnes ayant des déficiences légères/modérées, les femmes gagnaient en moyenne 23 844 $, comparativement à 35 983 $ pour les hommes.
  • Le revenu moyen des femmes non handicapées s'élevait à 27 670 $ comparativement à 44 049 $ pour les hommes.

faible revenu :

  • Chez les personnes ayant de graves/très graves déficiences, le taux de faible revenu est de 27,5 pour cent pour les femmes et de 16,4 pour cent pour les hommes.
  • Pour les personnes ayant des déficiences légères/modérées, ce taux s'élève à 16,7 pour cent chez les femmes à 15,9 pour cent chez les hommes.
  • Chez les personnes non handicapées, il est de 11,5 pour cent pour les femmes et de 10,0 pour cent pour les hommes.
  • Le taux de faible revenu est directement lié aux quatre degrés de déficiences. Il varie de 31,2 pour cent chez les Canadiens d'âge actif ayant de très graves déficiences à 25,0 pour cent chez ceux qui ont de graves déficiences et passe à 18,0 pour cent chez les personnes avec des limitations fonctionnelles modérées et à 14,4 pour cent chez celles qui ont de légères déficiences.

revenu tiré de programmes sociaux :

  • En grand nombre - tout en étant encore une minorité - les Canadiennes et les Canadiens avec de graves/très graves déficiences perçoivent des prestations de trois principaux programmes - Le Régime de pensions du Canada/Régime de rentes du Québec (25,9 pour cent), la Prestation d'invalidité du RPC/RRQ (24,5 pour cent) et le bien-être social (21,8 pour cent).
  • Si l'on pousse davantage l'analyse, on constate que les prestations de bien-être social étaient perçues par 25,4 pour cent des personnes ayant de très graves déficiences, par 19,9 pour cent des personnes ayant des graves déficiences, par 12,4 pour cent des personnes ayant des limitations fonctionnelles modérées et par 8,0 pour cent des personnes à faible déficience.
  • Une petite proportion a indiqué recevoir des prestations d'assurance-emploi ou des indemnités d'accidents du travail ou des indemnités pour invalidité pour les anciens combattants.

revenu privé :

  • 23,2 pour cent des adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences ont déclaré recevoir un revenu à partir d'investissements mais 10,3 pour cent seulement recevaient des primes d'une assurance-invalidité privée et un petit 2,6 pour cent tiraient un revenu d'une assurance-accident automobile.

Programmes de revenu et avantages fiscaux pour les Canadiens handicapés

En 2002-2003, selon les dernières informations communiquées en 2005 par le ministère des Ressources humaines et Développement social Canada, les programmes de sécurité du revenu et les avantages sociaux ont coûté 142 milliards de dollars. Environ 18 milliards de dollars, soit 12,7 pour cent de ce montant étaient destinés aux personnes handicapées. À première vue, ces dépenses en revenu-invalidité sont relativement importantes - leur taux, 12,7 pour cent de tous les fonds consacrés à la sécurité du revenu, est quasiment équivalent au le pourcentage de personnes handicapées (12,4 pour cent) dans la population en 2001.

Mais pour les Canadiens handicapés, notamment pour ceux ayant de graves déficiences, le rendement du régime de sécurité sociale est bien en deçà des promesses annoncées. Plusieurs d'entre eux ne sont pas admissibles à des régimes privés ou publics d'assurance-invalidité car l'admissibilité est tributaire de l'emploi ou est un avantage social en milieu de travail. Or, de nombreuses personnes handicapées - notamment celles ayant des déficiences graves/très graves - n'ont qu'une relation précaire ou carrément inexistante avec le marché du travail. Et même lorsqu'elles sont admissibles, les prestations basées sur les gains, très faibles dans leur cas, sont véritablement modestes. À cause de leur faible revenu, situé en deçà du seuil de capacité contributive, de nombreuses personnes ayant de graves déficiences ne peuvent se prévaloir du crédit d'impôt pour personnes handicapées ou de toute autre mesure fiscale afférente. Dans des emplois mal payés, les employeurs n'assurent pas d'assurance invalidité aux travailleurs qui n'ont d'ailleurs pas les moyens de s'en offrir une privée.

Résultat, de nombreuses personnes ayant de graves limitations fonctionnelles se retrouvent au bien-être social - le plus archaïque et le plus lamentable des programmes sociaux du Canada - prises au piège de l'aide sociale, n'ayant plus que ces prestations comme source de revenu et de mesures de soutien liées à leurs déficiences.

Les avantages fiscaux et les programmes de revenu canadiens ont trois rôles cruciaux en ce qui a trait à l'atténuation du faible revenu et à la stabilisation du revenu - remplacement du revenu, supplément de revenu et soutien du revenu. Les principaux programmes de revenu destinés aux personnes handicapées s'insèrent dans l'une ou l'autre de ces trois catégories. Certains programmes visant les personnes handicapées ont un quatrième objectif : compenser les effets des déficiences ou blessures, dues à des causes ou événements spécifiques.

Certains programmes remplacent les revenus d'emploi pour les personnes sans travail. L'assurance-emploi (qui comporte une prestation-maladie), les Régimes de pensions du Canada/Régime de rentes du Québec (incluant une prestation d'invalidité) et l'Indemnisation des accidents de travail (qui compense la perte de revenu d'un employé victime d'un accident ou d'une maladie due au travail), font partie des régimes d'assurance sociale. Les assurances-invalidités offertes par certains employeurs ou achetées par des particuliers ont le même objectif.

Certains Canadiens bénéficient d'autres programmes de supplément de revenu pour compenser certaines dépenses (jugées sociétalement dignes d'ëtre défrayées) non assumées par d'autres particuliers ayant le même niveau de revenu. Parmi ces programmes se retrouvent les prestations fédérales/provinciales/territoriales pour enfants ainsi que les allègements fiscaux visant à aider les étudiants et leur famille à payer l'enseignement postsecondaire.

Plusieurs avantages fiscaux ont été mis sur pied pour aider les personnes handicapées et leurs aidants naturels à compenser certains coûts liés aux limitations fonctionnelles. Au cours des dernières années, le gouvernement fédéral a bonifié les mesures fiscales pour les personnes handicapées, en étendant l'admissibilité, en améliorant les avantages et ajoutant de nouveaux programmes.

Les crédits non remboursables réduisent le montant d'impôt que doit payer par le contribuable. Le crédit d'impôt pour personnes handicapées est destiné aux Canadiens qui ont déficience mentale ou physique grave et prolongée, limitant de façon marquée leur capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne. Le crédit d'impôt pour personnes handicapées accorde un allègement fiscal fédéral et provincial/territorial afin d'atténuer le fardeau des dépenses non discrétionnaires liées aux limitations fonctionnelles, tels que les coûts élevés de chauffage et d'air climatisé et les coûts supplémentaires en matière de transport.

Le crédit d'impôt pour frais médicaux vise à alléger le fardeau financier dû aux coûts supérieurs à la moyenne de biens et services de santé inscrits sur une liste désignée et incluant des mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles. Les contribuables fournissant du soutien à un parent vivant dans une résidence distincte et ayant besoin d'aide pour raison de déficience mentale ou physique, peuvent aux fins d'allègement fiscal, se prévaloir de ce crédit pour personne à charge atteinte d'incapacité. Le crédit d'impôt pour aidants naturels est un dégrèvement fiscal accordé aux contribuables assurant des soins à domicile à des membres de la famille ou de la parenté.

Le supplément remboursable pour frais médicaux vise à inciter les Canadiens handicapés à faible salaire à compenser la perte des soutiens liés aux limitations fonctionnelles lorsqu'ils entrent dans le marché du travail. La prestation-invalidité pour enfants est versée par le biais de la prestation fiscale canadienne pour enfants, aux familles à faible et moyen revenu pour les aider à assumer les coûts des soins prodigués à un enfant ayant de graves déficiences.

Parmi les déductions fiscales se retrouvent les déductions pour mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles, qui permettent aux contribuables handicapés de déduire, de leur revenu imposable, le coût des services et produits de soutien achetés aux fins d'emploi (soit à titre d'employés soit en tant que travailleurs autonomes) ou d'éducation. D'autres mesures générales sont également appliquées, avec des dispositions spéciales pour les personnes handicapées, comme la déduction pour frais de garde d'enfants, les Régimes enregistrés d'épargne-retraite et les Régimes enregistrés d'épargne-études. Le dernier régime créé est le Régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI) dont les dispositions associées, soit la Subvention canadienne pour épargne-invalidité (SCEI) et le Bon canadien pour l'épargne-invalidité (BCEI), sont des suppléments encourageant les familles à cotiser pour l'avenir et l'autonomie de leurs proches handicapés.

Les programmes de soutien du revenu remplacent le revenu tiré de l'emploi, des épargnes et des investissements, de programmes sociaux et autres sources ; le plus marquant est certainement le programme de bien-être social, dont il sera question dans la prochaine section.

Et enfin, certains programmes assurent une indemnisation pour des déficiences ou des blessures découlant de circonstances ou d'événements particuliers comme les accidents automobiles et les actes criminels. Le régime de l'assurance à base de responsabilité, les régimes partiels d'assurance-accidents automobiles, sans égard à la responsabilité, les indemnisations pour actes criminels, les pensions-invalidité des anciens combattants et les pensions d'invalidité de guerre pour les civils, sont inclus dans ces « programmes catégoriques. »

Examinons à présent les trois programmes sur lesquels nous avons basé la réforme proposée : l'aide sociale, le crédit d'impôt pour personnes handicapées et les mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles.

Le bien-être social : un filet de sécurité troué

L'assistance sociale, plus connue sous le nom de bien-être social, est l'un des plus importants programmes de revenu pour les personnes handicapées. Selon les données de l'ÉPLA de 2006, 25,4 pour cent des Canadiens d'âge actif ayant de très graves déficiences ont déclaré percevoir l'aide sociale. Ce nombre était de 19,9 pour cent pour les personnes ayant de graves déficiences, pour une moyenne totale de 21,8 pour cent dans la catégorie des personnes à déficiences très graves/graves. En 2007, les personnes handicapées constituaient la moitié des cas d'aide sociale - soit 538 396 sur 1 073 064,[4] avec un pourcentage variant de 21,6 pour cent à Terre-Neuve à 74,8 pour cent en Alberta [Directeurs fédéral-provinciaux-territoriaux du soutien du revenu, 2010]. Les résultats sont illustrés en Figure A.

Le bien-être social incarne la fonction de substitution du revenu de notre système de sécurité sociale. C'est le programme de dernier recours pour les Canadiens - dont de très nombreux Canadiens handicapés - qui n'ont que peu, voire pas du tout, de revenu d'autres sources, notamment de l'emploi ou des programmes de revenus basés sur la participation à la force active (par exemple, les Régime de Pension du Canada/Régime de rentes du Québec). Selon notre analyse des données de l'ÉPLA, les Canadiens avec de très graves1graves déficiences ont, au plus, un lien précaire voire épisodique avec le marché du travail rémunéré. Les personnes qui travaillent ne retirent que de modestes, si ce n'est faibles gains d'emplois vecteurs de chômage ; elles n'ont plus aucun autre recours que l'aide sociale.

Alloué par treize (13) gouvernements - dix provinces et trois territoires - le bien-être social varie d'un gouvernement à l'autre en ce qui a trait à l'admissibilité, au montant de base accordé, aux catégories et montants d'aide spéciale, aux politiques d'exécution et aux dispositions régissant les procédures d'appel. De plus, sur la plupart des Réserves, l'aide sociale est fournie par les Premières nations, sous réserve de conformité aux règlements provinciaux ou territoriaux. Après l'abolition, en 1995, du partage des coûts avec le gouvernement fédéral au titre du Régime d'assistance publique du Canada, les programmes de bien-être social ne sont plus tenus de se conformer aux objectifs, normes et exigences nationales (sauf de n'exercer aucune discrimination à l'égard des requérants provenant d'autres provinces). Cette multiplicité des lois entrave la généralisation du bien-être social au Canada : il y a toujours une province ou un territoire qui fait exception à tout, pratiquement. Mais quoi qu'il en soit, tous les systèmes de bien-être social sont cadrés sur la même structure de base - avec les mêmes forces et les mêmes carences.

Tous les systèmes provinciaux/territoriaux d'aide sociale sont articulés autour de « l'examen des besoins ». Cette enquête indiscrète et détaillée sur les besoins et la situation des requérants sert à déterminer l'admissibilité à une catégorie d'aide sociale et au montant des prestations. Les besoins des demandeurs pour des conditions normales de vie sont précisés et chiffrés, incluant souvent une allocation budgétaire nominale pour la nourriture, l'habillement, les services publics, les besoins ménagers et personnels. Dans la plupart des provinces, l'allocation budgétaire pour le logement est plus que nominale puisque le programme paie les coûts réels ou un pourcentage des coûts réels jusqu'à un maximum établi, sous réserve de soumissions de quittances de loyer ou équivalent. Les besoins spéciaux comme les médicaments, les régimes pour question de santé ou l'équipement requis en cas de condition invalidante, sont également pris en considération.

Les ressources des requérants sont ensuite examinées - leur revenu d'emploi et d'autres programmes de revenu, les épargnes, paiements de soutien, demandes d'indemnités, pensions et revenus tirés d'autres sources - afin d'en évaluer leur disponibilités. Divers types de ressources particuliers peuvent être partiellement ou totalement exemptés dans certaines provinces par exemple, l'indemnisation versée aux victimes de la thalidomide. Puis, la différence entre les ressources non-exemptées et les besoins fondamentaux est établie. L'admissibilité au bien-être social pourra être établie en cas de « déficit budgétaire » (c'est-à-dire que les besoins excèdent les ressources disponibles). Les taux de prestations alloués dépendent d'une vaste gamme de caractéristiques du requérant, comme l'âge, la grandeur et la catégorie de famille (par ex : personne seule, parent unique, couples sans enfant, deux parents, etc.), l'employabilité du chef de famille, les besoins en logement et d'autres facteurs comme une condition invalidante.

L'examen des besoins inclut également une rigoureuse comptabilisation des liquidités et des actifs des requérants. Par actifs immobilisés on entend en général le domicile et le véhicule des requérants (jusqu'à un montant précis), les vêtements, appareils ménagers, meubles et certains types d'équipement et outils agricoles. Parmi les liquidités se retrouvent l'argent comptant, des obligations convertibles en espèces, des actions et autres valeurs. Dans certaines provinces et territoires toutefois, certaines catégories de liquidités peuvent être exemptées comme les régimes enregistrés d'épargne-études et les règlements des écoles résidentielles (pensionnats). La valeur des actifs liquides et immobilisés, non exemptés ne peut excéder les limites admises et qui peuvent varier d'une province/territoire à l'autre.

Outre les exigences financières, les provinces et territoires imposent également divers critères de participation aux requérants, incluant une active recherche d'emploi ou un perfectionnement éducatif. Dans la plupart des provinces, les requérant admis au régime d'aide sociale pour motif de déficience n'ont pas à observer les critères de participation.

La plupart des provinces et territoires accordent un certain type d'aide sociale aux personnes handicapées. Les déficiences doivent toutefois être graves et prolongées et les bénéficiaires ne doivent pas être jugés aptes au travail. L'ampleur des différences entre cette catégorie de programmes d'aide sociale provinciale/territoriale pour personnes handicapées et les régimes de bien-être social varie évidemment selon les provinces et territoires. Dans la plupart des juridictions, le programme d'aide sociale pour personnes handicapées est quasi identique au régime principal de bien-être social, sauf peut-être une prestation un peu plus élevée. Mais dans certaines provinces, le programme pour personnes handicapées se distingue davantage. Ainsi, en Ontario, ce programme possède son propre nom (Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), sa propre gestion et des prestations beaucoup plus élevées…Pour le reste, il est analogue au régime général de bien-être social.

