Les mesures de sauvegarde protègent-elles les intérêts des plus vulnérables

PRÉPARÉ POUR LE

CONSEIL DES CANADIENS AVEC DÉFICIENCES

PAR

ORVILLE R. ENDICOTT

SOUS L'ÉGIDE DU

"FONDS POUR LE DROIT DE DEMAIN" DE L'ASSOCIATION DU BARREAU CANADIEN

2003

AVANT - PROPOS

Cette étude des questions inhérentes à la légalisation de l'aide médicale à la mort a été effectuée à la demande du Conseil des Canadiens avec déficiences. Elle a été financièrement soutenue par le "Fonds pour le droit de demain" de l'Association du Barreau canadien. Les opinions exprimées ci-après ne reflètent pas nécessairement celles du Conseil des Canadiens avec déficiences ni celles de l'Association du Barreau canadien.

LÉGALISATION DE L'AIDE MÉDICALE À LA MORT
LES MESURES DE SAUVEGARDE PROTÈGENT-ELLES VRAIMENT DES PLUS VULNÉRABLES?

Table des matières

 
Avant - propos
Sommaire
I. Introduction
II. Indicateurs de la dévalorisation de la vie et des libertés des personnes handicapées
III. Que doit-on protéger?

A. Mort illicite
B. Perte d'autonomie personnelle

IV. Types de mesures de sauvegarde
V. Mesures de sauvegarde dans les lois canadiennes actuelles

A. Dispositions du Code criminel
B. Lois sur le consentement aux soins de santé
C. Droit constitutionnel
D. Jurisprudence

VI. Processus et propositions d'examen et de modification du Droit canadien

A. Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide
B. Sous-comité sénatorial de mise à jour de "De la vie et de la mort" Juin 2000
C. Autres propositions législatives

VII. Changements législatifs à l'étranger

A. Litiges aux Etats-Unis
B. Le Death with Dignity Act de l'Oregon
C. Le Federal Pain Relief Promotion Bill des Etats-Unis
D. Lois et pratiques aux Pays-Bas
E. Le Rights of the Terminally Ill Act du Territoire du Nord de l'Australie
F. Lois proposées dans d'autres pays

VIII. Analyses et conclusions

A. Enjeux, réalités, principes et mises en garde
B. Dans quelle société la légalisation de l'aide à la mort sera-t-elle sécuritaire?
C. Judiciarisation des fournisseurs de soins de santé
D. Garanties de procédure
E. Critères: Qui est admissible à l'aide à la mort?
F. Conclusion

Références

SOMMAIRE

  • Dans cette étude, nous explorons deux problèmes corrélatifs qu'affrontent les personnes handicapées dans une société tolérant l'aide au mourir avant la fatalité de la maladie: la perte non désirée et/ou non autorisée d'une vie et la perte d'autonomie individuelle dans les décisions de cessation de vie. Nous examinons également divers types de mesures de sauvegarde qui pourraient être instaurées pour réduire ou éliminer ces risques.
  • Par "aide à la mort" on entend l'aide à la cessation de vie d'une personne ("suicide assisté") et l'euthanasie active et passive impliquant la décision du patient ou de son mandataire renforcée de la collaboration d'un agent extérieur, en général un professionnel de la santé. L'euthanasie active se traduit par l'administration d'une substance létale, ou tout autre mesure, destinée à provoquer le décès de la personne. L'euthanasie passive se traduit par l'interruption ou l'abstention d'un traitement de survie dans le but d'accélérer la cessation de vie de la personne.
  • Vivre avec une incapacité, c'est souvent voir sa vie dévalorisée et donc, pour certains, comprendre qu'elle ne vaut pas la peine d'être vécue. Mais même si la personne handicapée apprécie sa vie tout autant qu'autrui, cette présomption de dévalorisation risque d'affecter son libre arbitre à savoir l'expression de sa décision d'obtenir de l'aide pour mourir. Les mandataires sont également influencés par cette envahissante perception selon laquelle la vie d'une personne handicapée ne vaut pas la peine d'être vécue.
  • Les mesures de sauvegarde envers de tels abus peuvent prendre plusieurs formes. Plusieurs sont directes, comme l'interdiction de certains actes; d'autres sont indirectes, comme le développement de meilleurs traitements et médicaments thérapeutiques et analgésiques ou la prestation de soutiens sociaux qui desserviraient le recours à l'aide à la mort. Certaines sauvegardes pourraient précéder le décès et, par conséquent, empêcher un choix illégitime. D'autres pourraient survenir après le décès de la personne (poursuite judiciaire ou procédure disciplinaire par exemple) et décourager d'autres personnes à adopter cette solution.
  • Au Canada et ailleurs, une grande partie de la population estime qu'abréger la vie d'une personne handicapée est beaucoup moins répréhensible que le meurtre d'une personne non handicapée. Le meurtre d'une personne handicapée est souvent qualifié de "meurtre par compassion" et ce, que la personne souffre intensément ou non. Il y a même eu des demandes pour une nouvelle catégorie "d'homicide par compassion" en vertu de laquelle le meurtre d'une personne ayant une grave maladie ou incapacité ne serait plus assimilé au meurtre au premier degré ou serait exempté, totalement ou en partie, de la peine obligatoire infligée pour un tel crime.
  • En général, la société accole des attributs négatifs aux personnes handicapées. Pour elles comme pour leur entourage, leur vie a beaucoup moins de valeur que celle des autres citoyens. Par conséquent, elles résistent moins aux pratiques de cessation de vie prématurée. La légalisation de l'aide à la mort pourrait entraîner la mort, volontaire ou non, d'un nombre disproportionné de personnes handicapées.
  • " Les exemples abondent: des parents qui ont récemment tué ou tenté de tuer leur enfant n'ont pas subi la peine minimale prévue par la loi; de vigoureuses campagnes de réduction de peine ont été entreprises pour de tels parents. Certaines personnes (non les tribunaux toutefois) estiment que dans de tels cas, une condamnation équivalente à une condamnation pour meurtre d'un enfant non-handicapé n'est ni plus ni moins qu'un "châtiment injuste et cruel" et, en tant que tel, contraire à l'article 12 de la Charte des droits et libertés.
  • La notion de médiocrité inacceptable associée à la "qualité de vie" des personnes handicapées influence la décision d'administrer ou non un traitement médical requis. Les ordonnances de ne pas réanimer sont souvent édictées non pas à cause de la fatalité de l'état pathologique d'une personne mais bien plus en raison de la valeur négative accolée à sa vie avec une déficience.
  • La loi canadienne actuelle relative à l'aide à la mort est en voie d'examen. Le Code criminel du Canada interdit l'euthanasie active (à savoir l'utilisation de moyens délétères dans l'intention de causer la mort d'une autre personne) ainsi que l'aide au suicide (à savoir fournir les moyens et les directives pour inciter une personne à mettre fin à ses jours). Mais l'application de ces sanctions pénales n'a pas toujours été cohérente, peut-être parce que la judiciarisation d'un professionnel de la santé pourrait décourager d'autres professionnels d'administrer des traitements anti-douleur adéquats et/ou d'interrompre un traitement inutile.
  • En vertu de l'article 7 de la Charte des droits et libertés, la Constitution canadienne garantit plus ou moins le droit de chacun à ne pas voir sa vie artificiellement abrégée (droit à la vie et droit à la sécurité) ainsi que le droit de décider de l'heure de sa mort (droit à la sécurité). L'article 15 de la Charte garantit que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi. Ces garanties constitutionnelles n'ont toutefois force exécutoire que pour les législatures et les personnes agissant sous autorité gouvernementale. Elles ne sont nullement contraignantes pour les décideurs privés et les professionnels de la santé.
  • Selon la jurisprudence canadienne, la volonté d'une personne mentalement capable de renoncer à un traitement de survie, doit être respectée. L'administration de médicaments aux fins de traitement de la douleur, notamment en cas de mort imminente, est autorisée à condition que l'acte vise uniquement le soulagement de la douleur et non pas la mort et ce, même si le type et la dose de médicaments requis risquent d'accélérer l'agonie du patient.
  • Les tribunaux se sont empressés d'intervenir afin d'empêcher qu'une décision substitutive soit prise en faveur du décès d'un enfant handicapé dont l'état physique pouvait être traité. L'affaire Sue Rodriguez - qui a vainement contesté la loi contre l'aide au suicide - a également prouvé que les tribunaux avaient tendance à pêcher en faveur de la préservation de la vie.
  • Au cours de la deuxième partie de la décennie 1990, un Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a examiné toute une gamme de questions inhérentes aux politiques et lois canadiennes sur les décisions de cessation de vie. Dans son rapport "De la vie et de la mort", publié en 1995, le Comité sénatorial confirme l'existence de dispositions du Code criminel contre toutes les formes d'euthanasie et d'aide au suicide. Il souligne également l'importance de développer et fournir des soins palliatifs améliorés et des moyens plus efficaces de soulagement de la douleur. Le Comité demande également que le Code criminel soit modifié afin de préciser dans quelle mesure le soulagement de la douleur est autorisé, même s'il risque d'abréger la vie du patient, et dans quelle mesure l'abstention ou l'interruption, du traitement de survie est acceptable.
  • Une minorité de sénateurs, membres du Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, a réclamé des modifications au Code criminel afin d'autoriser l'aide au suicide et réduire la gravité de la peine encourue pour "euthanasie volontaire". Selon ces sénateurs, cet assouplissement de la loi ne serait appliqué qu'en présence de garanties d'ordre procédural procédure, incluant un examen de chaque cas avant et après le décès. Comparaissant devant le Comité sénatorial, plusieurs témoins ont exprimé de sérieuses réserves vis-à-vis de la possibilité de maintenir un véritable libre arbitre dans un système autorisant l'euthanasie et l'aide au suicide. Une majorité des membres du Comité s'est prononcée en faveur d'une réduction de peine en cas d'homicide nettement basé sur la compassion.
  • D'importantes mesures de sauvegarde contre l'abus d'une aide licite à la mort ont été articulées par certains témoins devant le Comité sénatorial ainsi qu'au cours des opinions minoritaires énoncées par les juges en chef de la Colombie britannique et du Canada dans les deux appels déboutés de Sue Rodriguez, laquelle cherchait à obtenir l'approbation légale de son projet de suicide assisté. Dans chaque cas, les recommandations incluaient des audiences avant l'acte, sur la pertinence de la décision de cessation de vie et un examen après les faits.
  • Un Sous-comité sénatorial, constitué en 1999, a examiné les progrès réalisés dans le domaine depuis la publication en 1995 du rapport initial "De la vie et de la mort". Ce sous-comité a déposé un rapport intitulé: "Des soins de fin de vie et de qualité: Chaque Canadien et Canadienne y a droit" en juin 2000. Les distinctions entre les titres des deux rapports sont significatives, même si le Sous-comité s'est uniquement consacré à l'examen des progrès réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations unanimes du précédent Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, lesquelles n'incluaient pas la légalisation de l'euthanasie ni de l'aide au suicide. Le Sous-comité s'est inquiété de la lenteur des avancées effectuées au cours des cinq années écoulées en ce qui a trait aux pratiques de soins palliatifs, de traitement de la douleur, de sédation, d'abstention ou d'interruption de traitement de survie et de directives préalables.
  • Selon le Sous-comité, environ cinq pour cent seulement des Canadiens en phase terminale recevaient des soins palliatifs en l'an 2000. Le Sous-comité a particularisé plusieurs composantes des soins palliatifs ainsi que plusieurs couches démographiques, y compris les personnes handicapées, particulièrement négligées en ce qui a trait aux nouvelles et inestimables pratiques de soins de fin de vie. Le Sous-comité a mis l'accent sur le contexte social dans lequel survient la mort, soulignant qu'il a au moins autant d'impact que le contexte médical. L'environnement social d'amour et de soins est, le cas échéant, inévitablement un contexte dans lequel les membres de la famille et les amis proches désirent un soulagement de la douleur et des symptômes d'agonie, par un moyen raisonnable ne risquant pas d'entraîner la mort.
  • Les résultats des recherches soumis au Sous-comité sénatorial 1999-2000 indiquaient, entre autres, qu'une maîtrise appropriée et efficace de la douleur ne s'est jamais soldée par une mort précipitée et, d'autre part, que la dépression clinique guérissable est souvent liée à la manifestation du désir de précipiter la mort, artificiellement et inutilement.
  • Plusieurs propositions ont été récemment formulées, notamment des projets de loi d'initiatives parlementaires, afin de légiférer des lignes directrices beaucoup plus précises sur les soins de fin de vie. Le Projet de loi S-2, déposé devant le Sénat canadien 1999, visait essentiellement à codifier la loi en vigueur. Mais il avait une portée un peu plus large et identifiait "l'alimentation et l'hydratation artificielles" comme un "traitement de survie" qui pourrait légalement être interrompu sur consentement d'un membre de la famille.
  • Aux États Unis, au cours des années 1980, plusieurs affaires judiciaires ont été estées par des personnes handicapées qui cherchaient à faire endosser, par les tribunaux, leur volonté de mettre fin à une vie que leur déficience rendait intolérable. En général, les tribunaux ont accordé aux plaignants le droit de refuser le traitement, comme c'est le cas pour les personnes non handicapées. Mais ils ne se sont pas attardés sur l'échec de la société en matière de prestation de soutiens matériels, sociaux et de santé requis - échec ayant incité les personnes à désirer une euthanasie passive.
  • En 1997, la Cour suprême des États-Unis a confirmé, dans deux autres causes, la validité des lois des États interdisant le suicide médicalement assisté. La Cour a statué que de telles lois visaient à protéger les personnes vulnérables "dont l'autonomie et le bien-être étaient déjà compromis", incluant les pauvres, les personnes âgées et les personnes handicapées, contre "le réel danger de subtile coercition et d'abus d'influence dans les décisions de cessation de vie". La prévention contre le suicide fut choisie au détriment de l'aide au suicide. La Cour suprême de l'Alaska a récemment prononcé un jugement analogue, déboutant l'argument selon lequel la décision de mettre fin à ses jours est une question personnelle. Cet argument relève du domaine public lorsque l'approbation de cette pratique menace d'autres personnes vulnérables. Le juge a statué que "les pulsions suicidaires d'une personne handicapée doivent être interrompues et traitées comme celles de n'importe quelle autre personne".
  • " En 1997, l'État de l'Oregon est devenu le premier État américain, et jusqu'à présent le seul, à promulguer une loi, le "Death with Dignity Act, autorisant le suicide médicalement assisté des personnes en phase terminale, dont le décès devrait survenir dans les six mois et ayant librement choisi de mettre fin à leurs jours. Au cours des deux années qui ont suivi cette promulgation, moins de un pour cent des décès par cancer, la plus importante catégorie de maladies fatales, étaient des suicides assistés. En fait, en 2001, le nombre de personnes exerçant leur droit au suicide médicalement assisté a chuté. La loi prévoit que seuls deux médecins et deux témoins doivent, avant l'acte, connaître l'intention du patient d'abréger sa vie. Certains chercheurs estiment que pour plusieurs patients, la dépression a été le principal facteur d'incitation au suicide médicalement assisté et légalisé et ce, même si la loi exige que les patients demandant l'aide au suicide soient référés à des conseillers chargés de déterminer s'il s'agit ou non d'une "décision irrationnelle". La procédure a également été critiquée pour n'avoir pu prouver que des interventions de soins palliatifs sont disponibles comme alternative à une mort consensuelle.
  • " En 2000, la House of Representatives des États-Unis a adopté le Pain Relief Promotion Act, dont la fin convenue est d'encourager le soulagement de la douleur et les soins palliatifs tout en interdisant l'aide au suicide et à l'euthanasie. Cette loi avait précisément pour but de rendre inopérant le Death with Dignity Act, mais elle n'a jamais été voté par le Sénat américain. Lors du changement de gouvernement, en 2001, le Procureur général John Ashcroft a renversé les directives de l'ex-Procureur général Janet Reno et a ordonné que le U.S. Controlled Substances Act soit interprété de telle manière qu'il devienne illicite pour des professionnels de la santé de prescrire des médicaments mortels aux fins d'aide au suicide ou à l'euthanasie. Cette directive fut cassée par la Cour et fait actuellement l'objet d'un pourvoi en appel.
  • Les Pays-Bas ont pris les devants dans la légalisation nationale de l'aide médicale à la mort, après l'avoir réellement tolérée pendant plus de vingt ans. C'est en avril 2001 que fut officiellement adoptée la loi autorisant cet acte. La loi n'exige aucune preuve de maladie fatale mais prévoit que le médecin doit estimer que le requérant d'aide médicale à la mort éprouve des "souffrances insupportables et implacables" pour lesquelles il n'existe aucune solution raisonnable.
  • Aux Pays-Bas, le nombre de cas d'euthanasie active par injection létale a traditionnellement excédé le nombre de suicides assistés. Il a été prouvé qu'un nombre important de tels décès (environ 1 000 cas par an) sont survenus sans le consentement de la personne et que plus de la moitié de tous les actes d'aide à la mort ne sont pas rapportés.
  • Selon certains enquêteurs, l'incidence des actes d'aide à la mort ne serait pas en fait plus faible dans les pays où la loi interdit de telles pratiques. Mais dans ces pays, elles sont effectuées en secret. D'après une étude australienne, les "décès intentionnellement accélérés" dans ce pays surviennent en général deux fois plus souvent qu'aux Pays-Bas. Il existerait également au Canada un "mouvement clandestin d'aide à la mort" qui s'est développé plus particulièrement vers la fin du vingtième siècle avec l'émergence du SIDA, cause de maladie fatale.
  • En 1996, une province australienne, le Northern Territory, a laconiquement promulgué une loi autorisant le suicide assisté. Mais un an plus tard, la loi était révoquée par le Sénat national. La Colombie, la Suisse et la Belgique font partie des autres pays qui continuent à tolérer officiellement l'aide à la mort. Certains pays, notamment l'Écosse, l'Afrique du Sud et certains États américains, ont déposé des avant-projets de loi visant à supprimer les sanctions pénales contre les actes d'aide à la mort.
  • " Des groupes revendiquant l'euthanasie et/ou l'aide au suicide continuent à suggérer des modifications législatives visant à autoriser de telles pratiques jusqu'à présent légalement interdites. Des représentants de la Hemlock Society ont proposé un "Model State Act to Authorize and Regulate Physician-Assisted Suicide" et, dans le préambule, argumentent que pour certaines personnes, les soins palliatifs et thérapeutiques actifs sont "à peu près impossibles à obtenir à cause d'un manque de ressources ou d'une assurance-santé". Une telle attitude est réellement dangereuse pour les personnes avec des déficiences qui, de toute évidence, sont les personnes ayant le moins de ressources. Certains considèrent en outre inutile de leur consacrer des dépenses en soins de santé puisque ces traitements ne "guériront" pas la déficience même s'ils risquent de prolonger la vie.
  • Dans un système autorisant l'euthanasie ou le suicide assisté avec un minimum de mesures de sauvegarde prescrites par la loi, les personnes vulnérables seront menacées de perdre inutilement leur vie ou leur autonomie quant aux décisions de cessation de vie, ou les deux. La dépression curable est souvent invoquée pour justifier une décision de cessation de vie d'autrui. Mais, selon des rapports indépendants, les risques que semblent affronter les personnes handicapées dans les pays ayant dépénalisé l'aide à la mort diffèrent peu des risques affrontés dans les autres pays où l'interdiction demeure en vigueur. La dévalorisation de la vie des personnes handicapées est une réalité universelle et mène souvent à des morts évitables, même si ces dernières ne sont ni planifiées ni délibérées.
  • Des "ordonnances de ne pas réanimer" sont souvent insérées dans le dossier médical des patients, non pas à cause de l'inutilité de toute tentative de réanimation mais à cause du peu de valeur accordée à une vie avec une déficience. Ces observations ne réduisent pas les préoccupations relatives à une possible légalisation de l'aide à la mort mais elle soulignent le besoin crucial de services de soutien améliorés et continus, d'une forte revendication systémique et individuelle et de soins palliatifs adéquats au cours de l'agonie.
  • Les personnes handicapées ont prouvé qu'elles valorisaient leur vie tout autant que le faisaient leurs concitoyens non handicapés. La protection de leur vie ne se fera que dans une société réellement consciente de la valeur de chaque vie humaine. Cette conscientisation est un facteur crucial car seule sa présence garantira réellement que les soutiens personnels et les garanties procédurales contre la discrimination pour motif d'incapacité, suffiront pour protéger la vie des personnes handicapées et s'assurer qu'elle ne devienne pas intolérable. Le slogan "mourir avec dignité" ne serait qu'une cruelle mystification si les personnes handicapées ne pouvaient être assurées de pouvoir "vivre avec dignité". La priorité, lorsque la mort devient imminente et inévitable, est d'assurer la qualité et le confort tant qu'il y a un souffle de vie. Dans les deux récents rapports du Sénat canadien, cette priorité est énoncée comme un engagement national nécessaire.
  • Des mesures s'imposent pour éviter que les médecins sur-traitent ou sous-traitent leurs patients par crainte d'une poursuite pénale ou d'une mesure disciplinaire: préciser la loi et/ou la compréhension qu'en ont les gens et garantir une plus grande cohérence dans son application. Les peines obligatoires sévères ne découragent pas suffisamment les médecins de tuer leurs patients, principalement parce qu'elles empêchent les procureurs de les inculper et les jurés de les condamner. D'autre part, promulguer des dispositions d'indulgence sous le couvert "d'homicide par compassion" revient à prioriser la protection des professionnels de la santé au détriment de celle de leurs patients et par conséquent, à faciliter la cessation de vie des personnes plus vulnérables.
  • Au Canada, les partisans d'un certain assouplissement des lois interdisant l'euthanasie et le suicide assisté, ont eu tendance à renforcer leurs arguments de recommandations visant la création d'un ensemble sérieux de mesures de sauvegarde procédurales destinées à empêcher les abus. C'est particulièrement le cas des juges qui ont formulé des opinions minoritaires dans l'affaire Rodriguez et des membres en minorité du Comité sénatorial. Les mesures de sauvegarde proposées consistaient souvent à demander à un tribunal, ou à un tribunal quasi-judiciaire, de sanctionner le projet d'aide au mourir. D'autres ont suggéré qu'un comité consultatif pluri-disciplinaire collabore avec l'organe décisionnel. Ces précautions contrastent nettement avec les pratiques actuellement légalisées aux Pays-Bas et en Oregon qui ne prévoient aucune évaluation indépendante de la pertinence, ou non, de la sanction de l'aide à la mort et qui, d'une manière assez imprécise, exigent seulement que le décès soit rapporté.
  • En plus du rôle du tribunal ou du jury d'audition quasi-judiciaire quant à l'autorisation de la légalisation de l'aide à la mort, une action revendicatrice entreprise au nom des personnes cherchant à mettre fin à leurs jours et financée par les deniers publics, devrait être effectuée dans le but de s'assurer que les requérants soient conscients de toutes les options disponibles et que leur demande n'est pas motivée par quelque manipulation d'autrui. L'une des plus grandes difficultés sera de prouver que les personnes handicapées censées être candidates à l'aide à la mort peuvent choisir cette option sans aucune coercition ni influence indue.
  • Dès qu'il aura été prouvé que le choix de l'aide au mourir est une décision libre et volontaire du patient, le critère le plus crucial à observer sera de s'assurer que toutes les possibilités raisonnables susceptibles de rendre l'aide à la mort moins attrayante pour le patient ou pour ses proches ont été sérieusement explorées. Ce qui inclut des analgésiques immédiatement disponibles et tous les soins palliatifs possibles ainsi qu'un examen des questions non-médicales pouvant influer sur la volonté de vivre de la personne.
  • Dans le meurtre par compassion, le mot "compassion" implique trop souvent, en ce qui a trait aux personnes handicapées, la cessation d'une vie jugée négative pour la personne, sa famille et la société et non pas la fin de la douleur et des souffrances qu'aucun traitement ne pourrait soulager. Même au Canada où la loi continue officiellement à encourager le respect traditionnel et intransigeant de la vie humaine, des mesures de sauvegarde contre tout recours à l'aide à la mort font sérieusement défaut. Il nous incombe alors de contrecarrer toute démarche vers la légalisation de l'aide au mourir tant qu'il ne sera pas prouvé avec certitude que tous les Canadiens, quelle que soit leur incapacité, bénéficient de l'égalité et de la sécurité à part entière, telles que garanties par la Charte des droits et libertés.