L'Alberta a créé un programme pour les personnes handicapées ; très différent du bien-être social. L'Assured Income for the Severely Handicapped (AISH) s'applique aux personnes dont les graves et permanentes déficiences limitent considérablement leur capacité de gagner leur vie [Alberta, 2007]. Contrairement au bien-être social, aucun examen des besoins n'est requis ; l'AISH impose seulement une limite en ce qui a trait aux actifs et au revenu des requérants (et de leur conjoint) tiré d'autres sources (comme l'emploi et d'autres programmes de revenu).

Les régimes de bien-être social offrent un autre avantage, très important, aux personnes avec des déficiences : l'accès aux mesures de soutien requises pour fonctionner dans le quotidien. Mais de nombreux prestataires handicapés se retrouvent pris dans le « piège de l'aide sociale ».[5] En effet, le bien-être social les relie aux cruciales mesures de soutien, mais ils risquent, en tentant d'accéder à la force ouvrière, de perdre ces mesures souvent inabordables et inaccessibles hors du bien-être social. Donc, de nombreux bénéficiaires handicapés redoutent de quitter la sphère de l'aide sociale car c'est leur seul moyen d'obtenir les mesures de soutien requises. Le bien-être social ouvre également la porte à d'autres services cruciaux (comme les soins de santé complémentaires, les médicaments sur ordonnance, les soins dentaires et visuels et les soins de garde d'enfants) dont les petits salariés sont en général privés.

Somme toute, le bien-être social - judicieusement catalogué de « réseau de sécurité troué » dans le rapport classique de 1987 du Conseil national du bien-être social - est un régime compliqué, lourdement réglementé, difficile à comprendre et souvent punitif et erratique dans le traitement des bénéficiaires. [Conseil national du bien-être social, 1987 ; Caledon Institute of Social Policy, 2006].

De par lui-même, le bien-être social peut s'avérer un véritable labyrinthe pour ses prestataires, masquant leurs droits et responsabilités. Les prestataires sont à la merci d'une bureaucratie souvent pressée et manquant de ressources, obligée de se conformer à une immense panoplie de règlements et de les exécuter. Les agents du bien-être social perdent leur temps en paperasserie et en contrôles au lieu d'aider leurs clients. De plus, les procédures d'appel sont défectueuses dans certaines provinces. Les règlements sont tellement complexes que les dossiers des prestataires sont virtuellement bourrés d'erreurs ; les bénéficiaires vivent continuellement dans la crainte de décisions soudaines et arbitraires entravant leur capacité de nourrir leur famille.

Les taux des prestations d'aide sociale ne sont pas indexés, sauf au Québec et à Terre-Neuve ; ce qui engendre un déclin à long terme de la valeur réelle (et des économies pour le gouvernement). Les augmentations ad hoc et sporadiques n'arrivent pas à contrecarrer cette furtive érosion des prestations dont la valeur diminue chaque année, incapable de progresser de pair avec l'inflation. Par exemple, avec une l'inflation de 2 pour cent par an (taux actuel), les prestations auront perdu 10 pour cent de leur valeur après cinq ans. Le bien-être social est un régime hautement stigmatisant non seulement pour le public mais pour les bénéficiaires eux-mêmes. À cause de l'examen des besoins et de l'application des diverses règlements, ce régime est soumis à des frais administratifs relativement élevés.

Même s'ils sont supérieurs aux taux accordés aux personnes sans déficience, les taux d'aide sociale alloués aux personnes handicapées demeurent modiques. Selon les plus récentes données de 2008,[6] les prestations de bien-être social pour personnes seules handicapées varient grandement, de 8 254 $ au Nouveau Brunswick à 20 544 $ dans les Territoires du Nord-Ouest [Conseil national du bien-être social, 2010]. Les différents montants alloués à travers le pays sont illustrés à la Figure B.

Une petite précision s'impose quant aux résultats de l'Alberta qui se classe au troisième rang des provinces ayant les plus hauts niveaux de prestations pour les personnes seules handicapées, au titre du régime de bien-être social provincial, Alberta Works, ayant examen des besoins. Mais de nombreux prestataires célibataires ayant de graves et permanentes déficientes, ont été transférés au programme albertain Assured Income for the Severely Handicapped (AISH), basé sur un examen des revenus. En 2008, les prestations de l'AISH atteignaient 13 056 $, nettement supérieures aux 8 530 $ versés au titre du régime basique de bien-être social pour personnes handicapées. Les revenus de ces deux régimes sont illustrés à la Figure B.

Les fluctuations des paiements accordés par les diverses régimes de bien-être social à travers le pays sont remarquables. Les différences de coûts de la vie - notamment dans les territoires - pourraient justifier une partie de ces variations mais certainement pas la totalité. Par exemple, en 2008, l'Ontario a versé 12 030 $ aux personnes seules handicapées - 1 682 $ de plus que le Québec qui a alloué 10 348 $. À Terre-Neuve, ce même groupe de prestataires d'aide sociale recevait 10 647 $ - 2 393 $ de plus que leurs pairs du Nouveau Brunswick qui n'en recevaient que 8 254 $.

Même si les résultats peuvent varier d'un gouvernement à l'autre, le niveau des prestations accordées maintient les bénéficiaires dans des cases de faible revenu. Mesurés en pourcentage des seuils de faible revenu après impôt pour les plus grandes villes de chacune des provinces, les revenus 2008 de bien-être social pour une personne seule handicapée - prestations d'aide sociale ainsi que dégrèvements fiscaux fédéraux et provinciaux/territoriaux - variaient de 47,7 pour cent en Alberta (au titre du régime régulier d'aide sociale) à 72,85 dans la même province (au titre de l'AISH). Les résultats sont illustrés à la Figure C. (Les résultats n'ont pas été rapportés pour le Yukon, les Territoires du Nord Ouest et le Nunavut n'ont pas été rapportés puisque ces territoires ne sont pas visés par l'étude sur le revenu permettant de dégager les seuils de faible revenu.)

Au fil des ans, les tendances des prestations de bien-être social ont nettement fluctué d'une province/territoire à l'autre. Dans la majorité des régions (9 sur 12),[7] les revenus de bien-être social pour les personnes seules handicapées(à savoir le revenu de bien-être social, le crédit pour TPS et les crédits d'impôts provinciaux/territoriaux remboursables) ont chuté et cette chute est plus marquée dans certaines provinces que dans d'autres. Ces neuf juridictions sont : Terre-Neuve, l'Île du Prince Édouard, Nouvelle-Écosse, Nouveau Brunswick, Ontario, Manitoba, Saskatchewan, Alberta et Colombie-Britannique. Ces données couvrent la période allant de 1989 à 2008.

En revanche, les revenus de bien-être social pour personne seule handicapée étaient plus élevés en 2008 qu'en 1989 au Québec, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. Au Québec, depuis 1991, ces revenus pour personne seule handicapée se sont plus ou moins maintenus grâce à l'indice des prix à la consommation qui harmonise les prestations avec les augmentations du coût de la vie. Mais dans les autres provinces, l'érosion à long terme est vraiment provoquée par la non-indexation. Les prestations sont gelées - la perte annuelle est égale au taux de l'inflation - ou parfois augmentées, sur une base ad hoc, mais pas suffisamment pour continuer à être harmonisées avec le coût de la vie.

Les fluctuations des revenus de bien-être social alloués aux personnes seules handicapées dans les provinces et territoires sont illustrées en annexe.

Nous avons donc pu constater que le bien-être social - le programme de dernier recours pour les Canadiennes et les Canadiens avec de graves déficiences - ne répondait toujours pas adéquatement aux besoins de sécurité du revenu. C'est un régime intrinsèquement défectueux. Et tant qu'il demeurera le dernier recours d'un si grand nombre de personnes handicapées - sans que ce soit leur faute - nous les condamnons à une vie de pauvreté.

Crédit d'impôt pour personnes handicapées

En 1986, la déduction fiscale pour personnes aveugles et pour les personnes en fauteuil roulant a été remplacée par la déduction fiscale pour personnes handicapées, un crédit élargi destiné aux personnes ayant des déficiences physiques ou mentales. En 1988, dans le cadre d'une refonte de l'impôt sur le revenu, la déduction fiscale pour personnes handicapées a été convertie (comme la plupart des déductions et dégrèvements) en un crédit d'impôt non remboursable, le crédit d'impôt pour personnes handicapées.

Le crédit d'impôt pour personnes handicapées (CIPH) apporte un allégement fiscal aux Canadiens ayant une déficience mentale ou physique grave et prolongée, qui limite de façon marquée leur capacité d'accomplir au moins une activité courante de la vie quotidienne, (tel qu'attesté par un professionnel des soins de santé), ou dont la capacité serait limitée de façon marquée sans des soins thérapeutiques fréquents (au moins 14 heures par semaine en moyenne) servant à maintenir une fonction vitale. On considère qu'il y a limitation marquée si, toujours ou presque toujours, même avec l'aide de soins thérapeutiques, d'appareils ou des médicaments indiqués, la personne est aveugle ou est incapable d'exécuter une activité courante de la vie quotidienne ou prend un temps excessif pour exécuter cette activité. Les activités courantes de la vie quotidienne sont le fait de marcher, de s'alimenter et de s'habiller ; les fonctions mentales dans le quotidien (comme la mémoire, la résolution de problèmes, le jugement et l'établissement d'objectifs et le raisonnement adapté), le fait de parler, d'entendre et d'éliminer les déchets corporels.

Conformément à l'une des recommandations formulées dans le rapport du Comité consultatif technique sur les mesures fiscales pour les personnes handicapées [ministère des Finances, 2004], le gouvernement a, dans son budget fédéral de 2005 [ministère des Finances, 2005], étendu l'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées aux particuliers dont les déficiences physiques et mentales restreignent grandement l'exécution d'au moins une des activités quotidienne, si l'effet cumulatif de ces restrictions a la même incidence que l'incapacité d'effectuer, de façon marquée, l'une des activités fondamentales de la vie quotidienne. Prenons l'exemple d'une personne atteinte de sclérose en plaques qui souffre continuellement de fatigue, de dépression et de problèmes d'équilibre. Individuellement, chacune de ces limitations ne restreint pas de façon marquée l'exécution d'une activité courante de la vie quotidienne. Cette personne n'aurait donc pu, au préalable, se prévaloir du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Désormais, si l'effet cumulatif de ces restrictions a la même incidence que l'incapacité d'effectuer au moins l'une des activités quotidiennes, cette personne y deviendra admissible.

Le crédit d'impôt pour personnes handicapées vise à réduire le fardeau financier des dépenses non discrétionnaires liées aux limitations fonctionnelles et si difficiles à quantifier. De tels coûts indirects et cachés peuvent entre autres inclure, les coûts élevés de chauffage et d'air conditionné, les coûts supplémentaires de transport, et les dépenses plus élevées pour l'achat de produits à cause des possibilités limitées de magasinage. [Torjman, 2002]

Lors de l'année d'imposition 2009, la valeur nominale du crédit d'impôt pour personnes handicapées (à savoir le montant indiqué sur la formule d'impôt) était de 7 196 $. Mais c'est une donnée trompeuse car le CIPH n'atteint pas réellement ce montant. Sa valeur réelle est égale au produit de la valeur nominale par le taux d'imposition le plus bas. En 2009, ce taux d'imposition était de 15 pour cent. Par conséquent, la valeur maximale du crédit d'impôt pour personnes handicapées était en fait de 1 070 $ (soit 15 pour cent de 7 196 $). On estime que le CIPH coûte 415 millions de dollars au Trésor fédéral [ministère des Finances, 2009]. En 2008, l'année la plus récente en ce qui a trait à la publication des données, 889 600 Canadiens se prévalaient du crédit d'impôt pour personnes handicapées et du crédit d'impôt pour aidants naturels (Revenu Canada, 2010). Le crédit d'impôt pour personnes handicapées est annuellement indexé en fonction du coût de la vie.

Les contribuables admissibles au CIPH bénéficient aussi d'une réduction fiscale dans leur province ou territoire, dont la valeur varie selon les régions en fonction du « montant » et du taux d'imposition inhérent (passant de 356 $ en Colombie britannique à 1 294 $ en Alberta, en 2009). Par conséquent, la prestation maximale fédérale/ provinciale/territoriale versée au titre du crédit d'impôt pour personnes handicapées en 2009 fluctuait de 1 435 $ en Colombie britannique à 2 373 $ en Alberta, tel qu'illustré à la Figure D. La plupart des crédits, mais pas tous, sont indexés annuellement pour tenir compte des hausses du coût de la vie ; ainsi, l'Île du Prince Édouard et le Manitoba s'en sont abstenus en 2009. (les estimés du coût des crédits d'impôt provinciaux et territoriaux et des autres crédits ci-après examinés, ne sont pas disponibles.)

Le crédit d'impôt pour personnes handicapées n'est pas « remboursable » ; il réduit l'impôt à verser mais ne donne absolument rien aux bénéficiaires dont les revenus sont si faibles qu'ils sont dégagés d'impôt. Le CIPH peut toutefois être transféré à un conjoint ou un parent prodiguant des soins. Par conséquent, un bénéficiaire du CIPH, à faible revenu et dégagé d'impôt, peut transférer cette épargne fiscale à un conjoint ou parent aidant ayant une capacité contributive et qui, par conséquent, obtiendra un dégrèvement fiscal grâce à ce crédit. De plus, certains bénéficiaires du CIPH à faible revenu reçoivent un CIPH partiel car leur montant d'impôt à verser est inférieur à la prestation maximale du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Par exemple, si l'impôt fédéral s'élève à 500 $, la valeur maximale de leur CIPH sera également de 500 $.

Tel que souligné, les déclarants d'impôt admissibles au crédit d'impôt pour personnes handicapées doivent avoir un revenu imposable afin de bénéficier de la valeur totale dudit crédit. Mais le montant de ce revenu imposable varie selon les provinces et territoires à cause des différents crédits personnels offerts (résultant des variations du plus faible taux d'imposition et des montants personnels de base). Prenons l'Alberta par exemple : supposons à part crédit personnel de base, il n'y ait aucun autre dégrèvement fiscal que le crédit d'impôt pour personnes handicapées. En 2009, un déclarant admissible au CIPH aurait dû avoir un revenu imposable minimum de 15 330 $ pour percevoir le plein montant du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Or, comme la plupart des contribuables ont toujours des déductions et des dégrèvements fiscaux supplémentaires, le seuil de revenu imposable requis pour un plein CIPH doit par conséquent être supérieur à 15 330 $.

Le requérant admissible qui n'aurait pas suffisamment de revenu imposable pour bénéficier du montant total du CIPH peut toujours transférer son crédit d'impôt à un conjoint, un parent prodiguant des soins ou un aidant familial. Ainsi, ce déclarant sans capacité contributive peut toujours bénéficier d'avantages familiaux supplémentaires, Mais ceci n'est valable que si le transfert peut être effectué à un destinataire ayant un revenu imposable suffisant pour profiter des épargnes fiscales découlant du crédit d'impôt pour personnes handicapées.

L'objet et le concept du crédit d'impôt pour personnes handicapées ont été approfondis dans le rapport du Comité consultatif sur les mesures fiscales pour les personnes handicapées. Selon le rapport, le ministère fédéral des Finances considère que le CIPH a pour objet de promouvoir « l'équité horizontale ». (Comité consultatif sur les mesures fiscales pour les personnes handicapées, 2004). Dans le régime fiscal, « l'équité horizontales » signifie en général, à revenu égal, impôt égal. Le crédit d'impôt permet de tenir compte d'une bonne gamme de coûts non détaillés liés aux limitations fonctionnelles, afin que le contribuable handicapé puisse payer, sur son revenu disponible après déduction des coûts liés aux incapacités, le même montant d'impôt qu'un contribuable non handicapé, sous réserve toutefois qu'il n'y ait pas d'autres déductions provenant de dépenses liées à des limitations fonctionnelle.

À notre avis, le ministère des Finances ne perçoit qu'une facette de « l'équité horizontale » consignée dans le régime fiscal et visant les personnes à capacité contributive. Si l'on élargit socialement cette notion d'équité horizontale, les coûts supplémentaires liés aux déficiences doivent alors être appliqués à toutes les personnes handicapées afin que leur revenu « après frais supplémentaires liés aux déficiences » soit au moins compensé pour les coûts des articles ne pouvant être détaillés, encourus à cause de leurs limitations fonctionnelles et ce, qu'ils soient ou non imposables. Et en vertu de cette conception sociale de l'équité horizontale, toutes les personnes handicapées - et non pas uniquement celles dont le revenu imposable excède un certain niveau - devraient bénéficier du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Cet allègement fiscal devrait être lié à la déficience et non au revenu.

La plupart des Canadiens ayant de graves déficiences ne semblent pas se prévaloir du crédit d'impôt pour personnes handicapées. Lors de l'année d'imposition 2007, 442 240 bénéficiaires du CIPH, ayant un revenu imposable suffisant, avaient obtenu le montant total de ce crédit. De plus, 233 320 personnes supplémentaires avaient demandé le crédit mais n'ayant pas de revenu imposable suffisant, n'avaient obtenu qu'un crédit partiel ou pas de crédit du tout (il se pourrait que pour certains, maintenir l'accréditation au CIPH soit un critère d'accès à d'autres programmes). Si nous présumons grosso modo que 60 pour cent des déclarants sont d'âge actif - ce qui s'apparente aux données de l'ÉPLA pour les personnes ayant de graves/très graves déficiences - environ 265 000 personnes d'âge actif ont obtenu le plein montant du CIPH en 2007 et 130 000 autres l'ont probablement obtenu partiellement. [Données de l'Agence du revenu du Canada, site web http://www.cra-arc.gc.ca/gncy/stts/gb07/sfp/fnl/html/tbl10-fra.html Tableau de base 10 : postes choisis selon le palier de revenu total pour l'ensemble du Canada et correspondance].

En 2006, 977 080 adultes de moins de 65 ans ont déclaré avoir de graves ou très graves déficiences. Par conséquent, les prestataires du crédit d'impôt pour personnes handicapées ne représentent que 30 à 40 pour cent de ce groupe cible potentiel. De plus, ces personnes handicapées qui n'émargent pas à ce crédit d'impôt sont exactement celles qui ont le moins de revenu. Cette lacune prouve que dans sa forme actuelle, le CIPH ne réussit pas, loin de là, à rejoindre et aider toutes les personnes gravement handicapées. Nous discuterons, dans la deuxième partie de ce rapport, de la refonte du CIPH comme crédit d'impôt remboursable pour les personnes handicapées. D'autres programmes offrant des crédits remboursables, comme la prestation fiscale canadienne pour enfants et la TPS ont réussi à rejoindre la presque totalité des requérants admissibles.

Faciliter la vie quotidienne : les mesures de soutien pour les Canadiens avec des déficiences

La collectivité des personnes handicapées a longtemps soutenu que la participation ne peut s'intensifier sans un accès accru aux mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles - non seulement dans le marché du travail mais aussi dans la formation, l'éducation, la culture, les loisirs et la vie politique de la communauté. Ces mesures de soutien sont une vaste gamme de produits et de services destinés à atténuer les effets des conditions invalidante. Elles s'articulent autour de trois pôles : [Torjman, 2000].

  • Les aides et équipement techniques, incluant les fauteuils roulants, les aides visuelles, les dispositifs de réglage de volume, les appareils de prothèses, les accessoires pour le travail comme les scanners, les TTD (transcription dactylographique) et les grands écrans d'ordinateurs. Ils incluent également les produits liés à la santé comme les pansements spéciaux, l'équipement d'oxygène ou de dialyse et les pansements de chirurgie.
  • Les services personnels regroupant les services d'auxiliaires pour répondre aux besoins personnels comme l'alimentation, le bain et l'habillement ; les services ménagers à domicile pour les tâches ménagères comme la préparation des repas et l'entretien de la maison ; les soins à domicile, notamment l'aide à la dialyse ; les soins de relève pour les familles s'occupant d'enfants gravement handicapés et de parents âgés ; les services d'interprètes, de lecture et de communication.
  • Le courtage, incluant les services d'information et de counselling requis pour identifier, organiser et gérer les mesures de soutien pour personnes handicapées.

La majorité des Canadiens handicapés ont besoin de mesures de soutien, sous une forme ou une autre. Plusieurs ont toutefois besoin d'aide pour vivre de manière autonome ou pour s'intégrer dans l'éducation, la formation et le marché du travail. Mais ils ne peuvent pleinement y arriver n'ayant que peu ou pas d'accès aux mesures de soutien. La pénurie de mesures de soutien affecte non seulement de nombreux adultes d'âge actif et des personnes handicapées mais encore des enfants avec des déficiences et leurs familles.

La disponibilité, le coût et la réactivité des mesures de soutien posent plusieurs problèmes. Aucun système centralisateur, mais plutôt un fatras d'aménagements publics et privés. Les provinces et les territoires (les municipalités dans certaines régions) sont chargés de la prestation de ces mesures de soutien. En fait, à plusieurs reprises, ce sont des organismes sans but lucratifs qui fournissent ces services - quand ils sont disponibles. Les mesures fournies dans une province/territoire risquent de ne pas être disponibles dans une autre. Les services dont peuvent bénéficier les particuliers sont tributaires du lieu de résidence, des programmes sociaux auxquels ils sont admissibles et de leur capacité d'acheter ou non ces services. Les Canadiens recherchant des mesures de soutien se heurtent à plusieurs obstacles, notamment au coût et au manque d'assurance. Quelquefois, c'est tout simplement le système de prestation ou le fournisseur qui n'existent pas, même lorsque la question de coût ne se pose pas. Dans les régions rurales et nordiques du pays, la disponibilité est un problème particulièrement grave [Torjman, 2000 :7-8].

En 2006, la majorité des adultes handicapés - 63,1 pour cent ou 2 658 250 personnes sur un total de 4 215 530 - a besoin d'accessoires et appareils fonctionnels (Statistique Canada, 2008. Ce besoin varie grandement selon la gravité de la déficience, de 90,0 pour cent pour les adultes très gravement handicapés à 80,4 pour cent pour les adultes ayant de graves déficiences, en passant par 64,4 pour cent pour les personnes ayant des déficiences modérées et 39,0 pour cent pour celles ayant de légères limitations fonctionnelles.

Même si deux-tiers (61,3 pour cent ou 1 628 160) de tous les adultes handicapés obtiennent tous les accessoires et appareils fonctionnels dont ils ont besoin, 28,9 pour cent (767 290) n'y accèdent que partiellement et les 9,9 pour cent restants (262 800) pas du tout.

Dans ces deux catégories, besoins totalement comblés et besoins partiellement comblés, la gravité des déficiences joue un rôle crucial. En effet, 41,3 pour cent des adultes très gravement handicapés avaient leurs besoins totalement comblés, comparativement à 57,6 pour cent pour les adultes ayant de graves déficiences, 68,5 pour cent pour ceux aux déficiences modérées et 75,9 pour cent pour les particuliers à légères limitations fonctionnelles. En ce qui a trait aux besoins partiellement comblés, on retrouvait 51,9 pour cent des adultes très gravement handicapés, 32,9 pour cent pour les adultes ayant de graves déficiences, 19,9 pour cent pour ceux aux déficiences modérées et 12,9 pour cent pour les particuliers à légères limitations fonctionnelles. Le cycle ne se répète pas pour les personnes dont les besoins ne sont pas comblés - en effet, 6,9 pour cent des adultes très gravement handicapés, 9,5 pour cent des personnes ayant de graves déficiences, 11,6 pour cent de celles ayant des déficiences modérées et 11,2 pour cent des particuliers ayant de légères limitations fonctionnelles.

Le coût est un obstacle majeur. C'est un important facteur pour plus de la moitié (56,1 pour cent) des personnes dont les besoins en appareils et accessoires fonctionnels n'ont pas été comblés.


Partie B : Un Programme de revenu de base pour les Canadiens ayant de graves déficiences

Plus de 200 000 Canadiens ayant de graves ou très graves déficiences dépendent du bien-être social provincial/territorial ou de programmes de ce genre pour leur revenu et leurs mesures de soutien. Tel que discuté dans la section précédente, les montants versés sont généralement inadéquats, amenant de nombreux prestataires à vivre dans une profonde pauvreté. Et même dans certaines provinces offrant de meilleures prestations, le bien-être social demeure un mécanisme bien archaïque - avec ses limites sur les actifs, ses fréquents examens du revenu, les enquêtes personnelles et l'éternel stigmate de « bien-être social ».

Les trois programmes visant les personnes handicapées, plus avant approfondis - à savoir le bien-être social, le crédit d'impôt pour personnes handicapées et les mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles - peuvent être consolidés en un nouveau Programme de revenu de base pour les Canadiens ayant de graves déficiences, articulé autour de trois composantes renouvelées :

  1. un nouveau programme fédéral de revenu de base qui remplacerait l'aide sociale pour les personnes d'âge actif, gravement handicapées
  2. un crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées qui étendrait le CIPH aux Canadiens handicapés les plus pauvres
  3. un réinvestissement des gains résultants dans les provinces et territoires dans un système global et cohérent de mesures de soutien pour toutes les personnes ayant des déficiences

Ces trois réformes inter-reliées engendreraient un profond changement dans les programmes canadiens pour personnes ayant de graves déficiences. Au cours des pages suivantes, nous détaillerons et expliquerons les changements requis pour bâtir le programme de revenu de base que nous proposons. En suggérant toute une série de paramètres conceptuels, nous ne préconisons pas des montants particuliers ; nous voulons bien plus expliquer, en détail et avec précision, l'éventuellement mise en vigueur de ces trois réformes. Nous cherchons principalement à démontrer que l'ingrédient manquant n'est ni politique ni administratif - ni même une question de coûts car plusieurs initiatives fiscales et des dépenses beaucoup plus onéreuses ont été implantées au cours de la dernière décennie et se poursuivront au cours de la suivante - non, l'ingrédient manquant c'est la volonté politique.

1ère réforme : Un Programme de revenu de base pour les Canadiens ayant de graves déficiences.

Notre programme de revenu de base pour personnes ayant de graves déficiences provoquerait un important virage dans la politique sociale canadienne. Il remplacerait les sempiternels régimes de bien-être social assurés par les provinces et territoires par un nouveau programme fédéral dont pourraient se prévaloir tous les Canadiens gravement handicapés, quel que soit leur lieu de résidence. Il ne s'agit pas d'une toute nouvelle idée exigeant un acte de foi. Ce programme de revenu de base s'apparenterait fortement au Supplément de revenu garanti pour les personnes âgées à faible revenu, programme bien coté et bien ancré.

Admissibilité

Le crédit d'impôt non remboursable pour les personnes handicapées, dont nous avons discuté plus avant, et le crédit d'impôt proposé que nous avancerons ultérieurement, ne sont pas des mesures de sécurité du revenu mais bien plus des « programmes d'équité » visant à compenser plus ou moins les coûts supplémentaires non remboursables et ne pouvant être détaillés. Le crédit d'impôt pour personnes handicapés est donc une prestation de faible niveau ; ce n'est pas un montant avec lequel les gens pourraient vivre.

Le revenu de base, d'autre part, est un programme de sécurité du revenu. Ses prestations doivent permettre aux bénéficiaires de payer leur loyer, d'acheter leur nourriture, de participer à la société et, en général, d'avoir suffisamment d'argent pour vivre. Mais un programme avec des prestations plus élevées ne sera pas soutenu par les politiciens à moins que le public ne soit convaincu de sa justesse et du bien-fondé des dépenses fiscales. Les Canadiens n'endosseront pas un programme qui, tout en assurant des prestations adéquates avec quelques conditions, s'adresserait à des personnes ayant d'autres sources de revenu ou aptes à gagner leur propre revenu d'emploi. De plus, les politiciens ont vu, dans d'autres pays, une escalade de kyrielles de programmes destinés aux personnes handicapées et se méfieront d'un programme canadien qui n'imposerait pas de rigoureux critères d'admissibilité.

La plupart des personnes handicapées peuvent, comme n'importe qui d'autre, gagner leur vie, surtout si les obstacles sont éliminés ou minimisés. Par conséquent, tout programme qui allouerait à aux personnes handicapées une forme de revenu adéquat et garanti pour motif de déficience, viserait également des personnes handicapées capables de gagner leur vie comme les autres. La population canadienne n'endossera pas un programme accordant des prestations raisonnables à des personnes capables de gagner un revenu, même si elles ont des limitations fonctionnelles. Les mesures sociales doivent être durables tant au niveau politique qu'au niveau financier. Par conséquent, la conceptualisation du nouveau programme de revenu de base fait l'objet d'un dilemme : admissibilité peu rigoureuse ou prestations adéquates. Nous ne pouvons avoir les deux.

Nous convenons d'intégrer dans notre concept le besoin de critères rigoureux d'admissibilité afin de déclencher l'appui du public pour un régime décent de prestations. En d'autres mots, en ce qui a trait à l'admissibilité, le programme de revenu de base devra être entouré d'un haut mur. Dès qu'une personne l'aura franchi, elle bénéficiera d'un traitement relativement généreux avec moins de règlements. Il va sans dire que certaines personnes se retrouveront du mauvais côté de la barrière mais leur situation ne pourra être pire qu'aujourd'hui. En revanche, notre proposition s'avèrera bénéfique pour la plupart des Canadiens avec de graves déficiences.

En ce qui a trait au test d'admissibilité, nous avons une vision à long terme et proposons une procédure pratique à court terme. À long terme, le programme de revenu de base doit devenir une mesure sociale générale, non seulement pour les personnes gravement handicapées mais pour toute personne raisonnablement incapable de gagner un revenu adéquat à partir d'un emploi. Mais cette vision exigera une nouvelle approche quant au test d'admissibilité. Nous prévoyons que le gouvernement fédéral hésitera à aborder différemment le test d'admissibilité au programme de revenu de base tant que ce dernier n'aura pas acquis un certain degré d'expérience.

Par conséquent, nous proposons en un premier temps d'introduire le programme de revenu de base en utilisant divers tests, que le gouvernement fédéral a déjà expérimentés et avec lesquels il se sent à l'aise. Ainsi, il n'aura pas l'impression d'être dépassé par la complexité administrative et par le flux inattendu de requérants. À très court terme, nous suggérons d'appliquer l'examen d'admissibilité du crédit d'impôt pour personne handicapée afin d'évaluer la « déficience » et une version allégée de l'actuel test d'admissibilité à la prestation d'invalidité du Régime de pensions du Canada/Régime des rentes du Québec (PI-RPC/RRQ) afin de déterminer la « capacité de détenir une occupation adéquatement rémunératrice ».