LÉGALISATION DE L'AIDE MÉDICALE À LA MORT

LES MESURES DE SAUVEGARDE PROTÈGENT-ELLES LES INTÉRÊTS DES PLUS VULNÉRABLES?
*

I. INTRODUCTION

Les questions inhérentes à la légalisation de l'euthanasie et du suicide médicalement assisté préoccupent, à un degré sans cesse croissant, les législateurs, l'appareil judiciaire, les professionnels de la santé, les juristes, les éthiciens et la population du monde entier. Certains pays ont promulgué des lois autorisant l'euthanasie et/ou le suicide médicalement assisté. D'autres envisagent sérieusement de modifier les lois en vigueur.
La tendance à la suppression des peines judiciaires encourues par les médecins ayant abrégé la vie de leurs patients inquiète particulièrement les personnes vulnérables, à cause de leur âge ou de leur incapacité. Ces problèmes relèvent de deux secteurs inter-reliés:

  1. la crainte de voir ses jours abrégés contre sa propre volonté, et
  2. la crainte de ne pouvoir contrôler l'une des décisions les plus cruciales jamais prises en ce qui a trait à sa propre existence: la décision de mettre fin à ses jours avant que la mort ne survienne naturellement.

Le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) veut connaître avec précision les mesures de sauvegarde proposées ou susceptibles d'être proposées au cas où la loi canadienne serait modifiée pour autoriser l'aide médicale à la mort. Il veut également savoir si ces sauvegardes protégeront efficacement, ou non, la vie et des libertés des personnes vulnérables.1
Nous ausculterons, dans ce document, les causes de la menace que pose l'aide médicale à la mort pour les personnes handicapées. Nous examinerons ensuite le droit législatif canadien, pénal et civil, la Constitution, la jurisprudence et les processus de judiciarisation afin de préciser les références actuelles des pratiques autorisées ou non, l'envergure de l'application de ces interdictions et les garanties qu'elles offrent en ce qui a trait à la vie et aux libertés des personnes vulnérables du pays. Nous nous retournerons ensuite vers d'autres gouvernements où les restrictions relatives à l'aide médicale à la mort ont été assouplies ou tentées d'être assouplies. Nous nous pencherons plus particulièrement sur les dispositions qui, dans de telles lois et pratiques, peuvent servir de garanties contre les abus en général ou contre toute entrave à la vie, la liberté, la sécurité et aux intérêts des personnes vulnérables.
Proposer que notre société autorise des médecins à agir comme agents de mort dans certaines situations est une idée terrifiante en ce qui a trait à la sécurité personnelle et à l'autonomie des personnes handicapées. Toute discussion sur les mesures de sauvegarde doit réellement tenir compte de ces deux secteurs. En dehors des questions de vie ou de mort, la société a traditionnellement offert deux types de choix aux personnes handicapées: le choix personnel, censé être risqué, ou le choix exercé par un mandataire non handicapé, censé être sécuritaire. Un autre phénomène survient souvent: on laisse croire aux personnes handicapées qu'elles décident elles-mêmes alors qu'en fait, la décision est prise en leur nom. Mais quand il s'agit de vie ou de mort, la situation peut être plus critique et certainement plus difficile en ce qui a trait à l'établissement de mesures de sauvegarde.
Une question connexe se dégage de ce débat: la création au Canada d'une catégorie distincte d'homicide souvent appelée "meurtre par compassion". On pourrait comprendre qu'au lieu de s'attaquer directement à la légalisation de l'aide médicale à la mort, - tel que recommandé en 1995 par le Comité sénatorial sur l'euthanasie et le suicide assisté 2 -, le Parlement décide d'adopter cette mesure comme modification intérimaire au Code criminel. En vertu du Code criminel actuel, le meurtre est "un meurtre au premier degré" s'il est "commis avec préméditation et de propos délibéré", si la victime est un gardien de la paix ou un geôlier "dans l'exercice de ses fonctions" ou lorsque la mort a été causée par l'accusé(e) en "commettant ou tentant de commettre" une grave infraction. Tous les autres meurtres sont des meurtres au deuxième degré3. Au cours des dernières années, de nombreuses personnes ont demandé que le meurtre commis dans l'intention de mettre fin aux souffrances et à la douleur d'autrui ne soit pas pénalisé par la condamnation à vie et par les périodes minimales d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, infligées aux personnes accusées de meurtre ou premier ou deuxième degré. C'est le meurtre de Tracy Latimer par son père Robert qui, en 1993, a provoqué une conscientisation aigue de cette question. La Cour suprême du Canada a entendu l'appel de M. Latimer en juin 2000 et l'a débouté dans un jugement rendu en janvier 2001. Nous approfondirons l'affaire Latimer plus tard.
Nous n'avons pas l'intention, avec ce document, de nous lancer dans le vaste débat sur l'euthanasie et l'aide au suicide. D'autant plus que ce débat a été mené sans grande référence aux préoccupations particulières des personnes handicapées dont la vie et les libertés risquent d'être menacées par la légalisation de telles pratiques. Il est toutefois évident que, dans la mesure où nous constaterons que les mesures de sauvegarde éventuelles n'offrent qu'une protection inadéquate des intérêts des personnes vulnérables, nous nous opposerons dans ce document à tout assouplissement des lois en vigueur interdisant l'euthanasie et le suicide assisté.4
Le Code criminel du Canada ne fait aucune distinction entre l'euthanasie active et l'homicide, lequel est défini comme "directement ou indirectement, par quelque moyen, causer la mort d'un être humain"5. L'aide au suicide signifie fournir à une personne les moyens ou l'aide nécessaires pour se suicider. Et que la personne se suicide ou non, "conseiller" et "aider ou encourager" quelqu'un à se donner la mort, est également interdit en vertu du Code criminel6.
Lorsque le consentement a été dûment donné ou refusé, la Loi canadienne n'interdit pas l'abstention ou l'interruption du traitement de survie sans lequel la mort surviendra inévitablement. Dans les cas de soi-disant "euthanasie passive", la mort est légalement considérée comme la conséquence de l'évolution normale du processus du mourir sans intervention ni "causalité" d'une autre personne. Cela pourrait être une forme de fiction légale mais dans ces cas précis, la cessation de traitement ("débrancher la machine" en termes familiers) cause réellement la mort et, par conséquent, devrait relever de la définition de l'homicide, telle que stipulée dans l'article 222 du Code criminel.
En fait, la Loi labelle d'agression sur la personne toute intervention entraînant une personne mentalement capable à refuser ou retirer son consentement, même si la mort en est la conséquence certaine ou probable.7 Un tel refus ou retrait de consentement peut être effectué par le patient au moment où l'intervention est proposée, ou par directive préalable écrite ou verbale. Les directives préalables écrites sont souvent appelées des "testaments de vie". Dans certains cas, que nous examinerons plus loin, des mandataires spéciaux peuvent décider de leur propre chef, sans directive préalable et au nom d'une personne mentalement incapable, l'interruption ou l'abstention du traitement.
La distinction entre tuer quelqu'un et laisser mourir dans un cadre de soins de santé a été exacerbée par certains auteurs et minimisée par d'autres.8 C'est un débat sur lequel ne portera pas ce document, si ce n'est que pour souligner un fait crucial et évident, à savoir que l'euthanasie active et l'aide au suicide constituent des violations des lois canadiennes en vigueur tandis que l'abstention ou l'interruption de traitement ne le sont pas, (si conformes aux principes pertinents régissant les décisions de soins de santé. Cette distinction permettra d'examiner si les mesures de sauvegarde servant à protéger les personnes vulnérables contre l'euthanasie passive injustifiée peuvent avoir des équivalences qui protégeraient les citoyens de tout abus au cas où la loi serait modifiée afin d'autoriser l'euthanasie active et le suicide médicalement assisté.
La loi autorise également l'utilisation de médicaments pour soulager la douleur et autres souffrances, surtout si le patient est nettement en cours d'agonie et ce, même si de tels médicaments servent à abréger sa vie. Dans de tels cas, la légalité de la prescription de médicaments dépend de l'intention visée, à savoir soulager la souffrance et non pas causer la mort. L'intention s'établit en général en fonction du type et de la quantité de médicaments prescrits.
Le titre de cette étude inclut l'expression: "l'aide médicale à la mort", étant entendu que toute modification législative susceptible d'être instaurée au Canada, observera probablement les précédents établis dans d'autres pays, où l'agent de mort est presque toujours un membre du corps médical. Bien que les médecins s'opposent en général à la promulgation d'une loi qui leur conférerait une telle responsabilité, il semble pris pour acquis que seuls les médecins seront, dans des situations visées par la loi, autorisés à prendre des mesures de cessation de vie sans pour cela encourir de responsabilité criminelle. Un tel postulat a été remis en question et mérite sans doute un examen critique.9

II. INDICATEURS DE LA DÉVALORISATION DE LA VIE ET DES LIBERTÉS DES PERSONNES HANDICAPÉES.

Le 30 novembre 1999, en Ontario, une mère a été condamnée à une sentence conditionnelle de deux ans, à servir dans la communauté, pour avoir tenté de tuer sa fillette de six ans atteinte de paralysie cérébrale en lui administrant une surdose de médicament. Le lendemain, le Toronto Star publiait l'histoire sous le titre "No jail for failed mercy killer". Sans entrer dans l'argumentaire de la condamnation ni sans commenter sa pertinence, l'article brillait par son titre criard. Aucun fait n'était relaté pour suggérer que la petite fille souffrait de douleurs quelconques ou qu'elle était terrassée par une maladie incurable. En fait, sa capacité de résister à cette agression sur sa personne prouve qu'elle était en bonne santé et qu'elle avait un puissant désir de vivre. Le titre semble avoir été écrit en fonction du postulat voulant que causer la mort d'une personne handicapée soit un acte de "compassion". Et c'est un postulat énoncé par une grande partie de la population canadienne et de celle d'autres pays également.
Un autre homicide paternel, cette fois réussi, fut le meurtre de Tracy Latimer par son père Robert Latimer, survenu en 1993 en Saskatchewan. Tracy qui était également atteinte de paralysie cérébrale, éprouvait à l'occasion, semble-t-il, d'énormes douleurs dues à son état. Mais elle avait aussi plusieurs points positifs à son actif. Elle devait subir une intervention chirurgicale qui, vraisemblablement, aurait considérablement soulagé ses douleurs. Robert Latimer a décidé d'intervenir le premier. Il l'a installée dans la cabine de son camion et l'a empoisonnée au monoxyde de carbone provenant du tuyau d'échappement passé à travers une vitre10.
Bien que le meurtre de Tracy Latimer corresponde à la définition du meurtre au premier degré stipulée dans le Code criminel du Canada (le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré)11), Robert Latimer ne fut accusé et condamné que pour meurtre au deuxième degré. Cette réduction du chef d'accusation est très importante. Lorsque la peine capitale a été abolie en 1976 au Canada, le Code criminel a été modifié pour infliger une condamnation à perpétuité obligatoire en cas de meurtre de premier ou deuxième degré. Les modifications édictaient en outre que toute personne condamnée pour meurtre au premier degré n'aurait droit à aucune libération conditionnelle pendant les vingt-cinq années de sa peine et que toute personne condamnée pour meurtre au deuxième degré devrait avoir purgé dix ans de sa peine avant de bénéficier d'une libération conditionnelle.12
Malgré l'indulgence démontrée par la réduction de soixante pour cent de la période minimale d'incarcération infligée à Robert Latimer, la population canadienne et deux des huit juges de la Saskatchewan ayant traité cette question lors du procès et de l'appel, ont réclamé une autre réduction importante de la période d'incarcération. Les juristes et les chercheurs en déontologie ont renouvelé leur demande de reconnaissance d'une troisième catégorie de meurtre - "l'homicide par compassion" - pour lequel serait supprimé toute période minimale obligatoire d'incarcération.
Lors du deuxième procès de Latimer (le premier ayant été déclaré nul puisqu'à la demande du Procureur de la Couronne, les policiers avaient interrogé les jurés potentiels sur leurs attitudes envers les personnes handicapées), le juge a accordé une exemption constitutionnelle de la peine minimale prévue par le Code criminel (un accomplissement de dix ans de la peine sans liberté conditionnelle) en invoquant que dans ce cas, cela constituerait un châtiment cruel et inusité et violerait les droits de l'accusé en vertu de l'article 12 de la Charte des droits et libertés.13 Le juge de première instance a infligé à Latimer une peine d'un an d'emprisonnement suivie d'une assignation d'une année dans sa ferme. La Cour d'appel de la Saskatchewan a maintenu la condamnation de Latimer en infirmant l'exemption constitutionnelle décrétée par le juge de première instance et révoquant la réduction de peine.
La Cour suprême du Canada a accordé à Latimer le pourvoi en appel de sa condamnation et de sa sentence mais a ensuite débouté les deux appels le 18 janvier 2001. Dans un jugement unanime, la Cour a déclaré:

...la dénonciation prend beaucoup plus d'importance dans l'examen de la peine dans les cas où....des personnes ayant les mêmes idées peuvent fort bien être dissuadées par des peines sévères. Ceci est particulièrement vrai dans les cas où la victime est une personne vulnérable en raison de son âge, de son incapacité ou d'autres facteurs de même nature.14

Mais avant le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Latimer, ainsi qu'après, la population a essayé de s'opposer à l'imposition de la peine minimale requise par la loi dans le cas de meurtre au deuxième degré. Une campagne se poursuit auprès du Cabinet fédéral afin qu'il accorde une prérogative royale de clémence et libère Robert Latimer aussitôt que possible.
En octobre 2000, le Musée provincial de l'Alberta a présenté une exposition intitulée "Anno Domini" afin de commémorer le 2 000ème anniversaire de la naissance de Jésus Christ. Par des écrits ou des bandes magnétoscopiques, une partie de cette exposition faisait référence au meurtre perpétré par Robert Latimer envers sa fille, comme sens contemporain du message du Christ, tel qu'énoncé dans l'Évangile de Matthieu "Heureux les miséricordieux"15. Tout au long du procès, la défense a allégué que le geste de Robert Latimer avait été motivé par sa bienveillance et sa compassion envers sa fille.
Ces exemples de parents ayant tué ou tenté de tuer leur enfant handicapé (et il y en a eu plusieurs au Canada au cours des dernières années), illustrent le fait que la vie des personnes handicapées est souvent considérée, par une vaste partie de la population, par les membres de la famille ainsi que par les personnes pouvant influencer les politiques publiques, les décisions judiciaires et les modifications législatives, comme indigne des protections légales habituellement accordées aux citoyens non handicapés. Cette réalité est parfaitement démontrée dans le mémoire présenté en qualité d'intervenant par la COPOH (Coalition des organisations provinciales, ombudsman des handicapées), - à présent le Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD)- lors de l'audience de l'appel interjeté en 1993 par Sue Rodriguez auprès de la Cour suprême du Canada dans le but d'obtenir l'approbation d'un suicide médicalement assisté.

Depuis toujours, la vie et les libertés des personnes handicapées ont été et sont menacées et, dans certains cas, éliminées par l'insensibilité, l'ignorance et l'hostilité de ceux qui estiment que cette vie a beaucoup moins de valeur et de qualité que celle d'autres personnes.
Dans sa forme la plus extrême, ce genre d'attitudes s'est soldé en Allemagne Nazi par des programmes destinés à stériliser et à tuer en série des centaines de milliers de personnes handicapées. Selon l'idéologie nazie, il était important pour le bien public que de précieuses ressources ne soient pas gaspillées sur des vies indignes. Les programmes visant la mort des personnes handicapées étaient décrits comme "la destruction de vie dénuée de valeur" ou la "destruction des bouches inutiles" et "l'aide aux mourants"16

Six ans plus tard, le CCD est intervenu auprès de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. c. Genereux17. Le Dr. Genereux avait plaidé coupable pour avoir aidé et encouragé deux hommes séropositifs pour le VIH, à se suicider en leur prescrivant des quantités létales de barbituriques. Une fois de plus, le CCD exposa à la Cour d'appel de l'Ontario un résumé convaincant de la situation des personnes handicapées au Canada:

(a) la vulnérabilité des personnes handicapées
4. L'histoire des personnes handicapées au Canada est une longue suite de marginalisation, d'exclusion et de dévalorisation sociale. Elle est bâtie sur une perception d'anormalité et de vies tragiques et insupportables. Cette perception a ainsi provoqué la victimisation et la discrimination des personnes handicapées.
5. La société accole des attributs négatifs aux personnes avec des déficiences. De tels comportements sont renforcés par des actions, des attitudes et des croyances qui dépouillent souvent les personnes handicapées de toute humanité. La perception voulant que la vie des personnes handicapées a moins de valeur que celle des autres citoyens renforce la rationalisation des préjudices subis.18

N'oubliez pas que pendant la période nazie, l'holocauste visait d'abord les personnes handicapées. On estime à au moins un quart de million le nombre de personnes décimées au titre de ce programme, pour lequel Hitler avait la pleine collaboration et l'aide de plusieurs membres du corps médical19. Comme ce fut le cas pour les nombreux crimes contre l'humanité commis pendant cette période, très peu de personnes ont été judiciairement poursuivies ou alors, le délai dans les poursuites de tels contrevenants choquants n'a fait qu'amplifier le scandale.20
Ces tragédies vieilles de plus d'un demi-siècle se reflètent encore de nos jours dans les comportements et les pratiques de certains membres du corps médical. Selon Hugh Scher, président du comité des droits de la personne du Conseil des Canadiens avec déficiences, très souvent, "lorsque les personnes avec déficiences vont se faire enlever les amygdales, l'une des premières questions qu'on leur pose c'est si elles veulent qu'on insère une ordonnance de non-réanimation dans leur dossier médical."21
Si, à l'aube du vingt et unième siècle, le mouvement pour la légalisation de l'aide médicale à la mort prend de l'essor, on peut s'attendre à ce qu'un nombre disproportionné des personnes qui seront "aidées", légalement ou autre, seront des personnes handicapées.