Le gouvernement fédéral applique déjà l'examen des besoins pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées ainsi que le test « d'employabilité » pour la PI-RPC\RRQ et connaît parfaitement toutes les facettes de leur gestion. L'utilisation des mêmes mécanismes d'évaluation des requérants n'ayant pas forcément de dossier de cotisations ainsi que des requérants en possédant un, ne devrait donc pas poser de problème pratique. Les groupes d'experts, les procédures d'appels et toute l'administration existent déjà et n'auraient qu'à être revus à la hausse. Ottawa pourrait se fier à son expertise. Et comme retombée, toute personne admissible à la prestation d'invalidité du RPC\RRQ devrait automatiquement être admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées et, par ricochet, être également admissible au nouveau programme de revenu de base (mais pas vice-versa). Ce changement permettra de maximiser rapidement les prestations des bénéficiaires de la PI-RPC/RRQ.

De nombreux membres de la collectivité des personnes handicapées ne sont pas familiarisés avec le test « d'employabilité » de la PI-RPC\RRQ. Mais les avantages excèdent les inconvénients, notamment si cela est perçu comme une étape progressive vers un meilleur test d'admissibilité et si certaines modifications sont apportées pour établir l'admissibilité au programme de revenu de base.

Le test d'admissibilité à la PI-RPC\RRQ doit être adapté pour le programme de revenu de base afin de déterminer l'employabilité partielle de plusieurs prestataires du revenu de base et pour harmoniser certaines facettes de l'examen du crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées. À l'heure actuelle, l'admissibilité à la prestation d'invalidité du Régime de pensions du Canada est définie comme suit [Alinéa 42(2) de la Loi sur le Régime de pensions du Canada] :

« a) une personne n'est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l'application du présent alinéa

(i) une invalidité n'est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement, incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,
(ii) une invalidité n'est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès ».

Essentiellement, le test d'admissibilité à la PI-RPC\RRQ est un test à deux volets. Le premier porte sur la définition de l'invalidité prolongée. La deuxième est une relation provinciale/territoriale portant sur l'incapacité de « détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

Le libellé précis et la structure du test d'admissibilité au programme de revenu de base doivent être approfondis. Tel que mentionné au préalable, nous suggérons un test d'admissibilité à deux volets, combinant l'examen d'admissibilité au crédit d'impôt pour personnes handicapées et le test établissant l'attachement du requérant au marché du travail, test adapté de celui de la PI-RPC/RRQ. Dans le premier volet, on demanderait : « est-ce que la déficience du requérant s'inscrit dans la définition établie pour le crédit d'impôt pour personnes handicapées ? ». Nous convenons d'autre part que le test pour le revenu de base doit inclure une évaluation de l'attachement du requérant au marché du travail. Par conséquent, au titre de ce deuxième volet, la question suivante pourrait être posée : « Est-ce que le requérant est dans l'incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice à cause de sa déficience ? ». Pour être admissible au revenu de base, le requérant devrait passer les deux parties du test.

En ce qui a trait au premier volet, la définition de la déficience pour le revenu de base ne doit pas être plus compliquée que celle pour le CIPH. Nous recommandons donc que cette dernière soit adoptée et appliquée au programme de revenu de base. Cela inclurait la définition de « prolongée » comme étant au moins douze mois consécutifs au lieu de la définition beaucoup plus lourde du test de la PI-RPC/RRQ qui prévoit « une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès. »

En ce qui a trait au deuxième volet du test d'admissibilité au revenu de base, l'actuel critère du PI-RPC/RRQ - est-ce que la déficience est si grave qu'elle rend la personne à laquelle elle se rapporte incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ? - semble beaucoup trop vaste et beaucoup trop général et pourrait être interprété comme contrecarrant en fait tout emploi valable. Nous suggérons plutôt que le requérant n'ait droit au revenu de base que « si, pour motif de déficience (telle que définie dans le premier volet du test de revenu de base) le requérant ne soit pas raisonnablement jugé capable de tirer uniquement son revenu d'un emploi. » Il s'en dégagerait une norme beaucoup plus élargie, autorisant les particuliers à travailler tout en demeurant admissibles au revenu de base ; et cela inclurait également la nécessité d'évaluer la réalité du marché du travail. C'est plus ou moins l'interprétation du test PI-RPC/RRQ, qu'a effectué la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Villani. Cette interprétation élargie est néanmoins allégée par le test suggéré du revenu de base.

Paramètres du revenu de base

Nous proposons comme paramètres du programme de revenu de base :

Tableau 1 : Paramètres du revenu de base
Variables du revenu de base Valeurs annuelles Notes
Prestation maximale de revenu de base fondée sur les revenus pour une personne seule 12 160 $ 12 160 $ + 2 000 $ (crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées) = 14 160 $, prestation maximale de la Sécurité vieillesse/Supplément de revenu garanti (SV/SRG) en octobre 2010
Pourcentage de deux prestations uniques auxquelles a droit un couple admissible 81 % 81 pour cent est le pourcentage de deux prestations maximales uniques versées à un couple dont les deux membres ont plus de 65 ans
Allocation pour chaque personne à charge de moins de 18 ans 2 578 $ 214.85 $ par mois est l'allocation maximale de la PI-RPC en octobre 2010
Taux de réduction du revenu de base en cas d'augmentation du revenu tiré d'autres sources 50 % 50 pour cent - taux de réduction pour le SRG
Revenu exonéré 1 200 $ Revenu exempté avant d'appliquer le taux de réduction
Allocation de vie dans les régions nordiques et éloignées (par membre du ménage) 1 680 $ 140 $ par mois - Telle est l'allocation de vie dans le Nord pour une personne seule, au titre du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées

La configuration des prestations pour les adultes célibataires, les familles monoparentales ou les familles à deux parents avec un ou deux enfants ainsi que les couples sans enfants, est illustrée dans les Figures E à J. Ces tableaux incluent toutes les variables du tableau ci-dessus, sauf l'allocation de vie dans les régions nordiques et éloignées.

Nous allons à présent examiner tour à tour chacune de ces composantes. Nous expliquerons la conversion du crédit d'impôt pour personnes handicapées en un crédit d'impôt remboursable, comme nous l'avons proposé dans ce chapitre.

Prestation maximale du revenu de base

Nous proposons qu'au début, tout au moins, la prestation de revenu de base soit promue comme une extension, aux personnes ayant de graves déficiences, du revenu garanti actuellement accordé aux personnes de plus de 65 ans, à faible revenu. Elle serait fixée comme le montant maximal de la Sécurité vieillesse plus le Supplément de revenu garanti (SV/SRG), accordé à une personne de plus de 65 ans sans autre revenu, moins le crédit d'impôt remboursable pour les personnes handicapées (discuté ultérieurement). Comme pour tous les programmes gouvernementaux fondés sur l'examen des revenus, cette prestation ne serait pas imposable.

Le niveau de la SV/SRG pour les personnes âgées à faible revenu a déjà été socialement accepté. Par conséquent, revendiquer ce montant ne prêterait pas trop à controverse. De plus, la SV/SRG a réussi à atténuer grandement la pauvreté chez les personnes âgées - à éliminer certainement la plus profonde pauvreté. En théorie, nous pourrions en cas de seuil officiel de pauvreté ou d'indicateur analogue, proposer ce montant à la place. Mais un tel indicateur n'existe pas au Canada et il est donc plus préférable d'utiliser une prestation sociale en vigueur qu'un concept théorique.

Pour être pleinement admissible à la Sécurité vieillesse, il faut avoir vécu dix ans au Canada. Nous estimons que le programme de revenu de base devrait être offert également à tous les résidents canadiens, sans aucune condition de résidence. Par conséquent, tout adulte d'âge actif ayant de graves déficiences, produisant une déclaration d'impôt et résidant au Canada pourrait s'en prévaloir.

Couples

Nous proposons qu'en cas d'admissibilité des deux adultes, les prestations maximales combinées du revenu de base plus le crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées soient fixés à 81 pour cent de la prestation unique pour deux personnes et ce, afin de respecter l'ajustement effectué dans la SV/SRG. Cet ajustement permet de tenir compte des conditions de logement plus économiques des couples. Les deux adultes seront jugées admissibles s'ils répondent tous deux aux critères d'admissibilité du revenu de base ou si l'on d'entre eux répond à ce critère et que l'autre soit un aidant naturel à plein temps. En cas d'inadmissibilité des deux adultes, que le partenaire adulte non admissible ayant besoin d'aide ait recours à l'aide sociale provinciale/territoriale. Il est également proposé d'évaluer le revenu familial au lieu du revenu annuel en se basant sur la même définition - revenu familial net - comme dans les autres programmes gouvernementaux fondés sur l'examen des revenus, notamment la TPS et la prestation fiscale canadienne pour enfants.

Allocation pour personne à charge

En plus de la prestation fiscale canadienne pour les enfants, les tuteurs d'enfants à charge de moins de 18 ans auraient droit à l'allocation pour personne à charge, conforme à l'actuelle allocation accordé au titre du Régime de pensions du Canada. Cette allocation pour enfants serait ajoutée à la prestation principale et ne diminuerait que lorsque la principale prestation de revenu de base serait réduite à zéro - en d'autres mots, à un revenu net de 27 000 $ et plus pour un parent unique ou de 42 000 $ et plus pour un couple dont les deux membres sont admissibles. L'allocation pour personne à charge et la prestation fiscale canadienne pour enfants totaliseraient plus de 6 014 $, légèrement plus que les 5 000 $ revendiqués par la plupart des groupes sociaux comme niveau adéquat minimal. De plus, les familles avec enfants de moins de six ans percevraient la prestation universelle pour la garde d'enfants de 1 200 $ par an pour chaque enfant admissible. Les familles d'enfants handicapés auraient également droit à la prestation pour enfant handicapé de 2 300 $ maximum par an.

Taux de réduction comme hausses revenu

Le revenu de base est fondé sur l'examen des revenus ; par conséquent, il diminue chaque fois que les revenus augmentent. Aucune restriction ne sera appliquée aux prestataires du revenu de base qui auront un emploi ou un revenu gagné. Le programme fonctionnera comme le Supplément de revenu garanti (SRG). Au fur et à mesure que le revenu augmentera, la prestation de revenu de base sera amputée d'une somme équivalant à 50 pour cent de l'autre revenu.

Bien que 50 pour cent représentent un taux élevé de récupération fiscale, c'est le taux actuellement appliqué au SRG ; il est donc jugé socialement acceptable. Le taux de réduction détermine également le niveau de revenu à partir duquel le prestataire continue à recevoir des prestations. Étant donné le niveau de prestation élevé proposé pour le revenu de base, un bas taux de réduction impliquerait que les personnes ayant des revenus moyens-supérieurs à la moyenne continueraient à percevoir une partie du revenu de base. Par exemple, le revenu de base garanti pour un parent célibataire avec deux enfants est de 25 948 $, Avec un taux de réduction de 50 pour cent, la prestation de revenu de base continue à être partiellement versée jusqu'à ce que le revenu dépasse 50 000 $. Si le taux de réduction était de 25 pour cent, un revenu de base partiel serait versé jusqu'à ce que le revenu de la famille excède les 100 000 $.

D'autre part, certains types de revenus réduiraient les prestations de revenu de base de 100 pour cent puisque le revenu de base est considéré comme le programme de dernier recours. Les prestataires du revenu de base n'obtiendraient pas en plus 50 pour cent de la PI-RPC/RRQ. Les prestations du revenu de base seraient totalement déduites. Il en serait de même pour toutes les autres prestations d'invalidité - comme l'indemnisation des accidents de travail et les primes d'assurance privée - qui réduiraient totalement le revenu de base. Puisque ce programme est le « dernier bailleur de fonds », chaque dollar de prestation invalidité provenant d'autres sources serait déduit en contrepartie de la prestation du revenu de base. Sinon, ce programme serait en mauvaise posture de « double comptage » des prestations d'invalidité.

L'un des problèmes particuliers, c'est que les prestations du Régime de pensions du Canada et du Régime des rentes du Québec sont imposables, comme les prestations d'invalidité privées ; par conséquent, une réduction totale du revenu de base non imposable pourrait empirer la situation du prestataire. Ce problème (qui existe de nos jours dans les programmes actuels) pourrait être résolu si l'on tenait compte de la valeur après-impôt des prestations plutôt qu'avant impôt. Mais les mécanismes précis requis à cette fin doivent être réactualisés.

Le « déchargement » d'autres programmes dans le programme de revenu de base pourrait devenir problématique ; (à savoir que les provinces et territoires essaieraient de minimiser le nombre de bénéficiaires de leurs programmes et de maximiser ceux du revenu total). Cela ne constituerait pas de problème avec le RPC puisque le gouvernement fédéral serait enclin à minimiser l'utilisation d'un programme financé à même les deniers publics (le revenu de base). Quant aux autres programmes, le problème mérite une attention soutenue. Il ne serait cependant pas insurmontable puisqu'on le retrouve couramment dans des cas d'assurance ; il exige tout simplement un suivi assidu. Mais à la fin, toutes les personnes admissibles au revenu de base devront y émarger et les provinces et territoires devront encourager les inscriptions.

Revenu exonéré

Nous proposons d'exonérer les premiers 100 $ de revenu par mois, autre que le revenu d'autres programmes automatiquement comptabilisé à 100 pour cent (appelé revenu par subrogation). Cette exonération de 1 200 $ par an traduit les coûts supplémentaires encourus dans l'emploi et devient un plus grand facteur d'encouragement pour le travail à temps partiel. Il serait également possible d'exonérer une partie d'un compte en fiducie enregistré ou de tout autre instrument du genre établi au nom des personnes handicapées. Soulignons toutefois que le programme est géré par le biais du régime fiscal (discuté ultérieurement) ; tout revenu non rapporté sera automatiquement exonéré à moins que des règles spéciales ne soient imposées pour en tenir compte. Par conséquent, certaines sources importantes de revenu pour personnes handicapées, actuellement controversées dans les règlements du bien-être social, seraient totalement exonérées, notamment la plupart des cadeaux, héritages, assurance-vie, gains en capital provenant de la vente de la résidence principale et pensions alimentaires pour enfants.

Allocation de vie dans les régions nordiques et éloignées

L'un des problèmes à considérer dans tout programme pancanadien est la différence du coût de la vie et les revenus moyens dans les diverses régions. Nous proposons qu'en tant que programme national, le revenu de base verse le même taux de prestations à travers le pays, comme c'est le cas pour la SV/SRG, la prestation fiscale canadienne pour enfants et les autres régimes non-contributifs, financés à même les deniers publics. Pour marquer les différences régionales, les provinces devraient compléter les prestations de revenu de base, en se servant des mécanismes administratifs fédéraux, comme c'est le cas pour la prestation fiscale canadienne pour enfants. Les gouvernements provinciaux seraient également en mesure de compéter le crédit d'impôt pour personnes handicapées.

La seule exception à ce « paiement unique pancanadien » sera faite pour le Nord dont la majorité des résidents sont sous la responsabilité fédérale (soit parce qu'ils vivent sur une réserve soit parce qu'ils habitent un territoire). Dans le cas du Nord où, c'est bien connu, on retrouve les plus hauts coûts de la vie, les compléments devront automatiquement être assumés par le gouvernement fédéral. C'est la raison pour laquelle nous avons inclus une allocation de vie pour les régions nordiques et éloignées. Les détails de l'application de cette allocation devront être précisés mais on s'attend à ce que tous les territoires et toutes les réserves éloignées soient visés.

Mécanisme de prestation et souplesse pour des changements de situations

C'est par le biais du régime fiscal que le revenu de base pourra être le plus rapidement fourni et avec le moins de stigmatisation. Le montant du revenu de base y serait calculé selon le revenu déclaré dans le plus récent rapport d'impôt. Cette méthode pourra être appliquée puisque la plupart des bénéficiaires du revenu de base auront des revenus raisonnablement stables - tout comme les personnes âgées. Mais ce revenu de base dispensé par le régime fiscal diffèrera grandement des actuels régimes de bien-être social dont dépendent tant de personnes handicapées. Aucune quittance ne sera exigée quant aux coûts de logements ou de services publics ; aucun rapport mensuel ni aucun agent de maintien du revenu. Le rapport d'impôt sera seul rapport requis dans des circonstances normales (ou la permission pour le gouvernement fédéral d'accéder à la déclaration de revenus).

Le problème avec un tel mécanisme, c'est que le revenu rapporté dans la formule d'impôt peut rester désuets pendant plusieurs mois. Cela ne dérangera pas trop les prestataires ayant un revenu relativement stable mais que se passera-t-il si le revenu d'un bénéficiaire fluctue au cours de l'année ? Imaginons par exemple qu'un bénéficiaire a gagné 11 200 $ en salaire en 2008 (ignorons les petits ajustements pour plus de simplicité). Le revenu de base sera réduit de 5 000 $ en 2009, après que la déclaration d'impôt 2008 aura été faite et traitée. Mais supposons que cette personne ne travaille plus en 2009. Devra-t-elle assumer cette perte de 5 000 $ pour toute l'année et attendre 2010 avant que le système de revenu de base ne s'ajuste à sa nouvelle réalité ?

Nous proposons que le programme de revenu de base permette que l'inscription et des changements soient effectués en cours d'année financière, au gré du client, à condition que ces modifications soient supérieures à un montant minimal (disons au moins 10 pour cent des prestations). Les prestataires ne seront pas forcés de rapporter immédiatement les augmentations mais pourront obtenir une rapide hausse de leurs prestations en cas de baisse de revenu, ou de tout autre changement de situation. Cet ajustement spécial se poursuivra jusqu'à ce que soit appliqué l'ajustement régulier basé sur le revenu imposé.

Cette proposition permettra de compenser les pertes de revenus mais n'engendrera aucune épargne pour les augmentations de revenu survenues au cours de l'exercice ; elle accroîtra donc le coût du programme. L'Australie et le Royaume-Uni ont instauré des systèmes encore plus complexes d'ajustements en cours d'exercice ; mais les deux pays se sont retrouvés nettement insatisfaits et avec d'onéreux accommodements - les pires des pires. La démarche beaucoup plus simple, ci-dessus proposée, est plus raisonnable. Nous prévoyons que les coûts engendrés par les augmentations en cours d'année, sans compenser les pertes subies, représenteront environ 10 pour cent du total des coûts.

Si cette méthode d'ajustement en cours d'exercice est trop onéreuse, on pourra proposer une autre option, moins satisfaisante toutefois, qui consisterait à dépendre sur le bien-être social provincial/territorial comme solution de repli en attendant que les ajustements soient effectués lors de la déclaration d'impôt. Cette solution, bien que moins attrayante pour les prestataires, réduirait le coût du programme de revenu de base.

Réforme réalisable

Le programme de revenu de base n'est pas proposé comme « l'ultime panacée » à tous les problèmes des Canadiens aves des déficiences. Il ne visera pas toutes les personnes handicapées actuellement prestataires de l'aide sociale. Le traditionnel programme d'aide sociale provinciale/territoriale pour les personnes handicapées devra être maintenu mais de moindre envergure. De plus, le nouveau programme de revenu de base n'assurera pas automatiquement un revenu-invalidité global, tel que préconisé au fil des ans dans plusieurs rapports canadiens et étrangers, notamment dans l'avant-gardiste rapport Obstacles publié en 1981 par le Comité parlementaire spécial sur les invalides et les handicapés. Le montant des prestations sera toujours tributaire de la manière et du lieu de survenance de la déficience. Un test d'amissibilité rigoureux et exigeant sera toujours requis. Et, inévitablement, certaines personnes handicapées ne seront pas admissibles avec un tel test.

Cette proposition de revenu de base pourrait ne pas séduire les personnes pour qui réformer implique automatiquement faire table rase. Il serait regrettable de rejeter une réforme aux vastes et positives répercussions en alléguant qu'elle ne solutionnera pas tous les problèmes. Le programme de revenu de base est conçu pour être une refonte pratique et « réalisable », susceptible d'être implantée avec une relative facilité administrative à un coût soutenable étant donné le contexte actuel avec ses institutions politiques, sa sécurité du revenu, sa technologie et sa culture. Ce programme de revenu de base ne sera pas forcément le remède universel mais il améliorera grandement le bien-être de centaines de milliers de personnes handicapées, notamment celles qui vivent dans la plus profonde pauvreté. Et ce sera, depuis plus d'un demi-siècle, le premier antidote à cette pénétrante et envahissante pauvreté qui affecte tant de personnes handicapées au Canada.

D'autre part, le programme de revenu de base n'est pas un régime individualiste. Il s'intègre dans une refonte tripolaire de programmes destinés aux personnes avec des déficiences ; Sa mise en mesure sera basée sur une importante réforme structurelle et concomitante des programmes suivants : le crédit d'impôt pour personnes handicapées dont nous allons discuter, et les mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles, dont nous discuterons plus tard.

2ème réforme : Conversion du crédit d'impôt pour personnes handicapées en un crédit remboursable

Tel que discuté au préalable dans ce rapport, le crédit d'impôt pour personnes handicapées est actuellement le principal programme fédéral à tenir compte des « coûts ne pouvant être ni détaillés ni remboursés et liés aux limitations fonctionnelles », et à accorder un dégrèvement de l'impôt à payer à toute personne ayant réussi l'examen d'admissibilité. Est admissible au crédit d'impôt tout requérant dont la déficience mentale ou physique grave et prolongée, limite de façon marquée sa capacité d'accomplir une activité courante de la vie quotidienne, ou dont les déficiences multiples et prolongées ont, ensemble, ont un effet semblable ou qui a besoin d'un traitement de survie. « Prolongé » signifie au moins douze mois continus. Notons que le test d'admissibilité du CIPH n'est pas lié à l'employabilité. Ainsi, un avocat en fauteuil roulant gagnant 250 000 $ sera admissible.

Lors de notre analyse préalable, nous avons relevé plusieurs lacunes de cet allègement fiscal qu'est le crédit d'impôt pour personnes handicapées. Tout d'abord, dénonçons-en une caractéristique indirecte, donnant l'impression d'être plus importante qu'elle ne l'est en réalité. En effet, en 2009, le « montant » de la prestation s'élevait à 7 196 $ mais en fait, en allègement fiscal réel, elle doit être multipliée par le plus faible taux d'imposition (et dans ce cas-ci, 7 196 $ x 15 pour cent); donc sa valeur réelle est de 1 079 $.

Les provinces et territoires ont leur propre crédit d'impôt; la prestation fluctue donc en fonction des montants alloués et de leurs taux d'imposition. Ainsi, en Colombie britannique, un bénéficiaire percevra une économie d'impôt de 356 $ (7 030 $ multiplié par 5, 06 pour cent). C'est le plus bas niveau de toutes les provinces et territoires. Le plus haut niveau est alloué par l'Alberta qui alloue 1 294 $ (12 940 $ multiplié par 10 pour cent).

Puisque le crédit d'impôt pour personnes handicapées n'est pas remboursable, le requérant doit produire une déclaration d'impôt et, afin d'obtenir la réduction maximale, doit payer au moins la valeur de l'épargne fiscale accordée par le crédit d'impôt (soit 1 079 $ en 2009).

Le montant de revenu imposable requis pour obtenir le crédit d'impôt maximal pour personnes handicapées varie, selon les provinces et territoires, en raison des différents crédits personnels accordés (à cause des différents montants personnels de base et des plus faibles taux d'imposition). Allons en Alberta par exemple et présumons qu'il n'y ait que le crédit de base personnel et le CIPH. En 2009, les requérants auront dû déclarer un revenu imposable minimum de 15 330 $ afin de pouvoir bénéficier du plein crédit d'impôt pour personnes handicapées. Mais la plupart des contribuables peuvent aussi se prévaloir d'autres crédits et déductions. Par conséquent, le seuil de revenu imposable requis pour obtenir le CIPH maximum devra être supérieur à 15 330 $. Le requérant peut, s'il n'a pas suffisamment de revenu imposable, transférer une partie du crédit à son conjoint, à un parent ou à un aidant naturel de la famille qui bénéficie ainsi d'avantages supplémentaires; et même pour le requérant n'ayant pas suffisamment de revenu imposable. Mais il faut, pour cela, qu'il y ait tout d'abord un destinataire pour le transfert et que cette personne ait suffisamment de revenu imposable.

Étant données les failles de l'actuel crédit d'impôt pour personnes handicapées, nous proposons que ce CIPH soit converti en un crédit remboursable pour tous les requérants âgés de 18 à 65 ans et ce, afin de compenser les coûts supplémentaires liés aux limitations fonctionnelles. Il devra donc s'appliquer à tous les résidents canadiens handicapés d'âge actif, quel que soit leur revenu (Nous n'avons pas abordé le cas des personnes ayant plus de 65 ans). Un crédit d'impôt remboursable inscrira le revenu de base dans un cadre universel; ce programme s'intègrera alors facilement au régime de revenu de base. Comme tout crédit remboursable, le montant total sera accordé à tous les requérants admissibles nonobstant, le cas échéant, le montant de leur revenu imposable. Puisque tous les bénéficiaires seront admissibles de plein droit, la composante portabilité ne sera plus nécessaire, composante visant à encourager l'autonomie. Et la valeur du crédit d'impôt deviendra constante et non indirecte comme c'était le cas avec un CIPH non remboursable. Avec un crédit d'impôt remboursable, c'est tel quel.

Selon une analyse des coûts non remboursés liés aux limitations fonctionnelles [Crawford, 2005], la moitié des personnes handicapées ayant plus de 1 000 $ de dépenses-invalidité, en dépensait un peu moins de 2 000 $ tandis que l'autre moitié dépensait nettement plus que 2 000 $. Par conséquent, nous avons suggéré de prévoir, comme « montant adéquat » une somme annuelle de 2 000 $ pour les dépenses non remboursées liées aux limitations fonctionnelles des personnes ayant de graves à très graves déficiences.

Ainsi, à travers le pays, dans toutes les provinces et territoires, l'Alberta et la Saskatchewan y compris, la situation financière des personnes handicapées avec ou sans revenu imposable et admissibles au crédit d'impôt pour personnes handicapées, s'améliorera de 2 000 $, montant maximal du CIPH remboursable. Environ 70 pour cent des personnes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences seront visées. Dans toutes les provinces et territoires, sauf en Alberta et en Saskatchewan, la situation des bénéficiaires du crédit d'impôt pour personnes handicapées s'en trouvera bonifiée. Si l'Alberta continue à compléter le crédit fédéral, les prestataires du CIPH maximum en Alberta et en Saskatchewan ne seront pas défavorisés.

Le programme de crédit d'impôt pour personnes handicapées sera assumé par le gouvernement fédéral. Les provinces et territoires qui n'auront plus à payer leur propre crédit (sauf en cap d'éventuel complément), verront donc leurs recettes fiscales augmenter. Nous proposons donc que le gouvernement fédéral s'assure, avant de précéder à la mise en vigueur du CIPH, que les fonds dégagés dans les provinces et territoires soient investis dans des mesures de soutien pour personnes handicapées. Nous approfondirons ultérieurement les compétences fédérales-provinciales.

Nous prévoyons qu'après quelques années, toutes les personnes admissibles au crédit d'impôt en feront la demande, surtout si la réforme a été doublée d'une intense campagne d'information. Leur revenu en sera nettement bonifié, notamment celui des personnes handicapées à faible revenu. De plus, les membres admissibles des Premières nations produiront probablement une déclaration d'impôt et obtiendront le crédit remboursable. Des dispositions spéciales pourront être prises avec les non-déclarants des réserves, comme ce fut le cas pour la prestation fiscale canadienne pour enfants.

Si tous les adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences obtiennent le nouveau crédit remboursable, le coût brut du programme s'élèvera à environ 1,9 milliards de dollars. À l'heure actuelle, les coûts fédéraux pour adultes, y compris pour les demandes transférées, totalisent grosso modo 450 millions de dollars.[8] Par le gouvernement fédéral devra assumer un coût net de 1,45 milliards de dollars. Les provinces en revanche encaisseront des recettes supplémentaires d'environ cent (100) millions de dollars.

3ème réforme : un programme de mesures de soutien pour les personnes handicapées la compétence fédérale-provinciale

Supposons qu'après la mise sur pied du programme de revenu de base, environ 250 000 personnes quittent le programme provincial d'aide sociale dont elles retirent actuellement 10 000 $ en gros, les provinces et territoires enregistreront une économie de 2,5 milliards de dollars - estimation très approximative certes mais probablement dans la bonne fourchette des projections. En d'autres mots, l'introduction du nouveau programme de revenu de base permettra aux provinces et territoires d'enregistrer de considérables épargnes. Nul n'en sera surpris puisqu'environ la moitié des centaines de milliers de personnes handicapées, actuellement bénéficiaires du bien-être social provincial/territorial seront admissibles au programme de revenu de base, régime beaucoup plus généreux et moins envahissant, financé et géré par Ottawa.

Ces fonds suffiront amplement à défrayer un programme universel de mesures de soutien dans chacune des régions. Tel que souligné au préalable, un tel programme a été hautement priorisé par la collectivité des personnes avec des déficiences. Les mesures de soutien sont des appareils, des services ou des aides requises par les personnes handicapées pour exécuter les tâches quotidiennes à domicile, au travail ou dans la communauté. Nous prévoyons d'autre part que les gouvernements provinciaux et territoriaux devront fournir une importante formation, des aménagements en milieu de travail et des aides à l'emploi à tous les prestataires du revenu de base en quête d'emploi ou essayant de perfectionner leurs compétences pour obtenir un emploi.

Le programme national de mesures de soutien devra faire l'objet d'une entente nationale-provinciale/territoriale. Il sera exécuté par les provinces et territoires et devra se conformer à un minimum de normes nationales mutuellement approuvées. (Torjman 2000). Les négociations risquent d'être longues et coriaces mais il nous est permis d'espérer si les fonds fédéraux sont disponibles et subordonnés à une entente.

Ce document porte principalement sur le nouveau programme de sécurité du revenu et les avantages fiscaux pour les personnes handicapées. Nous n'approfondirons donc pas davantage la question d'un programme universel de mesures de soutien. Soulignons toutefois que le nouveau programme de revenu de base sera vecteur de création d'un plan national de mesures de soutien, livré par les provinces et territoires et dont l'envergure et l'ampleur feront du Canada un chef de file dans le domaine. D'autres stratégies se sont avérées irréalisables. Le gouvernement fédéral ne consentira jamais à accorder des deniers publics aux provinces et territoires pour leur permettre d'instaurer leurs propres programmes. Par ricochet, les gouvernements provinciaux et territoriaux n'accepteront jamais de mettre sur pied un programme national de mesures de soutien sans garantie de financement fédéral. Grâce au programme de revenu de base, nous trancherons ce nœud gordien et obtiendrons le meilleur des deux mondes : un régime de sécurité du revenu nettement bonifié pour les personnes gravement handicapées et un programme national de mesures de soutien, de classe internationale.

Plusieurs autres questions inhérentes au programme de revenu de base sont à explorer :

La compétence fédérale provinciale

Évidemment, toute proposition de nouveau programme comme le revenu de base, fera bombardée de réactions sur la « compétence provinciale ». Contrairement à toutes les plaintes quelquefois entendues, les programmes de sécurité du revenu ne relèvent pas uniquement de la compétence provinciale dans la Constitution canadienne. En effet, les pouvoirs fédéraux et des provinces sont définis dans les articles 91 et 92 de la Constitution, lesquels occultent carrément tout ce que nous appellerions « sécurité du revenu » dans le sens moderne du terme. D'autre part, la Constitution attribue clairement les pouvoirs résiduaires (ceux qui ne sont pas autrement stipulés) au gouvernement fédéral.