III. QUE DOIT-ON PROTÉGER?

L'histoire nous apprend que la principale menace que subiront les personnes handicapées en cas de légalisation de l'aide médicale à la mort, c'est la cessation de vie non consentie d'un certain nombre d'entre elles. La perte de leur droit à l'autodétermination devient en conséquence une autre menace connexe. Si les mesures de sauvegarde visent fondamentalement à prévenir les morts injustes et injustifiées, notamment celles des personnes vulnérables, on peut s'attendre à ce que ces personnes aient un accès plus limité au droit de choisir la mort, accordé à d'autres par des lois plus souples. C'est une forme de discrimination qui a été dénoncée par la majorité des cinq juges et deux des quatre juges dissidents dans le jugement de la Cour suprême du Canada relatif à l'affaire Rodriguez22, comme une violation du droit constitutionnel à l'égalité, garanti aux personnes handicapées par l'article 15(1) de la Charte des droits et libertés.
L'article 7 de la Charte commence par les mots: "Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne". Une telle garantie devrait être énoncée dans les lois et les politiques publiques protégeant le droit à la vie et la liberté de déterminer sa propre existence. Que cela inclut ou non le droit de choisir l'heure et le moyen d'abréger ses jours est une question qui devra être résolue. Aux fins de cette étude, nous présumerons que pour les personnes handicapées, la menace la plus grave est certainement la cessation de vie non consentie. La menace de perte d'autonomie personnelle est certainement importante mais secondaire. Si les personnes perdent le droit de choisir la mort dans leurs propres termes, au moins ils peuvent continuer à lutter pour ce droit.

A. La mort illicite

Au Canada comme ailleurs, la loi s'oppose traditionnellement à tout acte visant à mettre fin à la vie d'autrui par des "moyens dénaturés"21 Le suicide a même été considéré comme un crime et la tentative de suicide était, jusqu'à tout récemment, jugée comme tel. Le Code criminel du Canada interdit non seulement l'homicide mais encore l'aide et l'encouragement au suicide. Il stipule:

Nul n'a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée et un tel consentement n'atteint pas la responsabilité pénale d'une personne par qui la mort peut être infligée à celui qui a donné le consentement.22

Au Canada comme aux États-Unis, la Cour suprême a stipulé qu'il n'existait aucun droit constitutionnel autorisant l'aide médicale au suicide23 Sue Rodriguez, atteinte de sclérose latérale amyotrophique, a demandé à la Cour de se prononcer sur l'inconstitutionnalité de l'article du Code criminel interdisant le suicide assisté parce qu'il exerçait à son égard une distinction illicite pour motif d'incapacité. Dans un jugement partagé de 5 à 4, la Cour a débouté sa demande. La Cour suprême des États-Unis a soutenu dans les arrêts jugés que les interdictions légales du suicide médicalement assisté étaient constitutionnellement valides dans les États de New York et de Washington.
À l'instar de la loi, le corps médical s'est traditionnellement opposé au fait de causer la mort.
Le serment d'Hippocrate (400 avant J.-C.) inclut le serment suivant:

Jamais pour plaire à autrui je ne prescrirai de médicament mortel ni de donnerai de conseil pouvant causer sa mort.

Mais historiquement toutefois, dans le cas des personnes jugées atteintes d'une grave incapacité, la loi et la médecine ont eu tendance à déroger à leurs propres règlements de préservation de la vie ou tout au moins à démontrer une très grande incertitude quant à leur application. Le cas canadien de Stephen Dawson24 illustre très bien cette ambivalence. Stephen était un garçon de sept ans ayant des incapacités physiques et intellectuelles. À l'âge de deux ans, ses parents l'avaient placé dans un foyer. Il était atteint d'hydrocéphalie suite à une méningite contractée lorsqu'il était bébé. En 1983, la valve posée pour drainer le liquide céphalo-rachidien de sa tête s'est bloquée. Le liquide s'accumulait dans sa boîte crânienne, provoquant un grand malaise et menaçant sa vie. On demanda à ses parents d'autoriser une intervention appelée: "révision" de la valve. Mais ils refusèrent leur consentement, déclarant qu'ils préféraient que le petit garçon meure. Le responsable de l'aide sociale à l'enfance demanda à la Cour provinciale une ordonnance attributive de garde intérimaire afin d'autoriser l'opération requise pour Stephen. La Cour rejeta la demande.
Le lendemain, une demande d'examen judiciaire du jugement de la Cour provinciale était déposé auprès de la B.C. Supreme Court. Certains témoins entendus en Cour provincial comparurent à nouveau. De nouveaux témoins vinrent présenter une image beaucoup plus positive de la vie de Stephen. Le Juge Lloyd MacKenzie de la B.C. Supreme Court statua que Stephen avait légalement droit à l'opération susceptible de lui sauver la vie. Il écrivit que s'il avait refusé l'ordonnance de traitement,

"Cela aurait impliqué que la vie d'un enfant handicapé a non seulement moins de valeur que celle d'un enfant normal mais encore qu'elle ne vaut pas la peine d'être préservée. Je tremble en pensant aux répercussions que cela entraînerait si la vie des personnes handicapées dépendait de jugements semblables".25

Il n'en reste pas moins, malgré cette décision charnière, que de nombreux membres de notre société (et d'autres sociétés dans le monde et tout au long de notre histoire) que la vie des personnes handicapées continue à être dévalorisée par rapport à celle des autres citoyens. Cette conviction se reflète souvent dans les points de vue des théoriciens qui conseillent les responsables des politiques sociales. Ainsi, le professeur E-H. Kluge, éthicien de l'université de Victoria, a décrit le jugement Dawson comme ayant infligé à Stephen "le préjudice d'une existence continue"26. La faille dans cette perception, c'est que le "préjudice " est identifié à l'incapacité - et non à l'affection virtuellement mortelle. Puisque l'on estime que l'incapacité ne peut faire l'objet d'une amélioration importante, la seule solution pour supprimer le "préjudice" est de mettre fin aux jours de la personne. Heureusement pour Stephen Dawson que le juge MacKenzie a réalisé que son seul véritable "préjudice" était la défaillance de sa valve, laquelle pouvait être réparée.
Combien de fois encore, devant une personne handicapée souffrant d'une maladie virtuellement mortelle, les gens (y compris les professionnels des soins de santé) diagnostiqueront l'incapacité comme étant le véritable problème? Combien de fois encore le concept d'une piètre et inacceptable "qualité de vie" justifiera-t-il le refus de traiter le problème médical et par conséquent, la suppression de la vie d'une personne? Dans le cas de Stephen Dawson, la pression accrue de l'accumulation du liquide céphalo-rachidien influait vraiment sur sa qualité de vie. Mais le juge de la Cour provinciale a occulté ce fait et a décrété que sa qualité de vie, même en dehors du problème médical critique, ne justifiait pas l'intervention chirurgicale requise.
Combien de fois encore, quand l'incapacité est si grande que la personne a des difficultés à communiquer ses volontés, les gens (y compris les professionnels des soins de santé) s'obstineront à ne voir comme problème que l'incapacité de fournir un consentement valide au traitement alors que bien souvent, la condition pathologique est telle qu'elle peut facilement être qualifiée d'urgente et que, selon la loi, elle n'exige aucun consentement au traitement27. À l'inverse, combien de fois encore les professionnels de la santé accepteront "NON" comme réponse à la question "Désirez-vous avoir cette opération?" quand ils n'ont même pas pris la peine de s'assurer que la personne ayant une déficience intellectuelle soit dûment informée des motifs de l'opération et des conséquences que son refus peut provoquer? Lorsqu'un consentement éclairé ne peut être obtenu d'un patient, est-ce que les professionnels des soins de santé s'adressent alors de manière opportune à la ou les personnes légalement mandatée(s) pour formuler le consentement in absentia?
Combien de fois encore refusera-t-on à une personne, dont l'incapacité se double de dépression pouvant aller jusqu'au désespoir suicidaire, les soutiens et le traitement qui lui auraient redonné le goût de vivre? Si l'aide à la mort devient plus aisément accessible, commettrons-nous une erreur fatale en exprimant notre volonté de mourir? Est-ce que les offres d'aide pour surmonter la dépression seront considérées comme une violation de la vie privée et de l'autonomie d'une personne qui aura choisi la mort comme solution légalement et socialement approuvée à son désespoir?
Si les réponses à ces questions ne sont pas toujours claires, elles illustrent néanmoins le type de situations dans lesquelles la vie des personnes handicapées est inutilement mise en danger à cause de leurs incapacités et non à cause de la gravité inhérente de leur état pathologique. Il est donc évident que la mort illicite est une conséquence qui doit être protégée par quelque moyen que ce soit, même par les interdictions légales en vigueur d'homicide et d'aide au suicide. Si ces interdictions devaient être lénifiées, la perspective de morts non consenties risque de s'accroître considérablement. De nouvelles mesures de sauvegarde, ayant la plus grande portée possible, devront donc être instaurées afin de remplacer celles en vigueur. L'assouplissement des restrictions légales risque d'engendrer une plus grande acceptation des pratiques de deni de traitement de survie que certains jugent déjà acceptables. Les nouvelles mesures de sauvegarde éventuellement promulguées devraient donc protéger davantage les personnes handicapées de tout risque de mort illicite -car elles ne le sont pas vraiment à l'heure actuelle.

B. La perte d'autonomie personnelle

Les arguments en faveur de la légalisation de l'aide médicale à la mort sont d'abord présentés comme le besoin des personnes handicapées de contrôler en tous temps leur propre destinée en cas d'imminence et d'inexorabilité de la mort et ce, au lieu de (selon leur propre jugement) de continuer à vivre. L'affaire Sue Rodriguez était basée sur l'allégation d'obtention d'une liberté décisionnelle équivalente à celle d'une personne non handicapée au moment de déterminer l'heure de sa mort. Elle estimait qu'elle en arriverait au point où elle ne serait plus capable d'exercer cette liberté sans l'aide d'autrui, notamment d'un médecin. Le principe de l'autodétermination est bien établi lorsqu'il s'agit de refuser les mesures visant à prolonger la vie - en d'autres mots, refuser le traitement de survie. Dans de telles situations, l'autonomie personnelle peut être directement exercée par la personne ou par le biais d'une directive préalable ("testament de vie") lorsque la responsabilité légale incombe à un mandataire.
Si la loi devait être modifiée pour légaliser l'utilisation mesures actives (à savoir, prendre ou administrer des médicaments mortels) aux fins d'euthanasie ou de suicide médicalement assisté, les règlements en vigueur pour le refus du traitement de survie continueront probablement à s'appliquer. Ces règlements sont, en essence, assez simples: la personne (ou son mandataire) doit être capable de prendre une décision éclairée, librement et dûment informée. On pourrait prévoir, au cas où des mesures actives seraient utilisées pour abréger la vie d'une personne, des règlements supplémentaires comme l'obligation d'opinions convergentes d'autres professionnels de la santé ou l'instauration d'une période d'attente avant l'application de la décision et, de préférence l'approbation préalable d'une cour ou d'un tribunal.
Aux fins de notre étude, la principale question qui se pose est de savoir si les personnes handicapées obtiendront le même niveau de liberté pour déterminer la méthode et le moment du décès. Les personnes ayant des déficiences intellectuelles seront jugées incapables de prendre de telles décisions qui incomberont alors à une autre personne dûment mandatée. Mais imposer à quelqu'un d'opter pour la mort d'autrui, par quelque moyen que ce soit, actif ou passif, sera toujours problématique. Des mesures de sauvegarde particulièrement conçues pour de telles situations seront examinées plus tard. La loi canadienne en prévoit déjà en ce qui a trait au refus du traitement. Une question importante se pose quant à l'autonomie personnelle: comment la protéger des pressions exercées subtilement ou non par autrui? Qu'il y ait ou non des conflits d'intérêts, les personnes handicapées - notamment celles ayant des déficiences intellectuelles -, ont en général d'énormes difficultés à exercer leur droit inconditionnel à toute la gamme des décisions personnelles. Cette ingérence risque d'être encore plus forte et encore plus omniprésente si la décision porte sur le moment et le moyen de précipiter la mort. L'influence sur l'autonomie personnelle d'autrui dépend de plusieurs facteurs: le fardeau, en termes d'énergie personnelle et de coûts, l'expérience des membres de la famille quant à la prestation de soins, les bénéfices anticipés d'un héritage ou tout simplement: "nous ne supportons pas de te voir ainsi souffrir". Catherine Frazee a souligné que le soulagement "du malaise et la souffrance psychique"- généralement éprouvés par une personne non handicapée devant une déficience -, est purement d'intérêt personnel. Mais il peut influencer les choix que prendront les personnes ayant un contrôle légal et de facto sur la vie d'autrui ainsi que les décisions relatives à la cessation de vie d'autrui. 28
La conviction sous-jacente de la dévalorisation de la vie d'une personne handicapée par rapport à sa propre vie est certainement la plus cruciale des motivations éventuelles d'une telle ingérence. À l'opposé, certaines personnes risquent de subir des pressions pour ne pas anticiper l'heure leur mort. Ce type de pressions peut être basé sur les valeurs personnelles d'autrui, sur le besoin personnel de compagnonnage ou sur le désir d'être indispensable à une personne vulnérable.
On ne peut pas dire que les personnes qui valorisent la vie d'autrui n'ont pas la possibilité de montrer que la vie vaut malgré tout la peine d'être vécue. Pour réussir, ces efforts doivent être accomplis avec une profonde conviction de la valeur de la personne et avec la volonté de parler et d'agir pour amener cette personne à apprécier sa propre valeur et à découvrir qu'elle est reconnue par d'autres.
La menace la plus criante pour l'autonomie personnelle que susciterait l'assouplissement prévu des lois et valeurs morales actuelles favorisant la sauvegarde de la vie, risque d'être la création d'une culture dans laquelle la mort anticipée deviendrait un idéal sociétal auquel devraient se conformer tous les membres de la société. Il devient alors extrêmement difficile d'envisager comment des mesures de sauvegarde pourraient même être développées pour contrecarrer un tel revirement omni-présent des valeurs.
L'Association médicale canadienne a adopté une intéressante directive pour s'opposer à la légalisation de l'aide médicale à la mort:

"Il faudrait envisager la capacité de toute législation proposée de limiter l'euthanasie et l'aide au suicide aux cas indiqués. Si l'on permet l'euthanasie (active) ou l'aide au suicide dans le cas de patients en phase terminale qui sont lucides et qui souffrent, des contestations judiciaires fondées sur la Charte des droits et libertés de la personne pourraient viser à étendre ces pratiques à des personnes inaptes, qui ne souffrent pas ou qui ne sont pas en phase terminale. Ces applications constituent "la pente glissante" que beaucoup de gens craignent."29

Selon cette approche, certains groupes risqueraient de subir une mort non consentie parce que des membres d'un ou plusieurs autres groupes contesteraient judiciairement toute disposition sur l'aide médicale à la mort leur niant l'égale possibilité de se prévaloir d'une loi d'habilitation. Ce n'est certainement pas un argument probant, mais il semble impliquer que les mesures de garantie contre la mort et les mesures de sauvegarde contre la perte de liberté pourraient s'entraver les unes les autres. Et enfin, les conflits d'intérêts constituent la plus grande forme d'abus contre lesquels il faut soigneusement se protéger.
Ces conflits peuvent provenir des fournisseurs partiaux de soins de santé, des législateurs, des administrateurs de régimes d'assurance-santé ou de toute personne qui aurait des avantages financiers et/ou serait dégagée de toute responsabilité suite au décès de la personne vulnérable.

IV. TYPES DE MESURES DE SAUVEGARDE

La catégorisation des mesures de sauvegarde contre les abus de l'aide médicale à la mort peut s'effectuer de diverses manières. On pourrait par exemple viser les mesures de sauvegarde directes, comme le libellé de nouvelles lois spécifiquement destinées à prévenir les abus, par opposition aux mesures de garantie indirectes comme l'engagement accru envers la recherche et le développement de traitements palliatifs et thérapeutiques afin d'atténuer le recours à l'aide médicale à la mort. L'un des dangers de la légalisation de l'aide médicale à la mort serait que le corps médical et les ministères de la santé soient moins enclins à consacrer des ressources à l'avancement des soins palliatifs puisque les mesures visant à court-circuiter le processus du mourir seront jugées plus rentables, et seront davantage privilégiées par les personnes en phase terminale, que la formation des professionnels en soins palliatifs et le perfectionnement de médicaments et d'établissements visant à soulager la douleur, la souffrance et le désespoir pendant l'agonie.
Les procédures avant l'acte (comme l'autorisation judiciaire) et après l'acte (comme le rapport à une autorité gouvernementale ou la poursuite au criminel en cas d'homicide) sont les deux principales classifications de mesures de sauvegarde contre les morts non consenties et l'ingérence injustifiée envers l'autonomie personnelle. Les mesures de sauvegarde indirectes mentionnées plus avant (amélioration des soins palliatifs) sont de toute évidence des mesures de sauvegarde "avant l'acte". Le problème avec des mesures de sauvegarde "après l'acte", c'est qu'elles ne sont appliquées qu'une fois l'acte perpétré dans des circonstances qui semblent avoir violé les lois ou politiques publiques ou les droits de la personne décédée. De telles "mesures de sauvegarde" ne visent pas la personne - qui est déjà décédée - mais les autres individus par voie de dissuasion.
Une question cruciale se pose: doit-on entièrement confier ces mesures de sauvegarde au cercle privé docteur-patient-famille ou doit-on également impliquer un organe indépendant, de préférence un tribunal, ou un comité nommé par l'hôpital ou un ministère? Pour certains, la difficulté qu'engendre des mesures de sauvegarde avant l'acte décrétées par un tribunal public responsable, est que de tels organes entravent le caractère privé généralement associé aux décisions et relations personnelles ainsi que la confidentialité docteur-patient. Cette intrusion pourrait être un prix relativement faible à payer pour s'assurer de la protection de telles mesures de sauvegarde contre les tentatives d'abus. Les délibérations de tels organes décisionnels n'ont pas à être"publiques", à savoir accessibles à quiconque non directement concerné.
On doit également faire la distinction entre les mesures de sauvegarde procédurales et les critères à observer pour déterminer si l'aide médicale à la mort est envisageable et appropriée pour un patient particulier (ou peut-être était appropriée, une fois que les procédures après l'acte sont appliquées). Imposera-t-on des normes réelles et exécutoires pour tous les cas ou bien établira-t-on seulement des normes conformes aux valeurs et désirs du patient? Peut-on combiner ces deux approches d'établissement de normes?
Une distinction doit également être effectuée entre les mesures de sauvegarde visant à protéger les intérêts des personnes jugées aptes à prendre des décisions de vie ou de mort et celles visant à protéger les personnes incapables de telles décisions. On devra tenir compte des désirs exprimés au préalable par une personne capable et les vagues principes de "dans l'intérêt véritable" d'une personne dont le consentement personnel (ou refus de consentement) n'a pu être obtenu de manière valable. Nous pourrions donc intuitivement affirmer que le système de mesures de sauvegarde le plus efficace doit inclure des dispositions avant l'acte et après l'acte. En d'autres mots, en cas d'échec des mesures de sauvegarde avant l'acte, un recours contre la faute professionnelle pourra toujours être intenté après l'acte ou des sanctions pénales pourront être imposées afin de s'assurer qu'à l'avenir, les mesures de sauvegarde avant l'acte seront sérieusement observées.
Nous allons esquisser très librement des mesures de sauvegarde pour chacune de ces deux catégories (avant l'acte et après l'acte). Nous voulons, de façon préliminaire, indiquer les dispositions recherchées dans les lois, politiques et pratiques actuelles ou proposées et, en bout de ligne, quelles seront les options valables et utiles que nous endosserons aux fins de considération au cas où le Canada légaliserait l'aide médicale à la mort.
Les mesures de sauvegarde directes avant l'acte contre le décès forcé et l'ingérence injustifiée dans le choix personnel, pourraient être décrites comme des protections de "voies de droit régulières". Elles sont basées sur l'hypothèse que certaines procédures doivent être observées et que certains critères doivent être satisfaits avant que ne soit effectuée l'aide médicale à la mort ainsi que sur l'hypothèse voulant que les professionnels de la santé impliqués connaissent ou auraient dû connaître les procédures et les critères appropriés.
Selon les cas, il risque d'y avoir plus ou moins de temps pour observer de telles procédures. Par exemple, il serait illogique de s'engager dans une procédure de deux semaines si le patient n'a que quarante huit heures à vivre, sous réserve toutefois que, selon les circonstances, cette procédure ne puisse être terminée dans le temps disponible.
Les procédures de mesures de sauvegarde avant l'acte peuvent inclure, totalement ou partiellement, les éléments suivants:

  1. Une planification préalable des soins par la famille et les personnes, soit au début de la phase terminale soit dès les premières phases.
  2. À une phase plus avancée de la maladie, l'obtention d'une deuxième opinion, notamment par des professionnels de la santé qualifiés pour prescrire des traitements (curatifs et palliatifs) et prédire les résultats anticipés de l'état pathologique du patient.
  3. Des réunions avec la famille où seront présentées les renseignements les plus judicieux et pertinents disponibles, où seront discutés les désirs et l'intérêt véritable du patient (y compris les dernières volontés si la personne est incapable de participer à la discussion) et où seront explorées les lignes directrices des professionnels de la santé et des établissements.
  4. La soumission du cas à un comité d'examen ou un comité de déontologie de l'hôpital qui est chargé de veiller à ce que des protocoles appropriés soient établis, distribués et observés.
  5. La nomination d'un défenseur indépendant qui agira au nom de la personne, s'assurant qu'elle soit du mieux possible avisée des diverses options et des éventuelles conséquences, qu'elle comprenne parfaitement ses droits non seulement en ce qui a trait à l'obtention du traitement médical mais encore au type de traitement qu'elle veut recevoir et que ses décisions et volontés auront été exprimées sans aucune coercition ni influence indue d'autrui.
  6. La soumission du cas à une cour ou à un tribunal spécialisé, notamment s'il s'agit d'une demande de mesures actives destinées à abréger la vie de la personne ou si le mandataire demande l'abstention ou l'interruption du traitement de survie, sans aucune directive préalable du patient. Lorsque la personne est capable de refuser le traitement de survie requis ou a donné des instructions préalables à cet effet, un tel recours ne sera pas nécessaire.