Dans les années 1940, la Cour (britannique) a émis toute une série de jugements pour attribuer les régimes d'assurance sociale contributifs aux provinces parce qu'ils étaient considérés comme de l'assurance, laquelle est régie par les gouvernements provinciaux en vertu de leur responsabilité exclusive quant aux « droits de propriété ». Il fallut alors modifier la Constitution pour que le gouvernement fédéral puisse instaurer le régime d'assurance-chômage et les régimes de retraites contributifs. Mais rien n'indique dans ces jugements que les régimes non-contributifs relèvent exclusivement de la compétence provinciale. Par conséquent, des régimes de sécurité du revenu financés par les recettes générales relèvent à présent des deux champs de compétences permettant ainsi aux provinces ou au gouvernement fédéral d'instaurer des programmes.

Il est clair, en ce qui a trait aux propositions spécifiques rapportées dans ce document, que le crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées relève du fédéral. Comme les autres crédits d'impôts remboursables - notamment la prestation fiscale canadienne pour enfants, la TPS et la prestation fiscale pour le revenu de travail - actuellement offerts par le gouvernement fédéral via le régime fiscal, le CIPH relève sans discussion aucune du gouvernement du Canada. Le programme de revenu de base est un programme non-contributif, financé à même les deniers publics. Rien dans la présente Constitution n'implique que ce programme s'inscrirait dans un autre champ de compétence. Par conséquent, les propositions de nouvelles mesures fédérales ne seraient pas confrontées à des obstacles juridiques. Elles pourraient en revanche essuyer un tir de réactions politiques intergouvernementales si une province ou un territoire exigeait la pleine juridiction sur les programmes de sécurité du revenu.

Il est peu probable que les provinces et territoires s'opposent à la conversion d'un crédit d'impôt non remboursable en un crédit d'impôt remboursable; le gouvernement fédéral en gère déjà plusieurs. Mais une province ou un territoire peut décider de « s'abstenir de participer » et préférer instaurer un programme parallèle. Cette décision serait malheureuse et interfèrerait avec la portabilité des programmes nationaux qui garantit égalité de traitement quel que soit le lieu de résidence. Nonobstant cet objectif, rien n'empêche une éventuelle négociation d'une formule d'abstention des provinces et territoires à condition d'exiger que les normes du nouveau programme seront au moins de niveau national. Le Québec s'est abstenu d'adopter le Régime de pensions du Canada. La mise en vigueur de son Régime de rentes du Québec n'a causé aucun problème au pays.

Beaucoup plus complexe encore que le règlement des questions de compétence sera de coordonner des initiatives des gouvernements fédéral et provinciaux/territoriaux visant à instaurer de nouveaux programmes pour répondre aux besoins des personnes avec des déficiences. Trois défis s'entrecroisent. Tout d'abord, la nécessité d'en arriver à une entente fédérale/provinciale/territoriale pour créer un programme de mesures de soutien. Nous en avons déjà discuté. Ensuite et nous en parlerons après, comment garantir le maintien des avantages non financiers assurés par le bien-être social et enfin, la conversion du crédit d'impôt remboursable pour les personnes handicapées.

Avantages en services sociaux et de santé actuellement liés à l'aide sociale

Dans l'actuel régime de bien-être social, de nombreux avantages sont actuellement offerts gratuitement en matière de santé et de services sociaux (ou quelques fois, à peu de frais ou à frais réduits) aux bénéficiaires de l'aide sociale ou de programmes du genre destinés aux personnes handicapées. Alors qu'il s'agit surtout des médicaments et des exigences sanitaires non assurées, plusieurs services sociaux sont également offerts à peu de frais, voire gratuitement aux assistés sociaux. Ces avantages doivent donc être maintenus et non pas supprimés suite aux réformes ci-proposées. Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devront donc, lors de la mise en vigueur de nos propositions, accepter de négocier et de convenir d'un groupe de services sociaux et de santé qui seront au moins offerts à tous les prestataires du programme de revenu de base. Idéalement, il s'agirait d'un groupe national et universel, au moins aussi généreux que le meilleur groupe d'avantages sociaux offerts dans les provinces et territoires.

Les provinces et territoires assument déjà, pour les personnes handicapées émargeant à leurs programmes de bien-être social ou de prestations d'invalidité, des dépenses liées aux services sociaux et de santé. Leurs coûts marginaux émaneraient donc de l'accroissement du nombre de prestataires, le cas échéant, et de la bonification du groupe d'avantage sociaux aux fins d'harmonisation avec un seuil minimum national adopté. En révisant les budgets de chacune des provinces, nous avons estimé que les coûts actuels s'élevaient environ à 750 millions de dollars. Le coût d'un groupe national d'avantages sociaux serait légèrement plus élevé. Il n'est pas possible à l'heure actuelle d'en prévoir un estimé sans une analyse beaucoup plus détaillée. Mais ces coûts supplémentaires ne constitueraient qu'une petite fraction des épargnes totales provinciales/territoriales (discutées ci-après), peut-être équivalente au revenu d'impôt supplémentaire provincial/territorial d'environ 100 millions de dollars engendré par la mise en vigueur du crédit d'impôt remboursable pour les personnes handicapées et certainement bien moins que les énormes économies réalisées en remplaçant l'aide sociale par le revenu de base pour les personnes ayant de graves déficiences.

Puisque il faut absolument s'assurer que les prestataires des programmes du type bien-être social ne soient pas privés de ces services sociaux et de santé, la mise en vigueur du revenu de base sera conditionnelle à l'adoption d'un accord provincial/territorial de prestation de ce groupe d'avantages. De coriaces négociations seront peut être nécessaires. Mais si une « entente de revenu de base-services sociaux et de santé » est conclue, nous sommes relativement certains qu'elle sera respectée dans l'esprit comme dans la lettre.

Cette entente diffèrera, au moins sur un point critique, de l'entente de réinvestissement des épargnes de la prestation nationale pour enfants. Ce sera un accord visant la prestation d'un groupe de services alors que l'entente relative à la prestation nationale pour enfants, visant à dépenser un montant supplémentaire d'argent.

A-t-on dépensé plus que ce qui aurait dû être dépensé? Il est facile de cacher ces données puisque, à l'heure actuelle, l'entente visant la prestation nationale pour enfant n'a fait l'objet d'aucun suivi. Quoi qu'il en soit, un groupe d'avantages sociaux universels, mutuellement adopté, sera ou non instauré dans les provinces et territoires assurant le revenu de base. Il sera ensuite relativement facile d'effectuer le suivi à cette « entente de revenu de base-services sociaux et de santé ». Nous suggérons d'autre part que les termes et conditions de l'entente soient traduits dans les lois des provinces et territoires, preuves de leur engagement. Cette disposition favoriserait au moins une mesure de recours judiciaire en cas de désengagement d'une province ou d'un territoire. L'exécution de cette entente dépendrait néanmoins de la volonté politique des gouvernements provinciaux et territoriaux et de l'assiduité de la collectivité des personnes handicapées à faire respecter cet engagement.

La garantie de « non-perdant »

Aucune recherche approfondie ne nous permet d'indiquer combien de bénéficiaires de la prestation d'invalidité de l'aide sociale passeraient le « test d'invalidité » du crédit d'impôt pour personnes handicapées et combien d'entre eux auraient droit au revenu de base, en présumant bien sûr qu'ils passeraient aussi « l'examen d'employabilité ». Nous estimons que la moitié des bénéficiaires actuels seraient admis et transférés au programme de revenu de base, améliorant ainsi leur situation.

Mais plusieurs bénéficiaires de l'actuelle prestation d'invalidité du régime de bien-être social ou de ce programme de ce genre, n'auront pas droit au revenu de base. Et ce, à cause de la rigoureuse définition de la déficience, utilisée dans le programme de revenu de base, en vertu de laquelle les requérants doivent avoir une déficience grave ou très grave. Or, certaines personnes ayant des limitations fonctionnelles modérées perçoivent la prestation d'invalidité du bien-être social. Mais leur situation ne doit pas empirer. Il est toutefois possible qu'une poignée de bénéficiaires actuels voient leur situation s'aggraver, même s'il est difficile d'imaginer le contexte. Nous suggérons donc qu'une clause de maintien des droits acquis soit intégrée en troisième partie dans l'entente fédérale-provinciale/territoriale, en vertu de laquelle les provinces et territoires garantiront qu'aucun bénéficiaire ne perdra au change et ne sera pas lésé par le nouveau programme.

Les gouvernements provinciaux/territoriaux pourraient tout simplement instaurer une garantie de « non-perdant », sans modifier leurs lois. Les prestataires pourraient transférer à leur gré. C'est ce qui s'est passé lors de la refonte fondamentale du système canadien e sécurité sociale, à la fin des années 1960 qui ont vu la naissance du Régime d'assistance publique du Canada. Au titre de ce Régime, de nouveaux programmes consolidés de bien-être social ont été mis sur pied dans toutes les provinces mais, en vertu de dispositions préalables, les prestataires pouvaient décider de transférer ou non au nouveau programme. En fait, jusqu'à la fin des années 1990, certaines provinces avaient encore - au moins 50 ans plus tard - des bénéficiaires de la Loi sur les aveugles et du Disabled Persons Act. Aucun problème n'est survenu toutefois et cela a permis aux prestataires existants de transférer sans aucune perturbation. La transition vers le revenu de base pourrait être effectuée sur le même modèle.

Tous les prestataires du revenu de base bénéficieront de ces deux programmes (revenu de base et crédit d'impôt imposable) censés être cumulatifs. Mais tel que souligné, certains bénéficiaires actuels de la prestation d'invalidité de l'aide sociale ou de programmes du genre ne seront pas admissibles au revenu de base et devront donc continuer à percevoir l'aide sociale provinciale. Mais toutes auront droit, de la part du gouvernement fédéral, à un crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées, de 167 $ par mois.

Est-ce que ces 167 $ s'ajouteront totalement ou en partie à leurs prestations d'aide sociale ou en seront-ils soustraits? Nous suggérons aux provinces et territoires de ne pas réduire les prestations d'invalidité du bien-être social lorsque le crédit d'impôt pour personnes handicapées sera devenu remboursable.

Coûts

Il y a plusieurs années, nous avons fourni des estimés des coûts et des épargnes du revenu de base et du crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées, en combinant les données de l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR), de l'Enquête sur la participation et les limitations d'activités (ÉPLA) et des régimes provinciaux/ territoriaux de bien-être social. Nous n'avons pas essayé de dégager des estimés pour les groupes d'avantages provinciaux/territoriaux (à savoir, de l'entente sur le programme de mesures de soutien et les services sociaux et de santé) qui seraient offerts au titre des réformes du revenu de base. Mais nous sommes certains, étant donnée l'ampleur des économies, qu'il y aura suffisamment de fonds pour payer composante provinciale/territoriale des réformes.

Malheureusement, nous ne pouvant fournir que des approximations en ce qui a trait aux coûts. Les données relatives aux personnes handicapées ne sont notoirement pas fiables. La plupart des données tirées des trois sources susmentionnées se contredisent et même les données administratives des provinces et territoires suscitent des interprétations contradictoires. Par conséquent, nos estimés ne doivent être considérés que comme des approximations. Si une réforme de ce genre, ou une réforme analogue est envisagée, une estimation distincte et beaucoup plus élaborée des coûts s'avèrera donc nécessaire, basée sur des données gouvernementales auxquelles nous n'avons pas actuellement accès. Aux fins d'exercice, nous prévoyons 250 000 bénéficiaires du revenu de base, à un coût moyen de 14 000 $ chacun, pour un total approximatif de 3,5 milliards.

Les estimés des coûts et des épargnes sont illustrés au Tableau 2

Table 2: Rough estimate of the costs and savings from introduction of the proposed Basic Income program and refundable Disability Tax Credit
Coût net fédéral du crédit d'impôt remboursable pour personnes handicapées 1,5 milliards
Coût fédéral net du revenu de base 3,5 milliards
Coût total différentiel au niveau fédéral 5,0 milliards
Revenu imposable provincial du crédit d'impôt pour personnes handicapées 0,1 milliard
Économies provinciales grâce au revenu de base 2,5 milliards
Total des économies provinciales disponibles pour les mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles 2,6 milliards

Même s'ils sont approximatifs, ces estimés nous indiquent que les coûts ne seront pas extravagants et se situeront bien dans la fourchette des initiatives récemment prises ou envisagées par les gouvernements.


Conclusion

Si la situation des personnes handicapées a quelque peu progressé depuis la publication de l'historique rapport Obstacles, il y a une trentaine d'années, rien ou presque n'a été fait en ce qui a trait à la sécurité du revenu. Dans ce rapport, le Comité parlementaire avait radicalement recommandé la mise sur pied d'un nouveau régime global de sécurité du revenu. Nous n'avons pas voulu être aussi ambitieux de peur de finir sur des tablettes à l'instar de nombreux rapports produits au fil des ans sur les politiques visant les personnes handicapées. Nous avons préféré conceptualiser en détail deux nouveaux programmes de revenu - le programme de revenu de base et le crédit d'impôt remboursable pour les personnes handicapées - susceptibles (avec notre troisième réforme visant un investissement dans les mesures de soutien), d'améliorer grandement la situation de nombreux Canadiens handicapés, notamment ceux ayant de graves déficiences.

Au lieu de remplacer tous les programmes actuels par un régime global de sécurité du revenu, le revenu de base ne sera substitué qu'au bien-être social, solution de dernier recours des personnes handicapées. Ne sous-estimons pas toutefois l'impact éventuel de deux programmes recommandés : ils amélioreront radicalement la situation de centaines de milliers de personnes handicapées vivant dans la plus extrême pauvreté et, en plus, ils apporteront sous forme d'un crédit d'impôt remboursable, une aide importante à tous les résidents canadiens ayant de graves déficiences ainsi qu'un programme avant-gardiste de mesures de soutien et de services. À cause de la faisabilité de ces deux recommandations ne sous-estimons pas les défis : des aménagements administratifs et intergouvernementaux compliqués devront être adoptés. Quoi qu'il en soit, ces propositions pratiques et réalisables s'inscrivent dans le cadre actuel de nos organes politiques et administratif et de notre capacité fiscale. Le pré-requis? La volonté de faire ces réformes.

Cette volonté d'instaurer d'importants et nouveaux programmes pour les personnes handicapées est tributaire de l'appui soutenu de la population à cet égard. Et à cette fin, les organisations œuvrant au nom des Canadiens handicapés et les représentants devront en arriver à un consensus. En d'autres mots, cette collectivité de personnes handicapées devra, afin de progresser efficacement, se coaliser derrière ce jeu de propositions.

Nos propositions détaillées visent à provoquer un débat et à susciter un consensus au sein de la collectivité des personnes handicapées et de la population en général. Certains trouveront peut-être que certaines facettes de nos propositions laissent à désirer et d'autres options seront avancées. Si c'est le cas, c'est que notre document aura réussi sa mission.


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Annexe

Les Canadiens handicapés d'âge actif : Un portrait statistique

Les plus récentes données sur les personnes handicapées sont tirées de l'Enquête sur la participation et les limitations d'activités au Canada (ÉPLA), de 2006. Selon cette enquête, 11,5 pour cent des 21 373 150 Canadiens d'âge actif de 16 à 64 ans (soit 2 457 940 personnes) avaient déclaré avoir des limitations fonctionnelles (donc, en gros, une personne d'âge actif sur neuf).