Ces composantes du système de mesures de sauvegarde avant l'acte sont loin d'être exhaustives. Elles seront réexaminées, voire élargies vers la fin de ce document. De même, les mesures de sauvegarde après l'acte, en vigueur et proposées, seront identifiées et évaluées au cours de ce document. La menace d'une poursuite ou criminel ou l'accusation de faute professionnelle découragent sérieusement les médecins qui pourraient être priés, ou tentés, d'accélérer le mourir d'un patient avant que la nature ait suivi son cours. Notons toutefois que de telles menaces n'empêchent pas souvent les médecins de prévenir de tels gestes.

V. LES MESURES DE SAUVEGARDE DANS LES LOI CANADIENNES ACTUELLES

A. Les dispositions du Code criminel

Tel que souligné au préalable, tout acte positif qui délibérément cause la mort d'une personne, que l'acte vise ou non à mettre fin à la vie d'une personne nettement en phase terminale, viole l'interdiction d'homicide prescrite par le Code criminel. Il a également été souligné qu'au Canada, aider une personne à commettre un suicide, quelles que soient les circonstances, est également un crime29tout comme l'est le fait d'administrer "un poison ou une substance destructive ou délétère"30.
L'article 226 du Code criminel stipule:

"Lorsqu'une personne cause à un être humain une blessure corporelle qui entraîne la mort, elle cause la mort de cet être humain même si cette blessure n'a pour effet que de hâter sa mort par suite d'une maladie ou d'un désordre provenant de quelque chose d'autre."

En supposant qu'une injection létale est une forme de "blessure corporelle", cet article semble à son tour clairement interdire l'euthanasie.
En vertu du Code criminel, commet une infraction quiconque omet de fournir "les choses nécessaires à l'existence" à une personne envers laquelle cette obligation légale doit être remplie - un enfant, un conjoint, une personne dépendante à cause de son incapacité ou autre cause31. Dans ce document, nous examinerons ces interdictions d'après certaines causes récemment estées auprès des tribunaux.
Le fait qu'un acte soit interdit par le Code criminel n'implique pas nécessairement que son auteur fera l'objet d'une poursuite au criminel ni même qu'une telle poursuite sera fructueuse. Étant donné que certaines infractions de la loi causant la mort n'entraînent pas forcément des sanctions pour leurs auteurs, une incertitude plane, notamment chez les médecins, quant à la possibilité d'échapper à la responsabilité criminelle en cas d'aide à la mort. Pour leur propre sécurité personnelle, les professionnels de la santé devraient se réjouir des démarches visant à réduire cette incertitude qui, dans le même élan, (selon la nature des réformes législatives ou administratives) devraient également améliorer la sécurité de leurs patients. Les gens doivent savoir, avec le plus de certitude possible, ce qui est ou non autorisé en vertu de la primauté de droit. Un examen des causes criminelles dans ce domaine (voir ci-dessous) révèle énormément d'hésitation, de confusion et d'incohérence de la part des Procureurs de la couronne et des tribunaux. Les personnes handicapées sont sérieusement menacées par les caprices du système actuel.
Selon Hugh Scher, du Conseil des Canadiens avec déficiences:

"Notre droit criminel vise à protéger la société et à la protéger aussi contre le meurtre. Notre droit criminel et notre processus de détermination de la peine au criminel visent à assurer la stabilité, la certitude, la sécurité publique et à faire en sorte que tous les Canadiens jouissent d'un traitement égal et d'une protection égale de la loi"32.

Certains allèguent que l'application du droit criminel serait beaucoup plus cohérente si le Code criminel était modifié pour imposer des peines discrétionnaires (c.-à-d. plus indulgentes) pour les "homicides par compassion". Cet argument repose sur l'hypothèse que les procureurs, les juges et les jurés répugnent à imposer aux contrevenants qui semblent avoir été motivés par la compassion, plusieurs années d'incarcération, conformément aux dispositions actuelles du Code criminel qui prévoient une condamnation obligatoire à perpétuité.
Hugh Scher a déclaré au Sous-comité du Comité permanent du Sénat sur les affaires sociales, les sciences et technologies, chargé de mettre à jour le rapport "De la vie et de la mort", que le Code criminel a été modifié en 1998 afin de garantir une protection accrue aux personnes handicapées contre toute exploitation sexuelle33.

..."En nombre disproportionné, les personnes handicapées sont victime de ce type de crime. Nous avons reconnu que la déficience est un facteur aggravant dont il faut tenir compte lorsqu'on accuse et condamne une personne reconnue coupable de ce genre de crime. Lorsque nous parlons de meurtre, pourquoi ne considérons-nous pas aussi la déficience comme un facteur aggravant? Dans la présente discussion, nous sommes en train d'envisager la déficience comme un facteur atténuant pour justifier les gestes d'un meurtrier et je crains que cela ait pour résultat, délibéré ou autrement, de créer une troisième catégorie de meurtre de personnes vulnérables....à établir une catégorie de meurtre entièrement distincte qui reviendrait à accepter de facto l'euthanasie et à refuser les mêmes avantages et la même protection de la loi à un groupe de personnes"34.

Si la loi elle-même rejette les sauvegardes en vigueur destinées aux personnes handicapées, quel espoir avons-nous de voir de nouvelles mesures prendre leur place?

B. Lois sur le consentement aux soins de santé

Au Canada, les lois sur la santé sont de compétence provinciale et territoriale. Bien que certaines affaires pour faute médicale tombent sous le coup du droit criminel, les lois provinciales sur les soins de santé ou le droit jurisprudentiel édictent également des dispositions légales pertinentes à ce sujet. Un des dénominateurs communs de telles lois est que les professionnels de la santé doivent en général avoir obtenu le consentement libre et éclairé de leurs patients, ou de leurs mandataires dûment et légalement autorisés, avant de pratiquer des interventions. La capacité des patients de contrôler les actions de leurs soignants par le biais du consentement au traitement ou à son interruption, est une importante garantie contre les abus.
La Loi ontarienne sur le consentement aux soins de santé35 est un exemple d'acte législatif provincial visant à régir les actions des médecins et d'autres professionnels de la santé, y compris celles destinées à conserver la vie d'un patient ou à y mettre fin. Nous examinerons certaines dispositions de cette Loi susceptibles de s'appliquer à la question des mesures de sauvegarde au cas où le Code criminel serait modifié afin de légaliser l'aide médicale à la mort.
La première garantie, comme l'implique le titre de la Loi, est que le praticien de la santé n'administrera pas de traitement à moins que la personne "soit capable à l'égard du traitement et qu'elle ait donné son consentement; ou qu'en cas d'incapacité de la personne à l'égard du traitement, que le mandataire spécial ait donné son consentement au nom de celle-ci".36 La Loi énonce plus loin "les éléments devant coexister pour qu'il y ait consentement":

  1. Le consentement doit porter sur le traitement.
  2. Le consentement doit être éclairé.
  3. Le consentement doit être donné volontairement.
  4. Le consentement ne doit pas être obtenu au moyen d'une déclaration inexacte ni par fraude.37

Le consentement est "éclairé" si le patient (ou le mandataire spécial) a obtenu des informations sur "la nature du traitement, les effets bénéfiques prévus du traitement, les risques importants du traitement, les autres mesures possibles, les conséquences vraisemblables de l'absence de traitement."38 L'article 14 de la Loi stipule qu'un consentement donné peut aussi être retiré.
Un consentement éclairé ne peut être donné que par une personne "capable" à l'égard du traitement. La Loi définit ainsi la capacité:

"Une personne est capable à l'égard du traitement.....si elle est apte à comprendre les renseignements pertinents à l'égard de la prise d'une prise de décision concernant le traitement....et apte à évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d'une décision ou de l'absence d'une décision".39

Contrôler l'administration du traitement est une garantie évidente contre l'administration de tout traitement non consenti, notamment lorsque ce traitement non consenti causera probablement la mort de la personne. Pour les personnes incapables de consentir ou de refuser le consentement au traitement, la garantie édictée par la loi - qui exige le consentement au traitement -, devient immédiatement moins rigoureuse qu'elle ne l'est pour les personnes capables. La Loi sur le consentement aux soins de santé reconnaît ce point à deux reprises. Tout d'abord, elle exige que les mandataires spéciaux se conforment aux désirs exprimés par la personne lorsqu'elle était capable de prendre la décision en question. Ce qui représente une importante garantie contre la perte d'autonomie personnelle. Si ces désirs n'ont pas été exprimés ou si le mandataire spécial n'en a pas eu connaissance, la décision sera alors prise dans l'intérêt véritable de la personne incapable.40
La notion "d'intérêt véritable" semble attrayante mais elle est très difficile à définir, quelles que soient les circonstances. En général, nous nous estimons tous capables de préciser notre véritable intérêt. Mais comment quelqu'un d'autre peut-il l'établir en notre nom? La Loi sur le consentement aux soins de santé offre quelques principes directeurs visant à aider les mandataires spéciaux chargés de formuler le consentement, à mieux comprendre les implications d'une prise de décision dans l'intérêt véritable d'autrui. Premièrement, ce mandataire doit se mettre à la place de la personne incapable avec la plus grande ouverture d'esprit possible. Ce qui signifie qu'il doit lorsque la personne n'est pas capable à l'égard de la décision relative au traitement, "tenir compte des valeurs et des croyances qu'elle sait que la personne incapable avait lorsqu'elle était capable" ainsi que des "désirs exprimés par la personne incapable à l'égard du traitement".41
Au-delà de ces instructions relatives aux désirs, valeurs et croyances de la personne au nom de laquelle le mandataire spécial devra prendre une décision, la Loi sur le consentement aux soins de santé propose un test assez détaillé de ce qui constitue "l'intérêt véritable de la personne". Le mandataire spécial doit considérer les facteurs suivants:

  1. S'il est vraisemblable ou non que le traitement, selon le cas:
    1. Améliorera l'état ou le bien-être de la personne incapable,
    2. Empêchera la détérioration de l'état ou du bien-être de la personne incapable,
    3. Diminuera l'ampleur selon laquelle ou le rythme auquel l'état ou le bien-être de la personne incapable se détériorera sans le traitement vraisemblablement.
  2. S'il est vraisemblable ou non que l'état ou le bien-être de la personne incapable s'améliorera, restera le même ou se détériorera sans le traitement,
  3. Si l'effet bénéfique prévu du traitement l'emporte ou non sur le risque d'effets néfastes pour la personne incapable.
  4. Si un traitement moins contraignant ou moins perturbateur aurait ou non un effet aussi bénéfique que celui qui est proposé.42

Les éléments clés du test précédent sur "l'intérêt véritable" sont les concepts de "l'amélioration" par rapport à "la détérioration" de l'état du patient et les concepts correspondants "d' effet bénéfique" et "d'effet néfaste". L'acte législatif privilégie l'amélioration de l'état du patient au détriment de sa détérioration. À ce titre, il constitue une forme de garantie conte l'aide médicale à la mort, très importante pour les personnes qui ont perdu ou n'ont jamais eu la capacité de prendre, pour elles-mêmes, des décisions valides en matière de soins de santé.
Si le mot "bien-être" est interprété dans le sens de soulager la personne des souffrances et de la douleur, ces directives pourraient permettre à un mandataire spécial d'autoriser des mesures visant à abréger la vie de la personne dont il/elle est responsable. En vertu de ces lignes directrices un mandataire spécial sera probablement autorisé à refuser le consentement à un traitement qui ne ferait que légèrement prolonger la durée de vie du patient, mais seulement dans les cas où le traitement ne permettra pas de restaurer la santé. Notons cependant que les lignes directrices servant à déterminer l'intérêt véritable d'un patient incapable à l'égard d'un traitement proposé ne sont que des facteurs que le mandataire spécial doit considérer. Elles ne sont pas exécutoires.
Une Commission établie par La loi ontarienne, appelée la Commission de révision du consentement et de la capacité43, offre une éventuelle garantie contre les abus perpétrés vis-à-vis des décisions sur les traitements de cessation de vie, prises au nom des personnes n'ayant pas la capacité mentale de décider pour elles-mêmes. La Commission a le pouvoir d'entendre et de juger une requête de révision de la constatation, par un praticien de la santé, de l'incapacité d'un patient à l'égard d'un traitement particulier.44 Elle est aussi habilitée à nommer "un représentant pour donner ou refuser le consentement" au nom de la personne incapable de le faire,45 de "donner des directives quant à l'interprétation des désirs exprimés par la personne",46 de ne pas respecter ces désirs dans les cas où elle "convaincue que la personne incapable, si elle était capable, donnerait probablement son consentement parce que le résultats vraisemblable du traitement est dans une large mesure meilleur que ce à quoi on se serait attendu, dans des circonstances comparables, au moment où le désir a été exprimé47".
Et enfin, la Commission a le pouvoir de déterminer si un mandataire spécial se conforme aux règlements stipulés à l'article 21 de la Loi, sur le respect des désirs exprimés par la personne capable ou la prise de décision dans l'intérêt véritable de la personne.48
En vertu de la Loi ontarienne sur le consentement aux soins de santé, certains pouvoirs de la Commission de révision du consentement et de la capacité, si ce n'est tous, pourraient être exercés dans les cas où une décision serait prise, pouvant se traduire par l'administration, à un patient incapable, d'une forme aide médicale à la mort.
La Commission a manifestement ce pouvoir en ce qui a trait aux décisions d'interruption ou d'abstention du traitement de survie. Ces pouvoirs ont été soulignés dans ce document parce qu'ils constituent une autre garantie éventuelle contre les abus, non seulement des dispositions de la loi provinciale actuelle sur les soins de santé, relatives à la prise de décision au nom d'autrui, mais encore de toute nouvelle loi fédérale qui autoriserait l'aide médicale à la mort.
Nous ne suggérons pas que la Commission provincialement créée et telle que constituée, aurait le ressort de traiter les décisions de vie et de mort faites au nom d'autrui et qui, à l'avenir, deviendraient licites en vertu de la loi criminelle; mais une commission analogue pourrait être créée à cette fin. On pourrait concevoir que les commissions, au moins dans certaines provinces, aient un mandat provincial et fédéral, comme c'est actuellement le cas en ce qui a trait aux composantes santé mentale des soins de santé (par ex. placement non volontaire dans des établissements psychiatriques) et au crime (à savoir, disposition relative aux personnes jugées inaptes à subir un procès ou non coupables pour motif de trouble mental). Soulignons encore une fois qu'une personne incapable de consentir personnellement à de l'aide au mourir sera particulièrement vulnérable aux abus et, par conséquent, aura besoin des mesures de sauvegarde les plus sécuritaires contre de tels abus.
Bien sûr, nul n'est besoin d'être légalement "incapable" pour être victimisé dans le contexte de l'aide médicale à la mort. L'implication des tribunaux ou de commissions quasi-judiciaires dans les décisions visant à abréger la vie d'autrui a fait l'objet de puissants arguments.

C. Loi constitutionnelle

Deux articles de la Charte des droits et libertés s'appliquent particulièrement aux questions de l'aide médicale à la mort: l'article 7 qui stipule,

"Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale" et le par. 15(1):
"La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques".

Une autre disposition de la Charte des droits que l'on doit considérer est la clause conditionnelle de l'article un(1) sur les droits qu'il prétend garantir, à savoir: "dans les limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique". Les garanties constitutionnelles énoncées dans les articles 7 et 15(1) et les limites des droits de la Charte autorisées en vertu de l'article un(1) seront examinées ci-après en fonction du droit jurisprudentiel approprié, notamment dans les délibérations du jugement de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Rodriguez c. Colombie britannique (Procureur général).49 Mais examinons tout d'abord leur valeur extrinsèque.
Les garanties de vie et de sécurité de la personne énoncées à l'article 7, devraient servir à protéger les personnes handicapées de toute loi ou mesure gouvernementale menaçant leur vie, à moins que de telles lois soient également appliquées à une procédure incorporant les "principes de justice fondamentale". En général, de tels principes exigent que toute mesure, autorisée ou initiée par le gouvernement ou un agent du gouvernement, affectant la vie, la liberté ou la sûreté d'une personne, mesure à laquelle la personne s'oppose ou est raisonnablement censée s'opposer, ne peut être entreprise sans qu'une décision juste et impartiale d'exécution soit prise à cet égard. On peut nettement soutenir que toute autorisation accordée au mandataire spécial pour choisir l'aide médicale à la mort au nom d'une personne jugée incapable d'effectuer personnellement ce choix, devrait être accompagnée d'une telle procédure. Soulignons toutefois qu'aucune procédure du genre n'est actuellement requise dans les cas où la décision est prise au nom d'autrui pour interrompre le traitement ou pour s'en abstenir, à moins qu'une personne ne soit prête à contester ladite décision.
L'article 7 inclut également la garantie de liberté, qui aurait tendance à appuyer les personnes soutenant que la capacité de déterminer sa propre destinée, y compris l'heure et le moyen de sa mort, est une liberté importante et protégée. De concert avec les garanties de vie et de sécurité de la personne et avec l'application régulière de la loi, sous-entendue dans l'expression "les principes de la justice fondamentale", l'article 7 de la Charte constituerait une mesure de sauvegarde sous-jacente envers les morts non consenties de personnes mentalement incapables de se prononcer à ce sujet ainsi qu'une une garantie contre la perte d'autonomie personnelle des personnes capables de prendre une telle décision.
Les garanties d'égalité de l'alinéa 15(1) de la Charte sont conçues pour que tous les Canadiens soient sur le même pied d'égalité juridique devant le pouvoir d'agir des gouvernements et des législatures dans des secteurs touchant leurs intérêts. Ces garanties sont libellées le plus distinctement possible: "la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi..." (Ce que nous soulignons). Quel que soit l'esprit de cette quadruple promesse, les cours ont statué qu'elle visait à corriger les inégalités traditionnellement infligées aux femmes et à de nombreux groupes minoritaires. En ce qui a trait aux personnes handicapées, c'est dans l'arrêt Eldridge que la Cour suprême du Canada a le plus éloquemment traduit l'esprit de l'article 15(1). Dans ce jugement, la Cour a statué que les personnes sourdes avaient droit à des interprètes gestuels pour communiquer avec des fournisseurs de soins de santé. Dans l'exposé formulé au nom de la Cour, le juge La Forest résume ainsi les inégalités subies par les personnes handicapées:

"Il est malheureusement vrai que l'histoire des personnes handicapées au Canada a été largement marquée par l'exclusion et la marginalisation. Trop souvent, elles ont été exclues de la population active, elles se sont vues refuser l'accès aux possibilités d'interaction et d'épanouissement sociales et elles ont été exposées à des stéréotypes injustes en plus d'être reléguées dans des établissements. Ce désavantage historique a, dans une large mesure, été créé et perpétué par l'idée que la déficience est une anomalie ou un défaut. En conséquence, les personnes handicapées n'ont généralement pas obtenu "l'égalité de respect, de déférence et de considération" que commande l'alinéa 15(1) de la Charte. Au lieu de cela, elles font l'objet d'attitudes paternalistes inspirées par la pitié et la charité et leur intégration à l'ensemble de la société a été assujettie à leur émulation des normes applicables aux personnes physiquement aptes".50

Ce paragraphe illustre la réalité de la vie des personnes avec des déficiences. Il énumère également les facteurs qui les rendent plus vulnérables à tout allégement possible des entraves à l'aide médicale à la mort: "exclusion", "marginalisation", "stéréotype", "institutionnalisation", "paternalisme" et "pitié".
Dans un récent jugement au titre de l'article 15(1), Law c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'immigration)51, n'impliquant pas les personnes handicapées toutefois, la Cour suprême s'est particulièrement attardée sur le sens général des droits à l'égalité. Il est intéressant de noter que l'arrêt Law est axé sur l'importance primordiale que revêtent les notions de "dignité et de liberté" dans la compréhension de l'égalité par les tribunaux. Dans ce jugement, le mot "dignité" est au moins cité soixante-dix neuf fois. Rien ne nous incite à croire que cette terminologie sera jamais liée à la notion de "mort avec dignité", caractéristique du slogan des partisans de la légalisation des diverses formes d'aide médicale à la mort. D'autre part, la dignité des personnes handicapées peut raisonnablement être associée à un vecteur beaucoup plus porteur d'autonomie personnelle. La dignité signifie sûrement que dans les cas où une personne est également incapable de prendre une décision particulière, ses désirs exprimés ou implicites, doivent néanmoins constituer la préoccupation première de la/des personne(s) chargée(s) d'agir comme mandataire(s).
Dans un plus récent jugement sur les droits à l'égalité des personnes handicapées prononcé en mai 2000 dans l'affaire Granovsky c. le ministre de l'Emploi et de l'Immigration52, le juge Binnie a déclaré au nom de la Cour suprême du Canada que contrairement à l'alinéa 15(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, un acte discriminatoire "rabaisse les personnes avec ....une incapacité ou jette un doute sur leur valeur en tant qu'êtres humains."53 Ces mots semblent s'appliquer aux cas où la mort peut être imposée à une personne handicapée sans son consentement préalable. Ils pourraient également viser les cas où la décision de mourir d'une personne handicapée serait occultée alors qu'elle serait prise en considération pour une personne non handicapée. Dans les deux cas, ils indiquent que les droits à l'égalité enchâssés dans la Charte peuvent être considérés comme des garanties fondamentales. Rappelons-nous toutefois que la Charte n'est exécutoire que pour les gouvernements et ceux qui agissent en leur nom.
Comme nous l'avons vu dans l'arrêt Rodriguez54 et que nous explorerons davantage plus loin, la Cour suprême du Canada a statué avec une très étroite majorité, que la légalisation de l'aide médicale à la mort ne faisait l'objet d'aucun droit constitutionnel au Canada. Ce qui n'implique pas, bien sûr, que tout futur acte législatif fédéral ou provincial autorisant l'aide au mourir serait automatique déclaré inconstitutionnel. Mais, espérons-le, les garanties de la Charte, notamment celles relatives au droit à la vie, à la sécurité de la personne et à l'égalité, constitueront toujours des mesures de sauvegarde contre l'imposition forcée aux personnes handicapées, de l'aide médicale à la mort. La garantie du droit à la liberté, stipulée à l'article 7 de la Charte, peut également servir de sauvegarde au droit de choisir l'aide au mourir, au cas où une telle aide deviendrait licite.