Gravité de la déficience

Dans l'ÉPLA, la population des personnes handicapées est divisée en quatre groupes selon la gravité de la déficience : légère (855 600 personnes), modérée (625 260), grave (652 820) et très grave (324 260). Notre étude est axée sur les Canadiens d'âge actif ayant de sévères déficiences ; nous avons divisé cette population en deux groupes - les personnes ayant de graves/très graves déficiences (ces deux groupes ont été combinés) qui totalisent 977 080 ou 39,8 pour cent de toute la population des personnes handicapées et les particuliers ayant des déficiences légères/modérées qui totalisent 1 480 860 personnes, soit 60,2 pour cent de cette population.

Genre

Les déficiences graves sont plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes - 55,9 pour cent ou 545 750 femmes ont des déficiences graves/très graves comparativement à 41 pour cent ou 431 320 pour les hommes. Dans la catégorie des personnes à déficiences légères/modérées, le nombre de femmes dépasse celui des hommes (51,4 pour cent ou 760 650) versus (48,6 pour cent ou 720 210). Au sein de la population globale des personnes handicapées, les femmes sont plus nombreuses que les hommes - 53,2 pour cent ou 1 306 410 contre 46,8 pour cent ou 1 151 530.

En pourcentage de la population totale pertinente (combinant les personnes avec ou sans limitations fonctionnelles), l'incidence de la déficience est beaucoup plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Avec un taux d'incapacité de 5 pour cent, les femmes ayant de graves/très graves déficiences constituent en fait 5,0 pour cent de la population féminine en âge de travailler. Chez les hommes, ce taux est de 4,1 pour cent. L'incidence des déficiences légères/modérées est de 7,0 pour cent chez les femmes, comparativement à 6,8 pour cent chez les hommes. Et dans la population en général, l'incidence de la déficience (quel qu'en soit le type) est de 12,1 pour cent pour les femmes comparativement à 10,9 pour cent pour les hommes. Voir Figure 1.

Catégories de familles

La moitié environ des Canadiens d'âge actif ayant des graves/très graves déficiences (51,3 pour cent ou 500 140) ont des conjoints ou des partenaires ; 41,0 pour cent (399 920) sont d'autres membres de la famille et 7,8 pour cent (75 660) sont des parents uniques. En ce qui a trait aux personnes ayant des déficiences légères/modérées, 60,4 pour cent (890 370) d'entre elles ont des conjoints ou des partenaires, 33,4 pour cent (492 430) sont d'autres membres de la famille et 6,2 pour cent (92 000) sont des parents uniques. Voir Figure 2.

Types de déficiences

L'enquête couvre dix (10) types de déficiences. Chez les personnes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences, la douleur est le problème le plus récurent (affectant 871 300 personnes), suivie de près par les problèmes de mobilité (864 220) et d'agilité (845 670). Viennent ensuite les troubles affectifs (367 680), d'apprentissage (349 120), de vision (289 980), de mémoire (273 640), les problèmes de communication (270 280), d'ouïe (240 230), les déficiences développementales (95 170). Les trois plus importantes déficiences affectent aussi les personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées : douleur (958 580), les troubles de mobilité (716 560), et d'agilité (692 060). L'importance des autres déficiences diffère pour la plupart avec d'abord l'ouïe (299 600), l'apprentissage (181 250), la vision (158 540), les troubles affectifs (137 950), l'inconnu (68 080), les problèmes de communication (66 070), de mémoire (47 290) et de développement (34 130). Voir Figure 3.

Nombre de déficiences

Entre les deux groupes, le nombre de déficiences varie de façon marquée (de une à six et plus). Ainsi, 48,9 pour cent des personnes ayant de graves/très graves déficiences (ou 477 990 individus) ont quatre à cinq déficiences ; 24,6 pour cent ou 240 540 en ont six ou plus ; 23,0 pour cent ou 224 450 personnes ont trois déficiences ; 2,8 pour cent ou 27 430 en ont deux ; nul n'avait qu'une déficience. Dans la catégorie des personnes ayant des déficiences légères à modérées, 32,0 pour cent ou 474 300 individus n'avaient qu'une seule déficience ; 29,8 pour cent ou 441 830 personnes en avaient trois ; 25,1 pour cent ou 372 010 en avaient deux ; 12,8 pour cent ou 189 650 en avaient quatre ou cinq et seulement 0,2 pour cent ou 3 010 en avaient six ou plus. Voir Figure 4.

Durée des déficiences

C'est chez le plus grand groupe de Canadiens d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences que la déficience dure le plus longtemps - ainsi 27,4 d'entre eux (387 370) ont eu des limitations fonctionnelles pendant vingt ans et plus ; 24,0 pour cent (ou 291 290) en ont eu entre dix et dix-neuf ans ; 20,6 pour cent (ou 339 140) 12,4 pour cent (ou 175 600) les ont subies pendant 3 à 4 ans ; 11,2 pour cent (ou 158 290) les ont eues pendant un à deux ans et enfin pour 4,3 pour cent (ou 60 390), les déficiences ont duré moins d'un an. Si les nombres diffèrent pour les personnes ayant des déficiences légères/modérées, la tendance générale est la même ; 32,0 percent or 298,490 personnes ont eu des limitations fonctionnelles pendant vingt ans et plus ; 29,6 percent or 275,780 individus les ont subies entre 10 et 19 ans ; 17,0 pour cent ou 158,400 les ont vécues entre 5 et 9 ans ; 8,9 pour cent ou 82,680 entre 3 et 4 ans ; pour 8,7 pour cent ou 81,600 les déficiences ont duré entre un à deux ans ; et seulement 3,8 pour cent ou 35,870 ont eu une déficience pendant moins d'un an. Voir Figure 5.

Éducation

En général, les Canadiens d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences est inférieur ont un moindre niveau d'éducation. Le plus grand groupe d'entre eux, soit 34,1 pour cent ou 333 240 personnes, n'a pas terminé l'école secondaire. Viennent ensuite les diplômés d'école secondaire, avec 23,5 pour cent ou 229 810 personnes, suivis des diplômés d'écoles de métiers (12,9 pour cent ou 126 000 personnes). Les nombres augmentent pour les diplômés et atteignent 188 540 personnes ou 19,3 pour cent. Les diplômés d'université constituent le plus petit groupe avec 10,1 pour cent ou 99 000 personnes. Le niveau d'éducation est plus élevé chez les personnes ayant des déficiences légères/modérées ; en revanche, les personnes non handicapées ont un niveau d'éducation supérieur à celui des deux autres groupes. Les personnes ayant une forme quelconque d'éducation postsecondaire (par ex. : dans les écoles de métiers, les collèges et les universités), représentent 42,3 pour cent des personnes ayant de graves/très graves déficiences. Ce chiffre atteint 51,1 pour cent chez les personnes à déficiences légères/modérées et 54,5 pour cent chez les adultes d'âge actif, non handicapés. Voir Figure 6.

Logement

En 2006, six adultes sur dix, d'âge actif avec des déficiences graves/très graves (ou 63,9 pour cent ou 624 770 personnes) étaient propriétaires de leur maison, tout comme l'étaient 71,9 pour cent (ou 1 065 020) des personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées et 74,9 pour cent (14 168 760) des personnes non handicapées. En revanche, 35,8 pour cent (349 610) des personnes ayant de graves déficiences étaient locataires, comparativement à 27,6 pour cent (408 110) pour les personnes ayant de légères/modérées déficiences et 14,7 pour cent pour les personnes non handicapées. Alors que la plupart des Canadiens d'âge actif sont propriétaires de leur maison, le pourcentage des propriétaires ayant de graves/très graves déficiences est légèrement inférieur à celui des propriétaires avec de légères/modérées limitations fonctionnelles. Les mêmes tendances s'appliquent pour les locataires avec des déficiences et pour les locataires non handicapés. Les résultats sont illustrés aux Figures 7 (propriétaires) et 8 (locataires).

Population active

Les Canadiens d'âge actif avec de graves/très graves déficiences ont une relation précaire avec le milieu de travail. Plusieurs indicateurs d'emploi le confirment.

En 2006, 36,7 pour cent seulement (ou 358 250) personnes ayant de graves/très graves déficiences avaient un emploi, comparativement à 60,0 pour cent (901 730) de travailleurs avec des déficiences légères/modérées et de 75,1 pour cent (14 198 810) de travailleurs non handicapés. Le chômage est très étendu chez les personnes ayant de graves/très graves déficiences et aptes à travailler - 12,3 pour cent ou 50 480 personnes - contrairement à 7,1 pour cent (68 860) chez les personnes à faibles/modérées limitations fonctionnelles et 6,4 pour cent (964 440) chez les personnes non handicapées. Le taux de participation (à savoir, le pourcentage de Canadiens ayant un emploi ou en recherche active d'emploi) n'était que de 41,9 pour cent (408 730) chez les personnes ayant de graves/très graves déficiences, comparativement à 65,5 pour cent (970 730) des personnes avec des déficiences légères/modérées et de 80,2 pour cent (15 163 250) de personnes non handicapés. Plus de la moitié des travailleurs ayant de graves/très graves déficiences (58,2 pour cent ou 568 340 individus) ne sont pas intégrées dans la population active, comparativement à 34,5 pour cent (510 260) des travailleurs à déficiences légères/modérées et seulement 19,8 pour cent (3 751 960) des Canadiens d'âge actif, non handicapés. Voir Figure 9.

Une personne gravement/très gravement handicapée sur dix (10,5 pour cent) a travaillé moins de 30 heures/semaine ; 18,3 pour cent des personnes de ce groupe ont effectué plus de 30 heures/semaine alors que 71,1 pour cent n'ont absolument pas travaillé. La plupart des personnes ayant des déficiences légères/modérées, ont travaillé - 13,6 pour cent moins de 30 h/sem et 42,8 pour cent plus de 30 h/sem - 43,6 pour cent n'ont pas travaillé. Plus de la moitié des personnes non handicapées (57,8 pour cent) ont travaillé plus de 30 heures/sem ; 27,9 pour cent n'ont pas travaillé et 14,3 pour cent ont travaillé moins de 30 h/sem. Voir Figure 10.

Seulement 31,1 pour cent des adultes gravement/très gravement handicapés en âge de travailler étaient syndiqués en 2006 ; 68,9 pour cent ne l'étaient pas. Les résultats sont quasi-identiques pour les personnes ayant des déficiences légères/modérées (36,1 pour cent étaient syndiquées et 63,9 pour cent ne l'étaient pas). Ces données sont illustrées à la Figure 11.

La moitié (50,1 pour cent) des personnes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences préfèrent travailler à temps partiel. Mais un pourcentage important d'entre elles (27,7 pour cent) cherche à travailler à plein temps et 22,2 pour cent n'ont pas de préférence entre les deux types d'emploi. En plus faible pourcentage (41,3 pour cent) les personnes ayant des déficiences légères/modérées préfèrent un travail à temps partiel alors que 43,5 pour cent en veulent un à temps plein et que 15,1 pour cent n'ont aucune préférence pour l'un ou l'autre des emplois. Voir Figure 12.

Un nombre important de travailleurs ayant de graves/très graves déficiences - 34 pour cent - travaillent dans de petits milieux avec moins de 20 employés, tandis que 27,3 pour cent d'entre eux sont dans des milieux de travail comptant de 100 à 500 employés et que 27,2 pour cent travaillent pour des employeurs ayant entre 20 à 99 employés et que 11,2 pour cent sont intégrés dans des milieux de travail de plus de 500 employés. Pour les travailleurs ayant des déficiences légères/modérées, les résultats sont : 35,5 pour cent avec moins de 20 employés ; 28,7 pour cent dans des milieux comptant entre 20 et 99 employés ; 20,7 pour cent dans des milieux de travail de 100 à 500 employés et 15,1 pour cent avec plus de 500 employés. Ces résultats sont illustrés à la Figure 13.

Les trois plus importants secteurs d'emploi des personnes ayant de graves/très graves déficiences sont : la fabrication (59 150), le commerce au détail (55 380) et les services sociaux et de santé (48 980). Les résultats sont illustrés à la Figure 14.

En 2006, 71,7 pour cent des adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences avaient vécu une période de chômage ; 10,8 pour cent en avaient vécu deux et 17,4 pour cent en avaient vécu trois ou plus. Pour les personnes ayant des déficiences légères/modérées, les résultats sont : 68,8 pour cent pour une période de chômage, 14,5 pour cent pour deux périodes et 16,7 pour cent pour trois périodes ou plus. Voir Figure 15.

En 2006, 43,5 pour cent des adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences avaient vécu une période de chômage avaient été six mois et plus hors du marché du travail ; Cette période de chômage était de moins de trois mois pour 35,6 pour cent d'entre eux et entre trois et cinq mois pour 20,0 pour cent. Pour les personnes ayant des déficiences légères/modérées, les résultats étaient : 43,4 pour cent ont vécu moins de trois mois de chômage ; 28,6 pour cent ont été sans emploi pendant six mois et plus et enfin 28,8 pour cent d'entre eux ont été entre trois et cinq mois au chômage. Les résultats sont illustrés à la Figure 16.

Revenu d'emploi

Les Canadiens handicapés d'âge actif ont de plus faibles revenus que leurs concitoyens non handicapés. Plus de la moitié des adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences (54,4 pour cent) gagnaient moins de 20 000 $ par an, comparativement à 37,0 pour cent des personnes ayant des déficiences légères/modérées et 35,7 pour cent des travailleurs non handicapés.

Avec un même niveau d'éducation, les salaires sont moins élevés pour les travailleurs handicapés que pour leurs collègues non handicapés. Les travailleurs avec de graves/très graves déficiences, de niveau secondaire, gagnent en moyenne 22 295 $ par an, comparativement à 22 091 $ pour ceux ayant des déficiences légères/modérées et 23 310 $ pour les travailleurs non handicapés. Avec un diplôme d'études secondaires, ils gagnent en moyenne 21 336 $ par an, comparativement à 27 020 $ pour les travailleurs à déficiences légères/modérées et 30 185 $ pour leurs collègues non handicapés. Parmi les diplômés d'écoles de métiers (certificat), le salaire moyen annuel est de 25 835 $ pour les personnes ayant de graves/très graves déficiences, de 24 491 $ pour celles ayant de légères/modérées limitations fonctionnelles et de 35 531 $ pour les personnes non handicapées. Les travailleurs du premier groupe, diplômés d'un collège ou d'une université, gagnent en moyenne 24 997 $ par an, comparativement à 42 161 $ pour leurs collègues ayant de légères/moyennes déficiences et de 49 083 $ pour les travailleurs non handicapés. Voir Figure 17.

Les salaires des travailleurs avec ou sans déficiences varient grandement selon le sexe. En moyenne, le revenu d'emploi des femmes ayant de graves/très graves déficiences s'élevait à 17 459 $ en 2006, tandis que les hommes de la même catégorie percevaient 31 172 $. Cela s'applique aussi aux travailleurs ayant des déficiences légères/modérées - 27 988 $ pour les femmes et 39 755 $ pour les hommes - ainsi qu'aux travailleurs non handicapés - 30 517 $ pour les femmes et 46 625 $ pour les hommes. Voir Figure 18.

Revenu total

L'histoire se répète quand on examine le revenu total tiré des diverses sources (à savoir, de l'emploi, des programmes gouvernementaux, des épargnes et des investissements). Les Canadiens handicapés d'âge actif ont de plus faibles revenus que leurs concitoyens non handicapés ; et dans chaque catégorie de déficience et de non-déficience, les femmes gagnent moins que les hommes. Chez les travailleurs ayant de graves/très graves déficiences, le salaire moyen des femmes atteint 16 481 $ comparativement à 24 073 $ pour les hommes. Dans le groupe des personnes ayant des déficiences légères/modérées, les femmes gagnaient en moyenne 23 844 $, comparativement à 35 983 $ pour les hommes. Le revenu moyen des femmes non handicapées s'élevait à 27 670 $ comparativement à 44 049 $ pour les hommes. Voir Figure 19.