D. Jurisprudence

C'est l'interprétation judiciaire des lois qui, en matière d'impact du Code criminel, des diverses lois provinciales et territoriales sur la santé ou de la Charte des droits et libertés, s'avère être le test le plus efficace pour mesurer la capacité de ces dispositions législatives d'imposer des mesures de sauvegarde contre les abus d'aide médicale à la mort. Pour déterminer les droits des particuliers en matière de soins de santé, les cours supérieures de chaque province et territoire, les cours d'appels provinciales et territoriales et la Cour suprême du Canada ont également des compétences inhérentes, distinctes de leur interprétation et de leur application du droit législatif. L'analyse suivante de quelques-uns uns des plus importants jugements canadiens révèle que certaines mesures de sauvegarde apparentes dans la Constitution et dans la législation, ne sont pas aussi étanches qu'elles le paraissent. D'autre part, les tribunaux ont également proposé (et dans certains cas imposé) leurs propres protections contre les abus.
Nous avons déjà fait référence à l'affaire Stephen Dawson55 où la Cour suprême de la Colombie britannique avait ordonné qu'un jeune garçon reçoive un traitement chirurgical requis et potentiellement salutaire et ce, en dépit de la volonté de ses parents. Plusieurs arguments puissants peuvent être dégagés de cet arrêt et servir de jurisprudence pour d'autres causes portant sur le pouvoir des mandataires d'imposer la cessation de vie des personnes incapables.

"Je me réjouis que les lois de notre société soient structurées pour préserver, protéger et maintenir la vie humaine et, que dans l'exercice de ses compétences, ce tribunal ne puisse sanctionner la cessation de vie, sauf pour le motif le plus coercitif. La présomption doit être en faveur de la vie.
Je ne crois pas qu'il incombe à un parent ni une cour d'examiner avec condescendance une personne défavorisée et de juger que sa vie est de si piètre qualité qu'elle ne vaut pas la peine d'être poursuivie.
Il n'est pas approprié pour un mandataire externe d'appliquer ses propres normes à l'évaluation de la qualité d'une vie et d'exercer le droit d'imposer la mort si, d'après lui, ces normes ne sont pas atteintes. Cette décision ne peut être prise que par la personne handicapée, capable de déterminer la valeur de sa propre vie, dans son propre contexte. Et dans ce contexte, elle ne peut établir de comparaison avec une personne bénéficiant d'avantages normaux puisque qu'elle n'en connaît pas la vie, ne l'ayant jamais expérimentée."56

Ces brefs paragraphes énoncent d'importantes règles concernant les décisions de cessation de vie prises par des tierces parties:

  1. Les tribunaux n'ont pas l'autorité de sanctionner le choix de cessation de vie pour autrui, "sauf pour les motifs les plus coercitifs". Le juge MacKenzie n'a pas précisé ces motifs.
  2. Les tribunaux adoptent comme position initiale: "Une présomption en faveur de la vie"
  3. Les évaluations de la "qualité de vie" d'une personne handicapée doivent se faire distinctement de toute décision visant à établir que "la vie de cette personne ne mérite pas d'être poursuivie".
  4. Il n'est pas approprié pour un mandataire externe d'appliquer ses propres normes à l'évaluation d'une vie vivable.

Le juge MacKenzie statua ensuite sur les approches objective et subjective typiquement utilisées par une personne pour déterminer la valeur négative de la vie d'autrui. Seule l'appréciation que fait la personne de la valeur de sa propre vie doit déterminer les mesures disponibles à prendre pour préserver cette vie. L'arrêt Dawson constitue un puissant précédent auquel on pourra faire renvoi comme mesure de sauvegarde dans les cas où la cessation de vie est envisagée pour une personne vulnérable dont le pouvoir d'auto-détermination est également questionné.
La différence décisoire entre l'approche du juge MacKenzie et celle du juge de la cour provinciale, premier juge à avoir entendu l'affaire Dawson, est que le juge MacKenzie a occulté ses propres réflexions sur la vie avec une grave déficience et ne s'est basé que sur sa conviction de la valeur que la personne elle-même accorde par à sa propre vie. L'indépendance et l'impartialité judiciaires doivent être basées sur l'engagement de prendre des décisions aussi dénuées que possible de la prépondérance de ses propres préjugés et de ceux qui tentent d'influencer le processus de décision. La juge Bertha Wilson a ainsi exprimé ce concept: "C'est d'abord se mettre dans la peau du plaideur, incorporer ses expériences aux vôtres, puis ensuite juger".57
La loi est désormais très claire dans les cas où une personne capable de prendre une décision en matière de soins de santé décide de se priver du traitement de survie. En 1992, dans l'arrêt Nancy B. contre l'Hôtel-Dieu de Québec58, la Cour supérieure du Québec a statué que le désir d'une personne mentalement capable de débrancher l'équipement de survie, qui aurait pu lui prolonger la vie indéfiniment, doit être respecté. Atteinte du syndrome de Guillain-Barré, entièrement paralysée, Nancy B. ne pouvait respirer qu'à l'aide d'un respirateur. Cet arrêt renforce la prémisse selon laquelle un patient a légalement le droit d'interrompre un traitement médical s'il juge inacceptable le maintien dudit traitement. (et de sa vie).
Un jugement comparable a été décrété en Ontario dans l'affaire Malette c. Shulman59. Un Témoin de Jéhovah avait intenté une action au civil contre son médecin traitant qui lui avait administré des transfusions sanguines et ce, malgré son refus net basé sur ses convictions religieuses. La Cour d'appel de l'Ontario a débouté le pourvoi du médecin et ce, pour les motifs suivants:

"La demanderesse a le droit de contrôler son propre corps. Le délit d'actes de violence protège le droit à la sécurité de son corps contre les actes physiques non voulus. N'importe quel contact non consensuel qui porte atteinte ou qui constitue une offense à la dignité légitime d'une personne, peut faire l'objet d'une poursuite.
Un adulte capable a généralement le droit de refuser un traitement précis ou l'ensemble de traitements ou encore de choisir une forme différente de traitement. Il a cette liberté même si sa décision comporte des risques aussi sérieux que la mort et même si elle paraît erronée aux yeux du corps médical ou de la collectivité. Peu importe l'opinion du médecin, la décision finale de suivre ou non un traitement revient au patient."60

Les arrêts Nancy B. et Malette c. Shulman ont mis en évidence les mesures de sauvegarde juridiques contre toute ingérence envers le droit d'un patient de choisir d'interrompre un traitement susceptible de prolonger sa vie. Mais dans le cas des personnes dont l'autonomie individuelle est moins respectée, ce type de mesures de sauvegarde risque-il d'amoindrir les autres garanties éventuelles ou existantes contre l'aide médicale à la mort? Un auteur a déclaré que de telles décisions judiciaires avaient "réduit le fossé entre la permission de subir les souffrances d'une fin de vie naturelle et l'obtention de l'aide médicale à mort"61.
Selon le Code criminel du Canada, "l'aide médicale à la mort" est toujours un homicide. Malheureusement, les cas d'application judiciaire du droit pénal ne sont pas toujours aussi clairs que les cas impliquant la common law ou les à caractère non-pénal. Au pays, de nombreuses poursuites ont été intentées au criminel contre des médecins ayant pris des mesures visant à accélérer la mort de leurs patients. Aucun de ces médecins n'a payé d'amende correspondant à l'ampleur des stipulations du Code dans le cas de meurtres au premier et au deuxième degré. Trois récents cas seront examinés brièvement.
Le premier cas est celui du Dr. Claudio de la Rocha. Atteinte d'un cancer du poumon, sa patiente était placée sur respirateur. Elle avait avisé sa famille qu'elle voulait qu'on lui enlève le tube afin de mettre fin à ses souffrances. La famille en avait aussitôt informé le médecin. Ce dernier lui a donc enlevé le tube et, pour éviter toute sensation de suffocation, lui a administré en trois doses, 40 mg de morphine. Il lui a ensuite injecté du chlorure de potassium, ce qui a provoqué un arrêt cardiaque.62 Le Dr. de la Rocha a dû répondre à deux chefs d'accusation: meurtre au deuxième degré et administration d'une substance nocive. Il a plaidé coupable pour le second chef d'accusation et l'inculpation de meurtre a été abandonnée. Le tribunal a entendu un énoncé conjoint des faits selon lequel la patiente se serait arrêtée de respirer avant que le Dr. de la Rocha ne lui injecte le chlorure de potassium. Il a été condamné à trois ans de prison avec sursis63. De plus, le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario lui a infligé une mesure de discipline, à savoir, une suspension de quatre-vingt dix jours (90) d'exercice de la médecine.64
Le juge Loukidelis a souligné que l'indulgence pénale exercée envers le Dr. de la Rocha ne devait pas être considérée comme vecteur de l'approbation de l'aide médicale à la mort. Il a écrit:

"Si un médecin administre une dose mortelle d'une drogue ou d'un produit dans le but de tuer un patient aux fins d'euthanasie, il s'agit, à mon avis, d'une violation de la loi qui mérite un châtiment sévère - non seulement sévère quant à la peine (comme le propose la Couronne) mais avec une longue peine d'emprisonnement." "Il doit aussi savoir que les principes de vie s'appliquent aussi aux personnes atteintes de maladies foudroyantes et au seuil de la mort."65

L'interdiction continue des actes provoquant la mort, enchâssée dans le droit criminel, repose sur ces "principes de vie" qui doivent être articulés comme des mesures de sauvegarde pour les personnes vulnérables et ce, même si la loi devait ultérieurement assouplir cette interdiction. Comme nous l'avons vu au préalable, certains de ces principes ont déjà été identifiés par le juge MacKenzie dans l'arrêt Dawson de la Cour suprême de la Colombie britannique.66
L'autre cas, qui a attiré l'attention des médias, est celui du Dr. Nancy Morrison à Halifax. À la fin de l'année 1996, elle a eu un patient en phase terminale de cancer et dont la famille avait demandé que soit débranché l'équipement de survie. Le Dr. Morrison s'est exécutée. À l'instar du Dr. de la Rocha, elle a injecté de la morphine puis du chlorure de potassium dans l'intention évidente de mettre fin aux jours du patient. Elle a tout d'abord été accusée de meurtre au premier degré. Mais ce chef d'accusation a ensuite été réduit à une inculpation pour homicide. Finalement, les chefs d'accusation contre le Dr. Morrison ont été abandonnés. Le fait que les doses importantes de morphine et autre drogue n'aient pas aidé le patient soulève l'hypothèse d'un blocage dans le tube à perfusion intraveineuse et indique que la drogue létale administrée n'a pas entraîné la mort. Au cours d'une audition pour faute professionnelle du Nova Scotia College of Physicians and Surgeons, le Dr. Morrison a avoué avoir administré une injection létale de chlorure de potassium. Elle a été réprimandée.67
Le dernier cas de cette courte trilogie de poursuites criminelles contre des médecins ayant aidé leurs patients à mourir, est celui de R. contre Genereux.68 Le Dr. Genereux a plaidé coupable d'avoir aidé et encouragé deux hommes VIH séropositifs à se suicider en leur administrant des doses létales de seconal. Les deux hommes n'avaient toutefois pas les symptômes du SIDA. Le Dr. Genereux n'avait aucun moyen de savoir qu'aucun des deux hommes n'était pas en phase terminale. Il connaissait seulement le traitement susceptible de les aider. Les deux hommes ont acheté le médicament et l'ont absorbé. L'un est décédé, l'autre a été réanimé après qu'un ami ait appelé le 911.69 Le Dr. Genereux a été condamné à deux ans d'emprisonnement moins un jour, suivi d'une peine de deux ans avec sursis. La Cour d'appel a confirmé l'inculpation en déclarant:

"...le juge de première instance était conscient de la gravité des crimes de l'appelant et des valeurs à respecter au titre de l'alinéa 241(b) du Code criminel...la préservation de la vie et la protection des personnes vulnérables. Ces patients faisaient partie du groupe de personnes à protéger au titre de l'alinéa 241(b). Ils étaient malades, confus, apeurés et suicidaires. Mais ils auraient pu être traités car aucun d'entre eux n'était en phase terminale. "70

Les juges de la cour d'appel se sont également inquiétés de l'impact que pourrait avoir une longue peine d'emprisonnement sur les autres médecins. Ils ont déclaré: "Nous doutons de la sagesse d'imposer une peine conçue pour, ou pouvant, dissuader les médecins d'entreprendre les traitements appropriés pour leurs patients."71 En d'autres mots, une politique de "sévérité" pourrait s'avérer contre-productive car elle dissuaderait les médecins d'offrir les traitements adéquats de soulagement de la douleur et d'interrompre le traitement de survie lorsque ce dernier devient inutile et n'est plus voulu par le patient. Ces principes doivent être pris en considération lors de l'évaluation des mesures de sauvegarde pour les personnes handicapées. En effet, la protection individuelle contre la mort peut entraîner une vulnérabilisation générale des personnes que les médecins sous-traiteront ou sur-traiteront afin d'en prolonger la vie et d'éviter à tout prix toute responsabilité criminelle.
En d'autres mots, une politique de "sévérité" pourrait s'avérer contre-productive car elle dissuaderait les médecins d'offrir les traitements adéquats de soulagement de la douleur et d'interrompre le traitement de survie lorsque ce dernier devient inutile et n'est plus voulu par le patient. Ces principes doivent être pris en considération lors de l'évaluation des mesures de sauvegarde pour les personnes handicapées. En effet, la protection individuelle contre la mort peut entraîner une vulnérabilisation générale des personnes que les médecins sous-traiteront ou sur-traiteront afin d'en prolonger la vie et d'éviter à tout prix toute responsabilité criminelle.
Avant que le jugement de cette affaire n'ait été rendu, le Dr. Genereux a été démis de son droit d'exercer la médecine par le Collège des médecins et chirurgiens de l'Ontario. Il est intéressant de noter que sur les trois médecins dont nous avons examiné les causes au criminel, seul le Dr. Genereux - qui n'a pas été inculpé de meurtre mais plutôt d'avoir aidé et encouragé l'acte du suicide - est réellement allé en prison et a été démis à vie de son droit d'exercer la médecine. Il semblerait donc qu'en raison des lois en vigueur, le système de justice pénale fasse preuve de plus d'indulgence envers ceux qui tuent leurs patients mourants qu'envers ceux qui aident leurs patients, non en phase terminale, à mettre fin à leurs jours. Dans cette cause-ci, le facteur décisoire était: ses patients n'étaient pas au seuil de la mort et qu'aucun des deux n'était en phase terminale. Partant, la menace de poursuite au criminel, bien que grave, sème la confusion et l'incertitude chez les médecins.
Mais au Canada, la véritable cause type en ce qui a trait à l'aide médicale à la mort, fut l'affaire Rodriguez c. la Colombie britannique (Procureur général)72. Atteinte de sclérose latérale amyotrophique, elle voyait qu'elle ne serait bientôt plus capable de vivre sans l'aide d'un système de maintien des fonctions vitales. Elle voulait qu'au moment où elle perdrait sa capacité de jouir de la vie, un médecin l'aide à mettre fin à ses jours. Par sa requête, elle contestait la constitutionnalité de l'alinéa 241(b) du Code criminel qui interdit à quiconque d'aider ou d'encourager quelqu'un à se donner la mort. Cette contestation s'appuyait sur les articles 7, 12 et 15(1) de la Charte des droits et libertés. Aucun des juges de la Cour suprême n'a considéré que l'interdiction de l'aide au suicide constituait une "peine cruelle et inusitée" aux termes de l'article 12. La majorité des cinq membres de la Cour ont rejeté les requêtes constitutionnelles. L'article 7 stipule que: " chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale." Les cinq juges majoritaires ont décrété que "la justice fondamentale exige la pondération équitable des intérêts de l'État et ceux de l'individu".73Ils ont ajouté que l'article 241 (b) du Code criminel renforçait l'objectif du gouvernement de "protéger les personnes vulnérables". Les juges majoritaires ont estimé que "compte tenu des craintes d'abus et de la grande difficulté à élaborer des garanties adéquates, l'interdiction générale de l'aide au suicide n'est ni arbitraire ni injuste".74
Les cinq juges majoritaires ont souscrit au point de vue dissident du juge en chef et du juge Cory, à savoir que l'article 241(b) violait en fait l'alinéa 15(1) de la Charte en exerçant une distinction illicite à l'égard des personnes dont l'incapacité est si grande qu'elle les empêche de mettre fin à leurs jours sans l'aide d'autrui. Néanmoins, et contrairement au juge en chef et au juge Cory, la majorité a présumé sans juger que l'article 241(b) violait les droits à l'égalité de Mme Rodriguez. Ils n'ont eu aucune difficulté à excuser la violation comme une limite raisonnable au droit à l'égalité, prescrite par l'article 1 de la Charte. L'objet de l'alinéa 241(b) est de "protéger et maintenir le respect de la vie humaine" ainsi que de "protéger et de préserver le respect de la vie humaine et les personnes vulnérables de la société". L'interdiction générale du suicide assisté était donc "raisonnablement justifiée" parce qu'elle représentait "la meilleure approche pour l'atteinte de ces objectifs"75. L'argumentaire de la majorité est résumé dans la note sous-titre du jugement:

"Le meilleur moyen de protéger efficacement la vie et les personnes vulnérables de la société est d'interdire, sans exception, l'aide au suicide. Les tentatives qui ont été faites pour nuancer cette approche par l'introduction d'exceptions et la formulation de garanties, n'ont pas donné de résultats satisfaisants."76

David Lepofsky s'est inscrit en faux contre la majorité des juges qui, dans l'affaire Rodriguez, ont avancé, sans même analyser la gravité de la violation du droit à l'égalité de la personne (par. 15(1), que la violation du droit à l'égalité garanti par la Charte était justifiée au titre de l'article 1).
En effet, Lepofsky s'est demandé comment on pouvait juger les questions de justification sans examiner la gravité de la privation de l'égalité? Il a présumé que le deni d'un droit aussi important que le droit à l'égalité, exigeait une "profonde justification de l'article 1."77 Il a également fustigé la majorité des juges pour avoir axé leur jugement sur l'impact sociétal général de l'invalidation du droit interdisant le suicide assisté au lieu de se concentrer sur l'impact précis de l'attribution d'une exemption constitutionnelle dans l'affaire Rodriguez. Toutefois, dans son jugement dissident, le juge en chef a souligné qu'une exemption constitutionnelle n'est qu'une mesure intérimaire accordée lorsque la loi contestée est déclarée invalide et que la période d'invalidité est interrompue pour permettre au parlement d'examiner les recours législatifs appropriés."78
Finalement, Lepofsky a questionné la conclusion de la majorité, à savoir.... " qu'il était impossible de concevoir un système de mesures de sauvegarde suffisamment rigoureuses pour s'assurer qu'une personne vulnérable ne soit pas aidée à mettre fin à ses jours en dépit de ses objections". Lepofsky a rétorqué:

"Il serait certainement possible d'inventer un système qui favoriserait l'aide au suicide lorsque des mesures de sauvegarde à multiples facettes, suffisamment exigeantes seraient déployées, comme l'approbation d'un tribunal, un délai important ou période de réflexion après le dépôt de la demande d'aide, une enquête indépendante pour détecter toute pression familiale ou autre, indue."79

Nous examinerons brièvement ces éventuelles mesures de sauvegarde, telles que proposées et évaluées dans le jugement dissident du juge en chef Lamer.
Les juges L'Heureux-Dubé et McLachlin ont désapprouvé le jugement majoritaire dams l'affaire Rodriguez, décrétant que l'article 241(b) du Code criminel violait le droit à la sécurité des personnes, au titre de l'article 7 de la Charte. Ce droit, ont-ils défini, inclut: "l'autonomie personnelle qui protège la dignité et le caractère privé des patients en ce qui a trait aux décisions concernant leur propre corps". Les deux juges auraient aimé avoir une "clause exigeant une ordonnance de la cour n'autorisant l'aide au suicide que dans le cas précis où le juge est convaincu que le consentement a été librement consenti" et ce, afin de "s'assurer que seuls ceux qui désirent vraiment mettre fin à leurs jours obtiennent l'aide requise".80
Le juge en chef s'est longuement attardé sur les mesures de sauvegarde qui, à son avis, devraient être instaurées si, tel qu'il l'aurait statué, l'interdiction du suicide assisté au titre du Code criminel avait été déclarée inopérante et, qu'en l'intérim, une exemption constitutionnelle soit accordée autorisant Sue Rodriguez à mettre fin à ses jours avec l'aide d'un médecin.