Faible revenu

L'incidence de faible revenu a tendance à être beaucoup plus élevée chez les Canadiens handicapés d'âge actif que chez leurs collègues non handicapés. En 2006, 27,1 pour cent des personnes à graves/très graves déficiences avaient un faible revenu, comparativement à 15,9 pour cent pour les personnes à limitations fonctionnelles faibles/modérées et 10,7 pour cent pour les personnes non handicapés, Encore une fois, la différence est remarquable entre les sexes. Dans le groupe des personnes ayant de graves/très graves déficiences, 27,5 pour cent des femmes vivaient en deçà du seuil de pauvreté en 2006, comparativement à 15,9 pour cent pour les hommes. Dans le groupe des personnes à limitations fonctionnelles faibles/modérées, 16,7 pour cent des femmes recevaient un faible revenu, comparativement à 15,9 pour cent pour les hommes. Et chez les adultes non handicapés d'âge actif, 11,5 pour cent des femmes vivaient en deçà du seuil de pauvreté, comparativement à 10,0 pour cent des hommes. Voir Figure 20.

En approfondissant davantage, nous constatons que le taux de faible revenu est directement lié aux quatre degrés de déficiences. Le taux de pauvreté est de 31,2 pour cent chez les Canadiens d'âge actif ayant de très graves déficiences, de 25,0 pour cent chez ceux qui ont de graves déficiences et passe, 18,0 pour cent chez les personnes avec des limitations fonctionnelles modérées et à 14,4 pour cent chez celles qui ont de légères déficiences

Revenu tiré des programmes gouvernementaux

Selon les résultats des études sur les revenus tirés des programmes gouvernementaux, les Canadiennes et les Canadiens avec de graves/très graves déficiences, en grand nombre, - tout en étant encore une minorité - perçoivent des prestations de trois principaux programmes - Le Régime de pensions du Canada/Régime de rentes du Québec, la Prestation d'invalidité du RPC/RRQ et le bien-être social. Une petite proportion a indiqué recevoir des prestations d'assurance-emploi ou des indemnités d'accidents du travail ou des indemnités pour invalidité pour les anciens combattants.

En 2005, 25,9 pour cent (252 610 personnes) des adultes d'âge actif gravement handicapés et 24,2 pour cent de ceux ayant des déficiences légères/modérées, recevaient les prestations du Régime de pensions du Canada/Régime de rentes du Québec, ce qui est en deçà des 27,2 pour cent (886 960) des personnes non handicapées ; de plus, le nombre des bénéficiaires était plus masculin que féminin. Voir Figure 21.

En 2006, 25,4 pour cent (239 620) des personnes ayant de très graves/très graves déficiences percevaient la prestation d'invalidité du RPC/RRQ, comparativement à 8,2 pour cent pour les personnes à déficiences faibles/modérées. Voir Figure 22

L'aide sociale (plus connue sous le nom de bien-être social), allouée par les gouvernements provinciaux, territoriaux et municipaux est un autre important régime social pour les Canadiennes et les Canadiens handicapés. En 2006, 21,8 pour cent (212 640) des personnes ayant de très graves/très graves déficiences en recevaient des prestations comparativement à 9,9 pour cent (146 240) pour les personnes à déficiences faibles/modérées. Si l'on pousse davantage l'analyse, on constate que les prestations de bien-être social étaient perçues par 25,4 pour cent des personnes ayant de très graves déficiences, par 19,9 pour cent des personnes ayant des graves déficiences, par 12,4 pour cent des personnes ayant des limitations fonctionnelles modérées et par 8,0 pour cent des personnes à faible déficience. Les résultats sont illustrés à la Figure 23.

La prestation fiscale canadienne pour enfants était versée à 13,5 pour cent (131 980) des adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences, à 12,5 pour cent des personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées et à 16,9 pour cent (3 200 010) des personnes non handicapées. Les femmes composaient le plus grand nombre de prestataires puisque la prestation fiscale canadienne pour enfants est réclamée par le conjoint ayant le plus faible revenu…et c'est le cas des femmes dans ces couples avec enfants. Voir Figure 24.

Parmi les personnes ayant de graves/très graves déficiences, 9,0 pour cent (87 920) seulement percevaient une indemnité d'accident de travail. Ce pourcentage est encore plus faible dans la catégorie des personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées - 5,6 pour cent ou 83 350 personnes. Voir Figure 25.

En 2006, 7,2 pour cent simplement (70 820) des adultes d'âge actif percevaient les prestations d'assurance-emploi, comparativement à 9,1 pour cent (134 040) pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées et 10,2 pour cent (1 923 650) personnes non handicapées. Voir Figure 26.

La pension d'invalidité pour anciens combattants, allouée par le gouvernement fédéral, était versée à 9,0 pour cent ou 8 540 personnes ayant de graves/très graves déficiences et à 0,7 pour cent (10 550) personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées. L'échantillon est beaucoup trop petit pour dégager des données sur les femmes.

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Les programmes susmentionnés sont des programmes gouvernementaux. Mais les Canadiens handicapés tirent également des revenus de sources privées.

En 2006, un nombre assez important - 23,2 pour cent ou 227 090 personnes - d'adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences avaient des investissements ; ce pourcentage était de 29,5 pour cent (437 430 personnes) chez les adultes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées et de 27,6 pour cent (5 212 300) chez les personnes non handicapées. Voir Figure 27.

En 2006, un adulte gravement handicapé sur dix (10,3 pour cent ou 100 310 personnes) seulement recevait des primes d'une assurance-invalidité privée ; chez les personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées, ce nombre était de 5,1 pour cent ou 75 320 adultes. Voir Figure 28.

Parmi les adultes d'âge actif ayant de graves/très graves déficiences, 2,6 pour cent (25 030 personnes) tiraient un revenu d'une assurance-accident automobile ; ce pourcentage était de 1,5 pour cent (22 130 personnes) pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles légères/modérées. Ces résultats sont illustrés à la Figure 29.

Tendances en matière de revenus de bien-être social

Les tendances des revenus de bien-être social alloués aux personnes seules handicapées, dans chaque province et territoire (sauf pour le Yukon car les données sont controversés), sont ci-après illustrées dans cette série de tableaux. Tous les montants sont en dollars constante de 2008, pour bien souligner les tendances réelles (indexées selon l'inflation).

Les revenus de bien-être social pour les personnes seules handicapées à Terre-Neuve sont illustrés à la Figure 30. Ils ont atteint le maximum de 11 792 $ en 1997 et ont ensuite chuté continuellement pour atteindre 10 370 $ en 2005. Bonifiés jusqu'à 11 128 $ en 2007, ces revenus ont chuté jusqu'à 10 977 en 2008. Entre 1989 et 2008, ils ont connu une légère baisse de 576 $ ou 5 pour cent. Par conséquent, sur le long terme, les prestations d'aide sociale accordées aux personnes seules n'ont pratiquement pas fluctué à Terre-Neuve.

Tel qu'illustré à la Figure 31, le déclin des revenus de bien-être social dans l'IPE est beaucoup plus marqué, partant d'un pic de 12 946 $ en 1992 pour atteindre 10 370 $ en 2005 - une baisse de 3 360 $ ou 31,0 pour cent. Entre 1989 et 2005, ils ont chuté de 3 572 $ ou 30,6 pour cent.

Tel qu'illustré à la Figure 32, les revenus de bien-être social en Nouvelle-Écosse alloués à des personnes seules handicapées ont décliné de 11 986 $ en 1991 jusqu'au bas niveau de 8 618 $ en 2008. Entre 1989 et 2008, la baisse substantielle a été de 2 770 $, soit 23,3 pour cent.

Au Nouveau Brunswick, (Figure 33), la tendance était à la baisse sur le long terme, depuis un niveau élevé de 11 343 $ en 1989 jusqu'à un bas niveau de 7 473 $ en 1999 pour remonter légèrement jusqu'à 8 554 $ en l'an 2000 et s'y stabiliser. À long terme, ces revenus ont connu une baisse de 2 847 $ ou 25,1 pour cent. Notons que pour les prestataires handicapés, les revenus de bien-être social n'ont pratiquement pas bougé depuis 1994 au Nouveau Brunswick, traduisant une indexation de fait par d'ajustements réguliers apportés aux prestations.

Tel qu'illustré à la Figure 34, la situation au Québec s'apparente à celle du Nouveau Brunswick, à savoir que les revenus de bien-être social n'ont quasiment pas fluctué depuis 1991, grâce à une indexation officielle des prestations. Toutefois, contrairement au Nouveau Brunswick et à la plupart des autres provinces/territoires, les revenus de bien-être social pour personnes seules handicapées ont quelque peu augmenté sur le long terme, passant de 9 743 $ en 1989 à 10 630 $ en 2008 - une hausse de 887 $ ou 9,1 pour cent.

En Ontario, les revenus de bien-être social accordés aux personnes seules handicapées, et tels qu'illustrés à la Figure 35, ont grimpé de 13 948 $ en 1989 à 15 716 $ en 1992, puis ont régulièrement et considérablement décliné pour atteindre, en 2007, le bas niveau de 12 667 $ - une baisse à long terme de 1 001 $ ou 7,2 pour cent entre 1989 et 2008. Cette érosion est principalement due à l'absence d'indexation et à un assez long gel des taux d'aide sociale. Les prestations de bien-être social ont augmenté de trois pour cent en mars 2005 mais les revenus sont plus faibles en 2005 qu'en 2004 à cause d'une somme forfaitaire versée à l'automne 2004. Au cours des dernières années, l'Ontario a légèrement bonifié ses taux de prestations d'aide sociale.

Au Manitoba, les revenus de bien-être social pour les personnes seules handicapées ont augmenté en 1992 pour décliner par la suite. Entre 1989 et 2008, ils ont diminué de 756 $, soit une baisse de 7,5 pour cent. Mais ils se sont quelque peu stabilisés depuis 2005, comme le montre la Figure 36.

En Saskatchewan, comme l'illustre la Figure 37, les revenus de bien-être social pour les personnes seules handicapées ont considérablement décliné jusqu'en 2005, passant de 12 185 $ en 1989 - année de pointe - à 8 893 $ en 2005. Ils ont ensuite augmenté en 2006, 2007 et 2008 pour atteindre 10 477 $ en 2008. Entre 1989 et 2008, les revenus de bien-être social pour les personnes seules handicapées de la Saskatchewan ont chuté de 1 708 $ ou 14,0 pour cent.

Dans l'ensemble en Alberta, la tendance souligne une certaine constance avec, au fil des ans, quelques petites baisses et quelques petites hausses telles qu'illustrées à la Figure 38. Entre 1989 et 2008, les revenus de bien-être social pour les personnes seules handicapées ont chuté de 392 $ ou 4,3 pour cent.

L'Alberta a toutefois créé un nouveau programme pour les personnes handicapées, l'Alberta Income for the Severely Handicapped (AISH). Tel que susmentionné, l'AISH vise les personnes ayant des déficiences graves et prolongées ; ses prestations aux bénéficiaires handicapés sont beaucoup plus généreuses que les prestations accordées par le régime traditionnel de bien-être social aux personnes handicapées qui ne peuvent se prévaloir de l'AISH ; la tendance en a d'ailleurs été expliquée au paragraphe précédent. Les données de l'AISH ne sont disponibles que pour trois ans. Les prestations étaient de 13 120 $ en 2007 pour diminuer légèrement et atteindre 13 055 $ et finalement être bonifiées jusqu'à 13 377 $.

Au fil des ans, tel qu'illustré à la Figure 39, les revenus de bien-être social des prestataires célibataires handicapés de la Colombie britannique ont connu des hauts et des bas graduels. Ils se sont toutefois plus ou moins stabilités depuis 2005. Entre 1989 et 2008, les revenus ont légèrement chuté de 123 $, soit 1,1 pour cent.

Tel qu'illustrée à la Figure 40, la fluctuation des revenus de bien-être social pour les prestataires célibataires du Yukon s'est effectuée en deux plateaux, avec une pointe en 1997 et 1998 puis un déclin vers un plateau supérieur à celui des années 1989 à 1996. Entre 1989 et 2008, les revenus ont connu une hausse assez importante à long terme de 4 795 $ ou 39,3 pour cent, passant respectivement de 12 186 $ à 16 981 $.

Dans les Territoires du Nord Ouest, tel qu'illustré à la Figure 41, les revenus de bien-être social ont fluctué en fonction de trois plateaux. Ainsi, les prestataires célibataires handicapés ont reçu environ 17 000 $ entre 1993 et 1996 ; leur revenu a chuté à 12 000\13 000 $ de 1997 à 2001, pour croître ensuite à 17 000 - 18 000 $ de 2002 à 2006 et atteindre les hauts niveaux de 19 378 $ en 2007 et de 20 910 $ en 2008. Entre 1993 (17 468 $) et 2008 (20 910 $) , l'augmentation à long terme s'est élevée à 3 442 $, soit 19,7 pour cent.

Notes en fin de texte

  • [1] Les réformes présentées dans ce document s'inscrivent dans une vaste « re-conceptualisation » du système global de sécurité du revenu pour les Canadiennes et les Canadiens d'âge actif, que nous avons exposée dans « Towards a New Architecture for Canada's Adult benefits (Battle et al., 2006). Le programme de revenu de base est le « troisième pôle » de cette architecture renouvelée; mais la restructuration ci-après proposée a sa vie propre.
  • [2] La gravité de la déficience est ci-après définie : « Une échelle de gravité de la déficience a été établie en fonction des réponses aux questions de l'enquête. Les points furent attribués selon l'intensité et la fréquence des limitations d'activités rapportées par les répondants. Un score unique a été enregistré pour chaque déficience. Chaque score fut ensuite normalisé afin d'obtenir une valeur entre 0 et 1. Le score final en est la moyenne pour chaque type de déficience…Pour les enfants et les adultes de 5 à 14 ans, les scores ont été divisés en quatre groupes (à savoir légère, modérée, grave et très grave) [Statistique Canada, 2007].
  • [3] Les données rapportées ici et à l'annexe ont été obtenues par tirages spéciaux de l'Enquête sur la participation et les limitations d'activités de Statistique Canada. Nous remercions Statistique Canada de nous avoir fourni ces données mais le Caledon Institute est totalement responsable de leur utilisation et de leur interprétation.
  • [4] Le dénominateur Nunavut est exclu de cette moyenne nationale car les données sur les cas de personnes handicapées n'étaient pas disponibles.
  • [5] Inventé par le Caledon Institute, le terme « piège de l'aide sociale » se réfère au fait que les prestataires qui quittent l'aide sociale pour aller travailler affrontent divers obstacles, ou en terme de terminologie économique, plusieurs irritants envers l'emploi.
  • [6] Toutes les données sur le bien-être social rapportées dans cette section sont tirées du rapport 2010 du Conseil national du bien-être social. Nous avons exclu le Nunavut à cause de son différend officiel avec les données rapportées par le Conseil.
  • [7] Tel qu'expliqué au point 4 ci-dessus, le Nunavut a été exclu. Nous n'avons pas inclus le programme AIH de l'Alberta (pour les prestataires dont la déficience grave et permanente limite leur capacité de gagner leur vie) parce que les chiffres recueillis ne portent que sur trois ans. (2006, 2007 et 2008).
  • [8] Basé sur les estimations des données de l'Agence du revenu du Canada, site web http://www.cra-arc.gc.ca/gncy/stts/gb07/sfp/fnl/html/tbl10-fra.html