  1. Une personne qui veut mettre fin à ses jours doit présenter une requête en ce sens à une cour supérieure.
  2. Le médecin traitant et un psychiatre indépendant doivent certifier que le requérant est capable de décider de mettre fin à sa vie et les médecins doivent certifier que sa décision a été prise librement et volontairement.
  3. Au moins un des médecins devra être auprès du requérant au moment où il se donne la mort avec l'aide requise.
  4. Les médecins doivent également certifier que le requérant est ou deviendra physiquement incapable de se suicider sans assistance et qu'ils l'ont informé qu'il continue à avoir le droit de changer d'avis au sujet de son intention de se donner la mort.
  5. Un coroner régional doit recevoir un avis et être autorisé à être présent au moment de l'examen par le psychiatre indépendant.
  6. Le requérant doit subir un examen quotidien par l'un des médecins qui établit le certificat et ce, afin de s'assurer qu'il a toujours l'intention de mettre fin à ses jours.
  7. L'exemption constitutionnelle prendra fin si la personne en phase terminale n'a pas exercé son droit dans les trente (31) et un jours suivant la date de l'examen du psychiatre indépendant.
  8. Le geste causant la mort du requérant doit être son propre geste et non celui d'autrui.81

Ces mesures de sauvegarde seront ultérieurement approfondies lors de l'examen des travaux du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et le suicide assisté, au cours desquels elles ont d'ailleurs été étudiées. Mais auparavant, il serait bon de souligner leur qu'elles sont principalement basées sur la médicalisation. Catherine Frazee a demandé: "Puisque les érudits en matière de questions touchant les personnes handicapées contestent le modèle médical de l'incapacité, ne devrait-on pas entreprendre une analyse critique de la mort en tant que concept médical? Il existe certainement d'autres moyens (sociaux, culturels, spirituels et même politiques) de conceptualiser et d'interpréter la mort."82 Il faudra tenir compte de cette mise en garde contre une approche étroite et médicale des questions de vie et de mort lorsque nous examinerons et évaluerons les différentes notions d'aide au mourir et lorsque nous élaborerons des mesures de sauvegarde visant à garantir une égale protection aux personnes vulnérables.

VI. PROCESSUS ET PROPOSITIONS D'EXAMEN ET DE MODIFICATION DU DROIT CANADIEN

A. Le Comité sénatorial sur l'euthanasie et le suicide assisté

Un Comité spécial du Sénat canadien a été constitué le 23 février 1994 afin "d'examiner, pour en faire rapport, les questions juridiques, sociales et éthiques liées à l'euthanasie et au suicide assisté".83 Après avoir entendu des témoignages de particuliers et de groupes de toutes les régions du Canada, le Comité a publié en juin 1995, son rapport définitif intitulé: "De la vie et de la mort". Le rapport regroupe les résultats et les recommandations sur les soins palliatifs, le traitement de la douleur et la sédation, l'interruption et l'abstention du traitement de survie, les directives préalables, le suicide assisté, l'euthanasie et le meurtre par compassion. Le Comité a émis plusieurs recommandations, certaines de nature politique, d'autres proposant des modifications à la loi. La plupart des recommandations étaient unanimes mais les membres du Comité sénatorial n'ont pu atteindre un consensus sur d'importants enjeux. Plusieurs mesures de sauvegarde contre les abus des interventions médicales pour l'aide au mourir et la cessation de vie ont été présentées dans les recommandations du Comité et dans les témoignages entendus. Plusieurs de ces mesures de sauvegarde seront examinées plus loin, certaines touchant particulièrement les personnes vulnérables.
Le Comité a recommandé qu'une plus grande priorité soit accordée aux soins palliatifs et au développement de traitements plus efficaces de la douleur. Plusieurs mesures de sauvegarde visent l'utilisation, sans oublier l'abus, de l'aide médicale au mourir. Le Comité a recommandé que "le Code criminel soit modifié afin de clarifier la situation concernant l'administration d'un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie" et pour "reconnaître explicitement et clarifier les circonstances dans lesquelles l'abstention et l'interruption du traitement de survie sont légalement acceptables".84
Le Comité sénatorial a recommandé qu'aucune modification ne soit apportée au Code criminel qui interdit de conseiller, aider ou encourager le suicide et que toutes les formes d'euthanasie demeurent une infraction criminelle. Néanmoins, une minorité a recommandé "l'ajout d'une exception à l'alinéa 241 (b) du Code criminel (interdisant l'aide au suicide) afin de protéger la personne qui en aide une autre à se suicide dans la mesure où elle respecte des mesures de sauvegarde clairement définies et que "l'euthanasie volontaire" soit autorisée ou fasse l'objet d'une peine moins sévère.85 La recommandation de la minorité inclut également que "afin de prévenir les abus, des mesures de sauvegarde doivent prévoir l'examen du cas avant et après l'acte", qu'il s'agisse d'euthanasie volontaire ou d'aide au suicide.86
Le Comité sénatorial a également recommandé que le "Code criminel soit modifié afin de permettre l'imposition d'une peine moins sévère dans les cas où intervient l'élément essentiel de compassion ou de pitié". Le Comité a suggéré que l'on puisse "créer une troisième catégorie de meurtre" ou "une infraction distincte d'homicide par compassion".87
Les mesures de sauvegarde énoncées dans le rapport final du Comité sénatorial sur l'euthanasie et le suicide assisté ont principalement été formulées dans les témoignages de certaines intervenants. Puisque le Comité s'est prononcé en faveur d'un assouplissement des interdictions de l'aide à la mort, il n'avait aucune raison de s'attaquer aux mesures de sauvegarde. Les mesures les plus prisées visent le maintien des sanctions pénales en vigueur. Une minorité des membres de Comité aurait néanmoins recommandé "une exemption du code criminel qui aurait permis à une personne d'aider une autre à se suicide à condition de respecter des mesures de sauvegarde clairement définies". Ces membres estimaient que les interdictions actuelles sont inopérantes mais qu'elles pourraient être assouplies et, partant, plus efficaces. À leur avis, l'aide au suicide, quoique illégale, se pratique en ce moment même et ce, sans contrôles appropriés. Le risque d'abus est donc accru car les personnes vulnérables ont plus à craindre d'une aide médicale non réglementée à la fin de la vie que de changements législatifs assortis de sauvegardes appropriées.88
Ces sénateurs minoritaires estimaient que de telles mesures de sauvegarde devaient au moins inclure les éléments essentiels suivants:

La personne doit être capable et souffrir d'une maladie irréversible provoquant des douleurs intolérables, ce que confirme le médecin.
La personne doit faire la demande d'aide au suicide librement et en connaissance de cause, sans y être poussée.
La personne doit avoir été informée de son état, su pronostic et des possibilités de recevoir des soins de confort, par exemple des soins palliatifs, et elle doit comprendre pleinement la signification de ces renseignements.
La personne doit avoir été informée et comprendre pleinement qu'elle a le droit de changer d'idée à tout moment à propos de son intention de se suicider.
Un professionnel de la santé doit s'assurer et certifier que toutes les conditions qui précèdent ont été respectées.
Personne ne devrait être obligé de fournir une aide au suicide.89

Les membres du Comité estimaient en outre que:

..."Des règlements doivent être établis pour assurer la surveillance et l'application des mesures de sauvegarde au niveau gouvernemental approprié et qu'on doit tenir des dossiers sur toutes les demandes et tous les cas d'aide au suicide et sur la suite qui y a été donnée. Afin d'éviter les abus, les mesures de sauvegarde doivent prévoir l'examen du cas avant et après l'aide au suicide.90

Dans son rapport, le Comité ne précise pas la nature de ces examens. Il n'est nullement mention, par exemple, de la nécessité de soumettre une requête à la cour. Or, dans le jugement dissident prononcé dans l'arrêt Rodriguez, le juge en chef Lamer a statué que cette requête devait être considérée comme un critère fondamental.
Notons également qu'il n'est nulle part déclaré dans les lignes directrices minimales proposées par les sénateurs minoritaires, que seul un médecin est autorisé à aider la personne à mettre fin à ses jours. Un "praticien" devra certifier que la maladie est irréversible et la souffrance intolérable. Un "professionnel de la santé" devra certifier que la demande d'aide au suicide a été faite librement, en toute connaissance de cause, sans aucune "pression coercitive", que le requérant était au courant des autres options de soins de confort et que la décision de mettre fin à ses jours n'est jamais définitive tant que l'acte n'a pas été exécuté.
Il est fort probable que l'évitement de toute exigence stipulant que seul le médecin peut fournir l'aide requise, était dû au fait que plusieurs médecins et organisations ont comparu devant le Comité et que, dans leurs témoignages, ils s'opposaient à tout schème attribuant aux médecins le rôle de meurtrier au lieu du rôle de guérisseur.
Plusieurs témoins ayant comparu devant le Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide se sont fortement opposés à la légalisation de l'aide à la mort, en précisant qu'il n'existait aucun système de mesures de sauvegarde susceptible de protéger adéquatement les personnes vulnérables et que les solutions de rechange n'avaient pas été suffisamment explorées. Le Dr. David Roy a déclaré:

"Il serait illusoire, ou en tout cas extrêmement douteux, qu'une société puisse préserver le caractère volontaire de l'euthanasie si celle-ci devenait juridiquement, socialement et moralement acceptable pour un grand nombre de personnes. Il serait difficile, voire impossible, d'imaginer une loi interdisant toute forme de persuasion, même subtile, pour amener des patients à demander l'euthanasie alors que ce ne serait probablement pas ce qu'ils souhaiteraient.
J'ai vu ce genre de situation dans le cas de patients atteints du Sida qui avaient été totalement abandonnés par leurs parents, parleurs frères et soeurs, et par leur conjoint. Complètement isolés et privés de toute source de vie et d'affection, la mort leur semblait être la seule forme de libération possible. Dans de telles situations, des pressions subtiles peuvent amener le patient à demander une mort immédiate, rapide et sans douleur, alors que ce qu'il souhaiterait en fait serait de l'amour et du soutien."91

Il serait peut-être possible de créer un régime élaboré de mesures de sauvegarde, distinct de la stricte interdiction de l'aide à la mort actuellement légiférée dans le Code criminel. Mais est-il possible de garantir à chacun "un intense amour et un soutien rapproché?"
Le Comité sénatorial a examiné les mesures intensives proposées par le juge en chef McEachern de la Cour d'appel de la Colombie britannique qui, dans un jugement de deux contre un, s'est opposé à ce que Sue Rodriguez soit exemptée de l'interdiction de l'aide au suicide stipulée par le Code criminel.92 C'est sur ces mesures que s'est basé le juge en chef Lamer pour formuler ses exigences dans son jugement dissident du pourvoi de Mme Rodriguez auprès de la Cour suprême.
Le juge en chef McEachern a demandé qu'une requête de cessation de vie soit présentée à une cour supérieure. La capacité mentale du requérant de prendre une telle décision en toute connaissance de cause, devra être vérifiée par un "médecin traitant" et par un psychiatre. L'un de ces médecins devra être présent au moment de la mort et le psychiatre devra avoir examiné le requérant moins de vingt-quatre heures au préalable. Au moins trois jours avant, un avis devra être remis au coroner de la région qui pourra être présent, ou pourra déléguer un autre médecin, à "l'examen du requérant par le psychiatre et ce, afin de s'assurer que ledit requérant est bien mentalement capable de décider et qu'il a effectivement décidé de mettre fin à ses jours". De plus,

"L'un des médecins qui remet le certificat précédemment mentionné doit ré-examiner le requérant quotidiennement après la mise en place des moyens sus-mentionnés afin de garantir qu'il a toujours la même intention de mettre fin à ses jours. Si le requérant se donne la mort, ce médecin doit fournir un second certificat au coroner, confirmant que, selon lui, le requérant n'avait pas changé d'avis".93

Heureusement pour le médecin, ce processus s'arrête au bout de trente et un jours, date d'expiration du certificat initial.94 Le juge en chef McEachern n'a formulé aucune recommandation quant au processus à instaurer après le décès du requérant.
Le comité sénatorial énumère dans son rapport les douze "mesures de sauvegarde minimales" proposées par Russel Ogden dans son témoignage. La liste d'Ogden, (étudiant diplômé en criminologie), inclut virtuellement toutes les mesures de sauvegarde proposées par les autres témoins ainsi que certaines mesures intéressantes. Il a proposé par exemple:

"Le patient et les autres personnes concernées doivent pouvoir être renseignés sur les différentes options de traitement, le diagnostic et le pronostic, les conséquences de la procédure d'aide à la mort, les motifs profonds d'une demande d'euthanasie et les possibilités de traitement dans un autre milieu".95

Il a également proposé qu'une évaluation visant à détecter toute "dépression traitable" soit effectuée dans chaque cas.
M. Ogden a publié ses propositions et son analyse politique sous forme d'avant projet de loi au moment même où le Comité sénatorial tenait ses audiences.96 Nous l'examinerons dans le chapitre "Autres propositions législatives".
Le Comité sénatorial a reçu deux exemples de propositions de modification de témoins issus du milieu académique. Ils sont inclus en annexe dans le rapport du Comité. Ces propositions, formulées par les professeurs Bernard Dickens et Eike-Henner Kludge, incluent des garanties de procédures qui s'apparentent à celles énoncées par le juge en chef McEachern de la Cour d'appel de la Colombie britannique et par le juge en chef Lamer de la Cour suprême, dans leurs jugements minoritaires de l'affaire Rodriguez.
Le professeur Dickens a proposé que: "une personne physiquement incapable de se suicide doit pouvoir présenter une requête aux tribunaux" qui auraient l'autorité de "donner à une personne désignée le pouvoir discrétionnaire, par opposition au devoir, d'agir; ainsi, le requérant n'aurait aucun "droit à la mort" et la personne désignée n'aurait aucun " devoir de donner la mort"".97 Le professeur Dickens a demandé que cette procédure officielle, avant le fait, soit assortie de la création d'une "troisième catégorie de meurtre", distincte des meurtres au premier et au deuxième degrés et basée sur la "demande faite par la victime en toute lucidité mais sans approbation judiciaire". En l'absence de demande ou d'approbation, l'acte causant la mort "demeurerait punissable vraisemblablement au titre de meurtre au premier degré".98 Contrairement aux meurtres au premier et deuxième degrés, le meurtre au troisième degré ne serait pas assujetti à des peines d'emprisonnement obligatoire avant la libération conditionnelle. Le professeur Dickens a suggéré que la condamnation pour meurtre au troisième degré soit déterminée par le juge de première instance qui "imposerait la peine sur déclaration de culpabilité en fonction des circonstances".99
Les recommandations du professeur Kluge portaient sur les "mesures palliatives" et sur "l'euthanasie volontaire". Il proposait que le Code criminel soit modifié afin que dans le cas où une mesure palliative "provoquerait ou serait susceptible de provoquer" une mort prématurée et que la période conduisant à cette mort prématurée soit plus courte que celle "correspondant normalement à l'utilisation de mesures palliatives appropriées et reconnues, le cas soit examiné par un groupe indépendant" formé de trois personnes: un médecin, un représentant du Procureur général et un "membre indépendant du public possédant une formation en éthique". Ce tribunal serait uniquement chargé de déterminer si la mesure palliative "a été proposée conformément à la volonté exprimée par le patient capable ou aux normes appropriées de prise de décision au nom d'autrui". Dans le cas contraire, "les autres dispositions pertinentes du Code criminel s'appliqueront".100 Cette approche constituerait une intéressante combinaison des mesures de sauvegarde avant le fait et après le fait. Ainsi, le professionnel de la santé saurait exactement si la mesure proposée était légalement acceptable. Le problème avec cette approche, c'est qu'une fois approuvée, la mesure palliative risque de représenter une norme étalon de l'évaluation des autres mesures létales. Et cela formaliserait le phénomène de "pente glissante".
Les suggestions du professeur Kluge relatives à l'euthanasie volontaires étaient quelque peu novatrices. Elles étaient basées sur un élément clé: "les valeurs fondamentales de la personne". L'euthanasie volontaire pourrait être autorisée sur demande soumise à une cour supérieure, si "une personne est atteinte d'une maladie ou d'une affection incurable et irrémédiable et que cette personne croit que la maladie ou l'affection viole ses valeurs fondamentales". Dans le cas du patient qui n'aurait pas la capacité mentale soit d'énoncer ses valeurs fondamentales et l'impact de la maladie ou de l'affection, soit de demander que sa vie soit abrégée, et qui n'aurait jamais eu la capacité d'exprimer ces valeurs, le tribunal serait chargé de déterminer la nature de ces valeurs "en consultation avec" un comité consultatif de cinq membres, regroupant:

  1. un représentant dûment habilité d'une association de personnes handicapées;
  2. un médecin praticien
  3. une infirmière praticienne
  4. une personne spécialisée en éthique biomédicale; et
  5. un membre du public 101

Il est très intéressant de constater que l'auteur inscrit, au haut de sa liste, un représentant d'une association de personnes handicapées, d'autant plus une dizaine d'années plus tôt, qu'il avait publiquement déclaré que Stephen Dawson - qui avait reçu l'opération chirurgicale requise et salvatrice -, avait subi le "préjudice d'une existence continue" étant donné la gravité de ses déficiences.102 Outre le fait qu'un tribunal sera pris avec la difficulté d'établir les "valeurs fondamentales" de la personne et ce, "en consultation" avec des personnes qui ne sont même pas identifiées comme témoins, cette proposition mérite d'être reconnue pour avoir osé recommandé qu'une personne siège au comité au nom des personnes handicapées. Malheureusement, il n'est nullement question d'une personne spécialisée dans les soins palliatifs.

B. Sous-comité sénatorial de mise à jour de "De la vie et de la mort" - Juin 2000

En novembre 1999, le Sénat canadien a adopté une résolution autorisant le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à "examiner pour en faire rapport les faits nouveaux survenus depuis le dépôt en juin 1995, du rapport final du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide". Le Sous-comité chargé de cette mise à jour a publié son rapport103 le 6 juin 2000, date du cinquième anniversaire du dépôt du rapport initial "De la vie et de la mort". Il devait entendre des témoins et délibérer sur les mesures prises au cours de ces cinq années vis-à-vis des recommandations unanimes du Comité sénatorial. Dans sa conclusion, le Sous-comité déclare "que dans l'ensemble, les progrès réalisés vis-à-vis des recommandations unanimes de 1995, sont minimes, voire quasi-inexistantes".104
Le point le plus révélateur du rapport du Sous-comité sénatorial est, de toute évidence, son titre: "Des soins de vie de qualité: Chaque Canadien et canadienne y a droit". Quelle nette distinction par rapport au focus intégré dans le titre même du Comité sénatorial initial, axé sur "l'euthanasie et l'aide au suicide"! Le nouveau focus sur les soins et non sur la mort, était bien sûr dicté par le fait que la mise à jour ne portait que sur les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations unanimes formulées en 1995. Le Comité sénatorial sur l'euthanasie et le suicide assisté n'avait pas réussi à atteindre un consensus sur ces deux sujets. Tel que souligné plus avant, seule une minorité de sénateurs siégeant à ce Comité avait recommandé que la loi soit modifiée pour autoriser ces deux types d'actes. Le Sous-comité de mise à jour de "De la vie et de la mort" a consacré son étude aux "progrès réalisés dans la mise en oeuvre des recommandations unanimes du rapport 1995…..concernant les soins palliatifs, le traitement de la douleur, la sédation, l'abstention et l'interruption de traitement de survie et les directives préalables."105
Dans sa mise à jour de juin 2000, le Sous-comité sénatorial a observé que "notre système de santé semble accorder peu d'importance aux appels en faveur de soins de fin de vie prodigués avec plus de compassion et d'une manière plus cohérente et complète". Dans ses conclusions, il affirme que "les principes, l'expertise et l'infrastructure médicale requises pour les soins des personnes en phase terminale n'avaient que lentement évolué" et que "les soins de fin de vie de qualité ne deviendront réalité que si le gouvernement fédéral prend l'initiative d'élaborer une stratégie nationale dans ce sens".106
Le Sous-comité a entendu des témoignages sur l'augmentation des décès au Canada, due au vieillissement de la population et à l'incidence accrue des affections souvent fatales, comme le cancer, le Sida et les maladies cardio-vasculaires. Malgré ces statistiques, il n'y a eu aucune corrélation quant à l'augmentation des programmes de soins palliatifs et seuls "5% des Canadiens et Canadiennes en phase terminale reçoivent des soins palliatifs intégrés et interdisciplinaires". Dans le rapport "De la vie et de la mort", les "soins palliatifs" étaient définis comme les " soins visant à soulager la souffrance physique, psychosociale ou spirituelle plutôt qu'à guérir."107
Dans le rapport "Des soins de vie de qualité", le Sous-comité sénatorial dénonce le manque de recherche, de formation et de stratégie en matière de soins palliatifs et souligne que "la tendance s'éloigne d'une éthique de prolongation de la vie à tous prix et se déplace vers une éthique accentuant la qualité de vie et du mourir". Il est évident que cette tendance est plus théorique que pratique. Le Sous-comité souligne, dans son rapport, les secteurs où cette pratique fait particulièrement défaut, traînant loin derrière les principes de soins palliatifs: les soins à domicile, les régions isolées du pays, les peuples autochtones, les prisonniers atteints du Sida et les personnes handicapées."108
Le Sous-comité a entendu de nouveaux témoignages sur le rôle joué par les directives préalables dans les soins de fin de vie. Les directives préalables sont de deux ordres: "les instructions" (indiquant au médecin quels types de traitement le malade souhaite ou ne souhaite pas dans des circonstances précises) ou les "procurations" (chargeant quelqu'un des décisions médicales pour le malade qui n'est plus capable de le faire lui-même/elle-même). Une fois encore, le Sous-comité a souligné la dichotomie entre la pratique et la théorie:

"La plupart de ces problèmes tiennent au fait qu'on a toujours considéré que les directives préalables étaient fondées sur le principe de l'autonomie du malade; les témoins ont souligné que les directives préalables sont plutôt vues comme faisant partie d'un processus de planification et de communication pour aider les gens à préparer leur mort en pensant à leurs proches".109

L'allusion à la modification des principes dans les instructions préalables et les procurations est intéressante mais elle n'est pas suffisamment exploitée dans le rapport pour que sa validité soit correctement évaluée. Elle pourrait être interprétée comme le sacrifice de l'autonomie personnelle au profit des intérêts et des préjugés d'autrui ou, d'une manière plus positive, comme la reconnaissance d'une décision consensuelle encouragée qui deviendrait la norme généralement appliquée dans un contexte familial. Très peu de personnes prennent des décisions cruciales, même celles en phase terminale ou celles déconnectées de la vie sociale. Mais trop de personnes handicapées constatent que leur "milieu social" les prive de leur véritable autonomie véritable, de l'habilitation, de leur identité individuelle et de leur valeur.
Comment peut-on exploiter la réalité que vivent la plupart des personnes en phase terminale, entourées des quelques personnes particulièrement touchées par cette situation, pour en faire un vecteur de bien-être total? En ajoutant l'expression "leurs proches" à la fin du paragraphe sus-mentionné, le Sous-comité ne laisse pas sous-entendre qu'il a sérieusement retenu les propos fermement énoncés par David Roy devant le Comité sénatorial de 1995, à savoir que "au moment de leur agonie, les personnes recherchent réellement le soutien et l'amour".110
Catherine Frazee a souligné que la dynamique d'un amour réel envers le patient émane tout naturellement de la prestation de soins palliatifs appropriés, puisque les proches recherchent surtout et avant tout le soulagement des symptômes et de la douleur du patient, quels qu'ils soient, par un moyen autre que celui qui risquerait d'accélérer la mort.111 Et ce n'est qu'ensuite, dans les rares cas où aucun soulagement ne peut être autrement obtenu, que dans la logique de leur amour, les proches approuveront une cessation intentionnelle de la vie du patient.
Dans son rapport de juin 2000, le Sous-comité sénatorial ne s'approfondit pas sur les pratiques qui accélèrent réellement la mort. Il se lamente tout simplement sur le fait que pratiquement aucune recherche n'a été effectuée relativement aux recommandations sur l'abstention ou l'interruption du traitement de survie, énoncées dans le rapport "De la vie et de la mort". Il note toutefois que la recherche recommandée sur "la sédation totale" (pratique visant à rendre une personne totalement inconsciente par l'administration de drogues, sans risquer d'abréger sa vie), n'a pas été effectuée. Des témoins ont affirmé au Sous-comité que des analgésiques correctement administrés abrègent rarement, voire jamais, la vie des patients".112
Une recherche a découlé de la recommandation du Comité sénatorial de 1995, stipulant qu'une recherche évaluative soit entreprise afin d'identifier le nombre de personnes ayant demandé l'euthanasie, leurs motifs et l'impact de telles requêtes lorsque d'autres solutions sont proposées:

"La recherche a permis d'établir un lien entre la dépression et le désir de précipiter la mort et il existe un besoin de recherches évaluatives pour déterminer si les interventions et les programmes permettent de réduire chez l'agonisant son désir d'une mort rapide."113

Une fois encore, la pensée du Sous-comité sénatorial semble avoir dérivé de l'optique euthanasie vers une optique de préoccupation vis-à-vis du système de santé du Canada qui devrait davantage appuyer les personnes vulnérables et inciter les personnes en phase terminale à vivre pleinement le restant de leur vie, avec le moins de souffrances possibles, au lieu de revendiquer une mort rapide.
Le Sous-comité a été en mesure de rapporter qu'entre 1995 et 2000, plusieurs organisations professionnelles ont "individuellement et collectivement établi des codes d'éthique et des déclarations conjointes sur plusieurs enjeux fondamentaux". Malheureusement, ces documents ne sont pas inclus dans le rapport. Deux d'entre eux toutefois y sont référés dans l'annexe répertoriant tous les documents reçus par le Sous-comité".114
Un élément particulièrement intéressant est noté à la fin du rapport 2000 du Sous-comité sénatorial. Dans un paragraphe réitérant la recommandation de 1995 stipulant que la loi relative aux décisions médicales de fin de vie doit être clarifiée, le Sous-comité déclare:

"Toutefois, la loi n'a pas pour objet de régir la pratique médicale dans le détail; elle ne saurait se substituer au bon jug ement, à une bonne pratique et à une bonne connaissance de l'éthique médicale."115

Ce qui nous ramène à la question: devront-on légiférer les mesures de sauvegarde ou les inclure dans les codes d'éthique des professionnels. La réponse évidente est: "les deux". Mais les réponses évidentes ne sont pas invariablement correctes.

C. Autres propositions législatives

Plusieurs projets de loi d'initiative parlementaire ont été déposés en vue de modifier les interdictions d'aide et d'encouragement au suicide du Code criminel. Certains de ces projets de loi incluaient des dispositions qui, selon leur auteur, auraient clarifiées la loi régissant l'abstention et l'interruption du traitement de survie. Un texte législatif suggérant une solution non-pénale de la réglementation de l'aide au suicide a également été proposé (par Russel Ogden).
Le plus récent projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-2, a été déposé en octobre 1999 par la sénatrice Sharon Carstairs devant le Sénat canadien. Le projet de loi S-2 vise les "pratiques médicales d'abstention et d'interruption de traitement de survie et la prestation des traitements destinés à alléger la souffrance, qui pourraient abréger la vie."116 Le projet de loi ne fait nullement référence à l'aide au suicide, à l'euthanasie ou au meurtre par compassion. Le sous-titre du projet de loi: "une loi visant à faciliter la prise de décisions médicales légitimes concernant les traitements de survie et le soulagement de la douleur" (ce que nous soulignons) implique qu'aucune nouvelle loi n'est créée. Après examen, c'est exactement le cas.
Étant donné le court titre: "Loi facilitant la prise de décisions médicales", la Loi exempterait les "fournisseurs de soins de santé" de toute poursuite pénale prévue par le Code criminel en cas d'actes libellés dans le projet de loi. L'article 2 du projet de loi S-2 édicte:

"N'est coupable d'aucune infraction prévue par le Code criminel le soignant qui, afin de soulager ou de faire cesser les souffrances physiques d'une personne et non pas de provoquer sa mort, lui administre des médicaments en doses susceptibles d'abréger sa vie."

L'article 3 édicte:

"Aucun soignant n'est coupable d'une infraction prévue par le Code criminel du seul fait qu'il s'abstient d'administrer ou qu'il interrompt un traitement de survie à la demande d'un patient qui a demandé....que le traitement ne soit pas administré ou soit interrompu."

L'article 3 prévoit en outre:

"Lorsqu'une personne est incapable de faire une demande (d'abstention ou d'interruption de traitement), ou ne l'a pas faite alors qu'elle était compétente, une demande substitutive peut être soumise par.... un représentant légal ayant le pouvoir de prendre la décision médicale au nom de la personne ou...par son conjoint, son compagnon ou un parent intimement lié au malade.

"Lorsqu'une personne est incapable de faire une demande (d'abstention ou d'interruption de traitement), ou ne l'a pas faite alors qu'elle était compétente, une demande substitutive peut être soumise par.... un représentant légal ayant le pouvoir de prendre la décision médicale au nom de la personne ou...par son conjoint, son compagnon ou un parent intimement lié au malade. Selon la loi actuelle, toutes ces mesures sont exemptées de toute poursuite criminelle. Toutefois, qu'un mandataire ait le pouvoir de décider l'abstention ou l'interruption d'un traitement de survie au nom d'un patient mentalement incapable de décider pour lui-même/elle-même, est une question qui exige des garanties particulières afin de respecter les principes énoncés par le juge McKenzie dans l'arrêt Dawson117 et dans les lois provinciales ou territoriales sur les décisions médicales.118 La loi régissant ces litiges est pratiquement identique à ce qu'elle deviendrait après la promulgation du projet de loi S-2.
L'une des caractéristiques du projet de loi S-2 qui pourrait constituer une nouvelle loi, est la définition du "traitement médical de survie" dans l'article 4. Cette définition inclut: "l'hydratation et l'alimentation artificielles". L'Euthanasie Prevention Coalition of Ontario a émis de sérieuses réserves à cet égard:

"Si le projet de loi S-2 est promulgué, l'article 4 pourrait provoquer l'inanition et la déshydratation intentionnelles des patients âgés, handicapés ou incapables (vulnérables) qui ne sont pas en phase terminale......On pourrait alors rétorquer que lorsque l'action de laisser une personne mourir de faim ou de la déshydrater jusqu'à la mort, même si elle est en phase terminale, devient une pratique acceptable, il serait préférable et plus humain d'achever le malade par injection."119

Le déterminant "alimentation et hydratation artificielles" exige une définition que le projet de loi ne donne pas. Les aliments et les liquides ingérés par un autre moyen que par voie buccale sont-ils considérés "artificiels"? La connotation, tout au moins conceptuelle, consisterait à qualifier les moyens extra-ordinaires d'hydratation et d'ingestion de nourriture de "non naturels (artificiels)" et par conséquent, d'interventions "médicales" pouvant et devant souvent ne pas être dispensées. Les fonctions humaines fondamentales, comme l'alimentation et la boisson, ne doivent pas être assimilées à des mesures uniquement envisagées en cas de blessure ou de maladie.
L'alimentation et la boisson sont des activités quotidiennes de l'existence et, dans la plus grande mesure possible, devraient continuer à l'être jusqu'au décès. Elles ne devraient pas être interrompues dans le but de provoquer la mort.
L'article 6 du projet de loi S-2 prévoit que le ministre fédéral de la Santé encouragera, "en consultation avec les autorités provinciales et les associations de professionnels de la santé," "l'établissement de lignes directrices nationales sur l'abstention et l'interruption du traitement de survie, le traitement de la douleur et les soins palliatifs". Si de telles "lignes directrices nationales" sont élaborées, la question des mesures de sauvegarde pour les personnes vulnérables doit alors devenir une priorité.
Le "Aid-in-Dying/Euthanasie Act"120, proposé par Russel Ogden, vise à établir un système qui servirait de dérivation sécuritaire aux médecins vis-à vis des interdictions actuelles du Code criminel, y compris celles interdisant l'aide au suicide et l'euthanasie volontaire active. La loi proposée par Ogden inclut une caractéristique fondamentale: la création de "Commissions d'aide à la mort", dont les membres seraient nommés par les ministres provinciaux et territoriaux de la santé et représenteraient une gamme "d'acquis professionnels multi-disciplinaires." Selon Ogden, les critères de sélection "devraient être basés sur des principes d'éthique, de libéralisme et de libertarianisme civil."121 D'autre part, les "critères de sélection" appliqués par les Commissions pour approuver les demandes d'aide à la mort ne sont pas précisés. Or, des organes dotés d'une telle autorité quasi-judiciaire sur des questions aussi importantes que la vie et la mort, devraient certainement se conformer à et appliquer des normes prescrites par la loi.
Les personnes requérant de l'aide à la mort (ou leurs mandataires) soumettraient à la Commission une "demande d'aide à la mort" avec l'aide d'un "Conseiller à l'aide à la mort". De tels conseillers seraient spécialement formés et guideraient les requérants à l'aide d'un programme intensif d'apprentissage et d'auto-examen, tout en effectuant leur propre évaluation de la capacité mentale du requérant et en essayant de détecter toute dépression guérissable chez la personne. Ils soumettraient ensuite, à la Commission, des recommandations vis-à-vis de la demande. La Commission émettrait (ou refuserait d'émettre) un Permis d'aide à la mort qui serait valide pendant trois mois. En cas de refus de la Commission, le requérant aurait le droit d'en appeler directement au ministre de la Santé. L'aide au mourir serait "sous la supervision d'un médecin praticien qualifié" mais l'administration réelle de la substance létale pour être effectuée ou aidée par un adulte. Après le décès du requérant, un rapport serait soumis à la Commission de l'aide à la mort et au bureau du coroner.122
Dans son projet de loi, Ogden définit un "mandataire" comme "un délégué" nommé par un patient pour prendre des décisions médicales, incluant l'euthanasie (ce que nous soulignons). Il semble que la soumission de demande d'aide à la mort ne pourrait relever d'un mandataire légalement nommé ou de parents d'une personne n'ayant pas la capacité mentale requise pour décider d'abréger sa vie. Au moins, au titre de ce modèle, l'euthanasie ne serait pas limitée à ceux qui la demandent activement ou la planifient.
Ogden énonce une liste de "mesures de sauvegarde", d'après lui intégrées dans son texte de loi:

La participation volontaire du patient et de ses médecins, les Commissions d'aide à la mort, le counselling relatif à la prise de décision et aux autres possibilités de traitement, l'évaluation de la capacité de prendre des décisions médicales dûment informées, des permis d'aide à la mort limités dans le temps, des restrictions quant aux personnes pouvant demander l'euthanasie au nom des patients, la supervision médicale des procédures d'aide à la mort, un tiers indépendant témoin de la procédure de demande, des examens par le ministre de la Santé123.

Ogden semble avoir oublié une mesure de sauvegarde: celle d'inclure des porte-parole des personnes vulnérables dans ses "Commissions d'aide à la mort". Nommer des personnes représentant "des acquis professionnels multi-disciplinaires....en se basant sur des principes d'éthique, de libéralisme et de libertarianisme civil" pourrait perpétuer un préjugé à l'égard des personnes handicapées, à moins que leurs voix soient constamment entendues dans les discussions visant à déterminer, sur sa valeur faciale, la pertinence ou non de l'accord de l'aide à la mort. Tel que noté plus avant, le professeur Kluge a évité de faire la même erreur.124

VII. CHANGEMENTS LÉGISLATIFS À L'ÉTRANGER

A. Litiges aux États-Unis

À la fin des années 1980 aux États-Unis, une série de causes initiées par des personnes handicapées voulant obtenir de l'aide à la mort par l'interruption du traitement de survie, ont attiré l'attention du public.125 Ces cas peuvent être catégorisés comme des cas "d'euthanasie passive". Comme nous l'avons vu dans le contexte canadien, le patient a le droit de refuser le traitement même si ce refus doit de toute évidence accélérer sa mort. Ces causes américaines avaient un dénominateur commun: les personnes voulaient mourir parce qu'elles estimaient que leur incapacité dégradait leur qualité de vie. Les tribunaux avaient tendance à ignorer la preuve selon laquelle les requérants étaient victimes du fait que la société n'avait pas été capable de fournir les soutiens requis pour mener une vie valable. Dans le cas McAfee, et malgré le jugement favorable du tribunal, les activistes du mouvement des personnes handicapées ont pu aider le requérant à découvrir qu'il pourrait mener sa vie sans la dépendance et la stigmatisation qui l'avaient conduit rechercher la mort. Cette série d'arrêts laisse dans son sillage un message important, à savoir que la société doit accorder autant d'importance à la prévention du suicide chez les personnes handicapées qu'elle en accorde aux personnes non handicapées.
En 1997, deux causes contestant la constitutionnalité de la loi interdisant l'aide médicale au suicide, se sont retrouvées devant la Cour suprême des États-Unis.126 Ces deux causes émanaient des États de Washington et de New York. Dans les deux cas, les cours d'appel respectives avaient cassé l'interdiction. Dans les deux cas, et à l'unanimité, la Cour suprême des États-Unis l'a maintenu.
La cause de Washington était basée sur la "Due Process Clause" (clause de recours) du quatorzième amendement de la Constitution américaine. Les quatre médecins qui avaient porté plainte contre l'État soutenaient que cette clause protégeait la liberté des citoyens de contrôler l'heure et le moyen de leur mort. L'affaire de New York invoquait la clause de protection égale du quatorzième amendement. Là encore, un groupe de médecins affirmait que les patients capables désirant interrompre le traitement de survie, avaient le droit de le faire. Pourquoi n'autoriserait-on pas alors des patients analogues à s'administrer eux-mêmes des médicaments prescrits pour mettre fin à leurs jours? La Cour a débouté les arguments d'égalité et de liberté pour pratiquement les mêmes raisons. Ce maintien de l'interdiction de l'aide médicale au suicide prévue par les lois des États s'appuyait sur le fait que "depuis plus de sept cents ans (700), la common law anglo-américaine punissait, voire désapprouvait, l'aide au suicide."127
L'opinion de la Cour fut énoncée par le juge en chef Rehnquist qui écrivit:

"Puis, l'État veut protéger les groupes vulnérables - y compris les pauvres, les personnes âgées et les personnes handicapées - de tout abus, négligence ou erreur... Nous avons reconnu.... le véritable danger de la subtile coercition et de l'influence indue dans des situations de fin de vie."128

Le juge en chef Rehnquist s'est ensuite prévalu qu'un rapport du New York State Task Force et l'a ainsi cité:

"Légaliser l'aide médicale au suicide menacerait sérieusement de nombreuses personnes vulnérables et malades....Ce danger serait encore plus grand pour de nombreux individus de notre société dont l'autonomie et le bien-être sont déjà affectés par la pauvreté, le manque d'accès à des soins médicaux de qualité, l'âge avancé ou l'affiliation à un groupe social stigmatisé."129

Le juge en chef Rehnquist a ajouté:

"Dans ce cas-ci, la qualité d'agir de l'État va au-delà de la protection des personnes vulnérable contre toute coercition. Elle s'applique également à la protection des personnes handicapées et des malades en phase terminale contre tout préjudice, stéréotype négatif et erroné et toute indifférence sociétale....L'interdiction du suicide assisté prescrite par l'État traduit et renforce la politique édictant que la vie des malades en phase terminale, des personnes handicapées et des personnes âgées ne doit pas être dévalorisée par rapport à celle des personnes jeunes et en santé et que les pulsions suicidaires graves d'une personne handicapée doivent être analysées et traitées comme celles d'autrui.130

En d'autres mots, une politique de prévention du suicide, légalement appliquée, constitue une indispensable garantie contre tout glissement vers la facilitation du suicide des personnes dévalorisées.
La Cour suprême des États-Unis a atteint sa décision grâce à la puissante intervention, à titre d'Amici Curiae ("Amis de la Cour"), des organisations de revendication des personnes handicapées, Not Dead Yet et American Disabled for Attendant Programs Today (ADAPT). Les intervenant ont soutenu "qu'aucune mesure de sauvegarde ne peut être jugée apte à endiguer le torrent de discrimination qui se déverserait en cas d'abrogation de l'interdiction de l'aide au suicide." Mais ne limiter l'aide au suicide qu'aux patients en phase terminale ou aux personnes qui en font volontairement la demande, ne jugulera pas les abus exercés à l'égard des personnes handicapées, ont souligné les intervenants.131
Les intervenants ont soutenu:

Tant que la société traitera les personnes handicapées comme un fardeau inutile et coûteux, l'aide au suicide ne sera pas un choix volontaire. Ce sera un choix "forcé". Amici a été profondément bouleversé en constatant que cette société, qui refuse de promulguer un droit à des soins de santé adéquats et pertinents de survie, sanctionne un droit constitutionnel d'aide au suicide. Tant que la société ne s'engagera pas à fournir des mesures de soutien, y compris des services de soutiens personnels à domicile, des soins de santé et de l'aide technique....il n'y aura pas de choix volontaire....Sans l'engagement des professionnels à valoriser la vie des personnes handicapées, fondement de la prévention au suicide, les personnes handicapées ne bénéficieront pas des soutiens requis pour prendre des décisions volontaires et éclairées.132

Ce puissant plaidoyer pour la préservation des lois des États interdisant l'aide au suicide contient des mesures de sauvegarde qui doivent être instaurés en cas de modifications législatives, aux États Unis ou dans le monde. Certaines sauvegardes sont toutefois extrêmement difficiles à établir et à maintenir au fil des ans, notamment l'excellence dans les soins de santé et dans l'aide personnelle, universellement offerts aux personnes qui en ont besoin.
Soulignons que par un jugement unanime, la Cour suprême des États-Unis n'a confirmé dans l'affaire Glucksberg v. Vacco que la validité de la constitutionnalité des lois des États interdisant l'aide au suicide. Malgré une contestation constitutionnelle des opposants à l'aide au suicide, la Cour ne s'est pas prononcée sur la validité du Death with Dignity Act, acte législatif de l'Oregon autorisant les médecins à aider leurs patients à abréger leur vie. La Cour suprême a débouté cette pétition demandant un examen de la constitutionnalité de la loi.133
La District Court des États-Unis a statué que le Death with Dignity Act, la première et unique loi d'un État autorisant légalement l'aide médicale au suicide, avait violé la clause de protection égale puisque les mesures de sauvegarde n'arrivaient pas à protéger les droits des patients en phase terminale pouvant demander de l'aide au mourir. La Ninth Court of Appeals a renversé ce jugement après avoir constaté que les plaignants n'avaient pas la capacité juridique de contester l'acte législatif, puisqu'ils n'avaient pas réussi à prouver le risque de danger imminent et que leur plainte n'était en fait qu'une "série d'éventualités spéculatives".134 La Cour suprême a rejeté le pourvoi en appel de ce jugement, pourvoi basé sur une question de procédure, à savoir la qualité du plaignant de contester la loi et non sur une question de fond: la constitutionnalité du Death with Dignity Act.
Il est également important de noter qu'aucune de ces deux affaires estées auprès de la Cour suprême des États-Unis n'impliquait une poursuite au criminel contre un médecin ayant aidé un patient à abréger ses jours, (comme le Dr. Jack Kevorkian). À l'instar de l'affaire Rodriguez, les tribunaux devaient se prononcer sur l'obligation de conformité aux interdictions réglementaires sur l'aide au suicide.
Dans son jugement concordant, le juge O'Connor a confirmé la validité des lois des États de New York et de Washington, anticipant que certains États suivraient l'exemple de l'Oregon et que les préoccupations conflictuelles sur, d'une part, le soulagement des douloureuses souffrances de fin de vie et, d'autre part, la protection de la vie et du bien-être des personnes vulnérables, s'apaiseraient d'elles-mêmes:

"Il n'y a aucune raison de penser que le processus démocratique ne pondérera pas adéquatement les intérêts des personnes en phase terminale, mentalement incapables, cherchant à mettre fin à leurs souffrances et les intérêts de l'État visant la protection des personnes qui, sous la pression ou par erreur, veulent abréger leur vie....La tâche exigeante d'établir des procédures adéquates pour sauvegarder....le principe de liberté, est confiée au creuset américain."135

De plus, tel que souligné par Larry Gostin, la Cour suprême des États-Unis a clarifié, dans les affaires Glucksberg et Vacco qu'un "médecin pouvait entreprendre des mesures agressives de soulagement de la douleur, sachant qu'elles provoqueraient probablement la mort du patient"136. Ce principe a également été énoncé par le juge O'Connor: "Aucune interdiction judiciaire n'empêche un patient en phase terminale et éprouvant d'intolérables douleurs d'obtenir des médicaments un médecin qualifié, même si ces médicaments risquent de provoquer l'inconscience ou accélérer la mort".137
Dans un plus récent arrêt, un tribunal d'État s'est conformé au refus de la Cour suprême d'invalider les lois interdisant l'aide au suicide. Cette affaire était basée sur le droit précis à la protection de la vie privé, enchâssé dans la Constitution de l'État de l'Alaska. Le juge Eric Sanders a estimé que l'obligation de l'État de garantir "la préservation de la vie humaine et la protection des personnes vulnérables avait préséance sur le droit de toute personne de décider d'abréger ses jours".138 S'il existe un droit à la vie privée, a ajouté le juge Sanders, ce droit doit être cassé lorsqu'un intérêt public plus exigeant est en jeu:

"....L'un des éléments d'une question privée est justement son caractère privé, à savoir qu'il n'affecte personne d'autre que l'acteur et que, par conséquent, ce n'est pas l'affaire d'autrui. Mais toute question affectant le public, directement ou indirectement, perd son caractère privé et peut être forcée à céder la place lorsqu'un besoin public est prouvé......L'interdiction de l'aide au suicide promulguée par l'État traduit et renforce sa politique édictant que la vie des personnes handicapées et des personnes âgées en phase terminale ne doit pas être jugée comme ayant moins de valeur que celle des personnes jeunes et saines et que les sérieuses pulsions suicidaires d'une personne handicapée doivent être endiguées et traitées comme celles d'autrui." 139

Nous nous tournons à présent vers un État américain, l'Oregon, qui a adopté une loi visant à faciliter l'aide médicale au suicide.

B. Le Death with Dignity Act de l'Oregon

En novembre 1994, suite à une "initiative des citoyens", l'État de l'Oregon a promulgué le Death with Dignity Act.140 Cette initiative a été votée au scrutin et adoptée avec étroite marge, à savoir 51% pour et 49% contre. Son adoption a été suivie de longues contestations judiciaires de sa validité, y compris d'une pétition rejetée par la Cour suprême des États-Unis. La loi l'a finalement emporté sur les obstacles judiciaires et est entrée en vigueur le 27 octobre 1997. Le mois suivant, le scrutin confirmant la législation a été esté. Mais le jugement a été adopté à 60% contre 40%.141
Le Death with Dignity Act "autorise les résidents de l'Oregon en phase terminale à obtenir de leurs médecins des médicaments létaux et à se les administrer".142 La Loi précise que le fait de mettre fin à ses jours conformément à la loi "ne doit, en aucun cas, constituer un suicide, une aide au suicide, un meurtre par compassion ou un homicide au titre de la loi".143 Quiconque veut se prévaloir des dispositions de la Loi, doit être âgé d'au moins dix huit(18) ans, "capable"...."souffrant d'une maladie fatale, confirmée par le médecin traitant et un médecin consultant et avoir volontairement exprimé sa volonté de mourir". "Une maladie fatale" est définie comme "une maladie incurable et irréversible qui a été médicalement confirmée et qui, selon le jugement raisonnable du médecin, entraînera la mort dans les six(6) mois."144 Le requérant doit "soumettre une demande écrite de médicament visant à mettre fin à ses jours d'une manière digne et humaine, conformément à cette Loi".145
The written request must be witnessed by two persons, one of whom must be neither a relative of the patient, a beneficiary of the patient's estate, nor have any connection with the health care facility where the patient resides or is being treated. The patient's attending physician cannot be a witness, but those who are living in a "long term care facility" must have their request witnessed by "an individual designated by the facility".146
L'article 3 du Death with Dignity Act s'intitule "Safeguards". De telles mesures de sauvegarde précisent les responsabilités du médecin traitant et du médecin consultant. Le médecin traitant doit déterminer si "le patient a une maladie fatale, est capable et a soumis volontairement sa requête".147 L'article 3.01 stipule en outre que le médecin traitant doit s'assurer que le patient est dûment avisé de son diagnostic, pronostic, du danger éventuel et du résultat probable l'ingestion du médicament létal, des "solutions alternatives incluant, sans s'y limiter, les soins de confort, les soins palliatifs et le traitement de la douleur". Le médecin traitant doit également référer le patient à un "médecin consultant" et "si approprié, à un conseiller". La Loi prévoit qu'il est non seulement approprié mais obligatoire de référer le patient à un conseiller si le médecin estime que son état mental peut affecter sa capacité de prendre une décision raisonnable et raisonnée relativement à sa demande d'aide à la mort. Le conseiller devra déterminer "si le patient souffre de troubles psychiatriques ou psychologiques ou de dépression altérant son jugement".148
La demande de médicament visant à mettre fin aux jours du patient doit être faite verbalement puis par écrit, puis verbalement à nouveau avant que soit rédigée la prescription de médicament létal, laquelle doit être effectuée au moins quinze jours après la demande verbale initiale. Le médecin traitant doit aviser le patient que sa requête peut être annulée en tout temps. Il doit plus particulièrement le conscientiser à son droit de changer d'avis à la fin de la période d'attente de quinze jour, juste avant que ne soit rédigée la prescription. Une période d'attente de quarante huit (48) heures est également imposée à partir du moment de la signature de la demande écrite, au cas où cette période de 48 heures ne tomberait pas dans la période d'attente de quinze jours. Le médecin traitant doit également demander au patient d'aviser sa famille de son intention de demander de l'aide au mourir, mais le patient n'est pas obligé de le faire.149
Plusieurs autres responsabilités incombent également au médecin traitant en ce qui a trait au maintien du dossier médical du patient et à la soumission de documents au State Registrar, Center for Health Statistics, Oregon Health Division. La documentation dûment remplie doit être envoyée à la Division de la santé dans les "sept jours ouvrables" suivant la rédaction de la prescription du médicament létal.150
Aux fins de la présente Loi, la Health Division n'a pas tenté de s'assurer que les renseignements soient soumis après la rédaction de la prescription ni que le patient soit décédé. De plus, le médecin propharmacien ou le pharmacien "doit soumettre une copie du dossier pharmacologique", soit par courrier postal, soit par courriel.151 Les "mesures de sauvegarde" précisées dans la Loi sont en fait totalement privées avant le fait et ne peuvent faire l'objet d'un examen public après le fait.152
L'article 3.11 du Death with Dignity Act impose à l'Oregon Health Division, l'obligation d'entreprendre un examen annuel "d'un échantillon des dossiers maintenus en vertu de la Loi" et de publier un "rapport statistique annuel des renseignements colligés au titre de la Loi"153. Au moment de la rédaction de ce rapport, ces rapports statistiques étaient disponibles pour les deux premières années de la mise en vigueur de la Loi. En 1998, 24 prescriptions de doses létales avaient été rédigées et seize(16) personnes avaient vraiment ingéré les médicaments pour mettre fin à leur vie.154 En 1999, 33 prescriptions de doses létales avaient été rédigées et 27 patients étaient morts après avoir absorbé ces médicaments. Le nombre de prescriptions de médicaments létaux a augmenté jusqu'à 39 en l'an 2000 et jusqu'à 44 en 2001. Mais le nombre de patients décédés suite à l'absorption des drogues s'est stabilisé à 27 en l'an 2000 puis a chuté à 21 en l'an 2001.155 En 1998 en Oregon, six (6) décès sur 10 000 étaient des décès médicament assistés. En 1999, ce nombre était de neuf (9) sur 10 000.156
Comparativement au nombre de personnes décédant dans de semblables conditions médicales sous-jacentes, les suicides assistés représentaient trente neuf (39) des 10 000 décès par cancer en 1999, soit pratiquement le double des vingt (20) décès sur 10 000 décès par cancer comptabilisés en 1998. Ces chiffres sont relativement peu élevés. L'Oregon a une population de trois millions de personnes. Donc, pour le Canada, on pourrait prévoir un nombre dix plus élevé.
Le deuxième rapport annuel de la mise en vigueur du Death with Dignity Act157 fournit un certain profil des personnes qui, au cours des deux années de mise en vigueur, ont demandé et reçu de l'aide pour mettre fin à leurs jours. Ces patients sont en moyenne âgés de soixante dix (70) ans. "Plus l'éducation est élevée, plus la probabilité de la participation s'accroît".158 Moins d'une personne sur trois (31%) a obtenu la prescription de dose létale du premier médecin auquel elle l'a demandée. Les entrevues de suivi avec les médecins prescripteurs et les membres survivants de la famille ont révélé que les raisons de la volonté de mourir étaient multiples. La plupart des patients invoquaient la "perte de contrôle des fonctions corporelles", la "perte d'autonomie" et la "souffrance physique". Mais les membres de la famille ont rapporté que quarante pour cent (40%) des patients ayant invoqué la douleur, ne souffraient pas réellement lorsqu'ils ont commencé à parler de l'aide médicale au suicide.159
En Oregon, trente et une personnes (72%) qui, au cours des deux premières années de l'application de la Death with Dignity Act, ont bénéficié de l'aide médicale au suicide, souffraient de cancer. Les autres avaient soient une bronchopneumopathie chronique obstructive (5), une sclérose latérale amyotrophique (4) ou l'une des trois catégories de maladies affectant seulement un patient. Le Sida était l'une d'entre elles.160 Il semble surprenant qu'il n'y ait eu en deux ans, dans un État de plus de trois millions d'habitants, qu'un seul sidéen qui se soit judiciairement prévalu de l'aide médicale au suicide. Quinze des patients (35%) s'étant suicidé avec l'aide d'un médecin, avaient été référés à un conseiller pour une évaluation psychiatrique. Étant donné que ces rapports ne sont soumis que lorsque le patient a réellement abrégé ses jours avec un médicament létal, nous ignorons combien de personnes référées ont été jugées incapables de décider de leur propre mort car leur "jugement était altéré" par "un trouble psychiatrique ou psychologique".161
Les seuls indicateurs d'incapacité chez les patients décédés en 1998 et 1999, sont les rapports "mobilité avant la mort" des médecins. Seuls onze patients (26%) avaient une "bonne" mobilité. Chez les autres, cette mobilité était soit "faible" (40%) soit "nulle" (33%).162 On pourrait ajouter à ces patients tous ceux qui ont abrégé leur vie à cause, selon leurs médecins, "de leur capacité décroissante de participer aux activités qui agrémentent la vie" (77%) ou à cause de "la perte de contrôle de leurs fonctions corporelles" (58%).163
Malgré le paragraphe distinctement libellé "Safeguards", le Death with Dignity Act de l'Oregon laisse essentiellement toute la responsabilité aux patients, à deux médecins et à deux témoins. Ce sont les seules personnes qui doivent s'estimer satisfaites de l'observation et de la conformité des critères stipulés dans la Loi (maladie mentale, capacité mentale du patient et volontariat de la décision). Les médecins prescrivant des doses létales de médicaments doivent, en vertu de la Loi, soumettre des rapports. Mais aucune pénalité n'est imposée à ceux qui s'en abstiennent.
La Loi présume, se serait-ce qu'en répétant au moins dix-huit fois la formule dans six paragraphes, qu'elle a pour objet et effet de permettre aux patients "de mettre fin à leur jour d'une manière digne et humaine".164 La principale source de préoccupation dérive du fait que ce critère doit être observé au détriment de la conformité de normes visant à garantir l'absence de tout abus de l'autorité législative. Étant donné le système de promulgation des lois en Oregon, qui se traduit par le vote "d'une initiative des citoyens" lors d'élections, des mots comme "humain et digne" attirent, de toute évidence, le vote des électeurs.
La procédure de référence au "counselling" visant à diagnostiquer un éventuel "jugement altéré", exclut pratiquement les personnes vulnérables de toute admissibilité à l'aide à la mort (surtout si leur incapacité est de nature mentale). Cette procédure ajoute, dans certains cas, une autre personne au petit groupe privé chargé d'établir le droit du patient à la cessation de vie par médicament létal.
Selon Herbert Hendin, auteur du livre paru en 1998 "Seduced by Death: Doctors, Patients and Assisted Suicide",165 "dans plus de la moitié des 142 cas de l'Oregon où les médecins ont fourni des informations sur les interventions, y compris 18 des 29 cas où les patients ont reçu des prescriptions de doses létales de médicaments....il n'y a eu aucune intervention palliative".166 Hendin ajoute "Bien que deux-tiers des patients demandant de l'aide au suicide aient manifesté des signes de dépression, les médecins n'en ont rapporté que vingt pour cent (20%) ayant des symptômes de dépression."167 Barry Rosenfeld s'est également inquiété du fait "qu'il est impossible de savoir dans quelle mesure ces demandes (d'aide au suicide) sont provoquées par la dépression, qui dans la plupart des cas est traitable"168.
Ces évaluations critiques de l'expérience de l'Oregon ont été effectuées suite à un rapport favorable de l'application de la Loi, publié par Ganzini et al.,169 dans le New England Journal of Medecine. En réponse à l'accusation de Hendin, affirmant que des soins palliatifs n'avaient pas été offerts à la majorité des patients ayant demandé et obtenu l'aide à la mort, Mme Ganzini et ses collègues ont affirmé: "19 des 29 patients (en question).....avaient reçu des services de soins palliatifs intégrés, avant ou après leur demande, au titre d'un programme de soins palliatifs.170 Elles ont également reconnu que "les patients ayant bénéficié d'interventions de soins palliatifs étaient plus enclins que les autres, n'ayant pas obtenu de tels soins, à changer d'avis sur l'aide au suicide."171
Ganzini et al., ont admis que "l'importance du rôle de la dépression dans les demandes d'aide légalisée au suicide exigeait un examen plus poussé." Mais dans leurs conclusions, elles ont défendu davantage les pratiques de l'Oregon depuis la promulgation du Death with Dignity Act:

"Nos données n'appuient pas l'hypothèse stipulant que parmi les patients admissibles à l'aide au suicide....un groupe disproportionné de personnes vulnérables, incluant des patients ayant une déficience mentale, aient demandé de l'aide au suicide ou ait reçu des prescriptions létales au lieu de soins palliatifs".172

Est-ce que de telles assurances passeront le test du temps? Cela reste à voir. Dans la mesure où elles sont actuellement fiables, elles peuvent être basées sur une répugnance préalable à encourager le recours à l'aide au suicide plutôt que sur des mesures de sauvegarde intégrées lesquelles, nous l'avons constaté, sont minimes. L'expérience de l'Oregon continue à susciter une énorme controverse à travers les États-Unis.

C. Federal Pain relief Promotion Bill des États-Unis

Le 27 octobre 1999, la Chambre des représentants des États-Unis a adopté (principalement avec l'appui des Républicains), un projet de loi interdisant l'utilisation des médicaments nationalement réglementés, susceptibles de provoquer la mort.173 L'objet du projet de loi, qui se compose principalement de modifications au Controlled Substances Act et autres lois fédérales, vise à "encourager la gestion de la douleur et les soins palliatifs sans autoriser l'aide au suicide et l'euthanasie".174
La première modification opérationnelle du Pain relief Promotion Bill se lit:

"Aux fins de cette Loi et de tout règlement visant à appliquer la Loi, le soulagement de la douleur ou de l'inconfort dans le cours régulier de la pratique professionnelle est un objectif médical légitime pour dispenser, distribuer ou administrer une substance réglementée, conforme à la santé et la sécurité publiques et ce, même si l'utilisation d'une telle substance peut accroître le risque de cessation de vie. Rien dans cet article n'autorise la distribution ou l'administration intentionnelles d'une substance réglementée dans le but de provoquer la mort ou d'aider autrui à provoquer la mort".175

La deuxième partie du projet de loi prévoit une éducation accrue et des programmes de formation "sur l'utilisation légitime et nécessaire des substances réglementées pour le traitement de la douleur et les soins palliatifs ainsi que des mesures grâce auxquelles des enquêtes et des procédures de mise à exécution par des agents d'exécution de la Loi, accommoderont une telle utilisation."176 Des modifications sont également proposées au Public Health Service Act afin d'offrir des programmes intensifiés d'enseignement pour "la recherche et la qualité des soins palliatifs" ainsi que "pour l'éducation et la formation en soins palliatifs".177 Aux fins de la Loi, les soins palliatifs sont ainsi définis:

..."Par "soins palliatifs" on entend les soins complets et actifs des patients dont l'état médical ou la maladie ne réagit pas au traitement curatif ou dont le pronostic est limité par une maladie évolutive et avancée. Ces soins ont pour but de soulager la douleur et tout autre symptôme pénible et d'améliorer la qualité de vie et non d'accélérer ou repousser la mort".178

Dans les médias et lors du débat politique qu'il a provoqué, ce projet de loi est dépeint comme une tentative visant à rendre inopérant le Death with Dignity Act de l'Oregon. Pour les politiciens de l'Oregon et pour les autres opposants au projet de loi, il s'agit d'une grave ingérence du Congrès dans les droits de l'État et dans les droits des citoyens de déterminer l'heure et le moyen de leur mort.
Le 27 avril 2000, le Comité judiciaire sénatorial des États-Unis a approuvé ce projet de loi par un vote de dix(10) à huit(8).179
Mais à cause des tactiques de procédure et du changement du gouvernement américain, suite aux élections présidentielles de l'an 2000, ce projet de loi n'a jamais été voté au Sénat.
Puisque Janet Reno, Procureur général du gouvernement Clinton avait précisément ordonné que les autorités fédérales n'interfèrent pas dans la mise en vigueur de la Loi de l'Oregon, le nouveau Procureur général, John Ashcroft, a stipulé dans une note de service que l'utilisation des substances réglementées pour l'aide médicale au suicide, n'avait pas un but médical légitimé et, par conséquent, était interdite. Tout médecin prescrivant des drogues létales à cette fin serait privé de son droit de prescrire tout médicament réglementé au titre du Controlled Substances Act. Ceci aurait eu pour effet d'invalider le Death with Dignity Act de l'Oregon, mais la District Court des États-Unis a émis une injection interdisant la mise en vigueur de la décision Ashcroft. Un pourvoi en appel de cette injection a été interjeté à la fin de l'année 2002.180
Quelle que soit la perception des partisans et des opposants, le Pain relief Promotion Bill contenait un élément positif, à savoir qu'il aurait accru la volonté et la capacité du corps médical de répondre aux besoins de fin de vie des patients en matière de traitement de la souffrance et du stress et ce, sans les forcer à quitter prématurément cette terre. Les opposants ont affirmé que les dispositions d'accroissement des soins palliatifs auraient été plus qu'occultées par l'effet paralysant que le projet de loi aurait suscité chez les médecins, inquiets du risque de judiciarisation encouru pour contribution illicite à la mort de leurs patients par administration de surdoses d'analgésiques.

D. Lois et pratiques aux Pays-Bas

Depuis de nombreuses années, les Pays-Bas sont, et demeurent encore aujourd'hui, le seul pays au monde à autoriser l'aide médicale à la mort. Un projet de loi modifiant le droit criminel déposé en août 1999 et finalement adopté en avril 2001, donne pleine légitimité aux pratiques de "cessation de vie sur demande" (c'est-à-dire l'euthanasie volontaire) et "d'aide au suicide" qui ont été tolérées par les tribunaux et les procureurs depuis vingt ans environ. La modification au Code criminel des Pays-Bas, référée comme le "Bill for 'review cases of termination of life on request and assistance with suicide'",181 ne dépénalise pas strictement l'euthanasie et l'aide au suicide mais légifère plutôt qu'il a été d'usage de ne pas judiciariser les personnes ayant commis de tels actes, à condition que les critères prescrits aient été observés. Ces actes demeurent punissables sauf si "certains critères de diligence raisonnable ont été observés" et que le médecin responsable en avise le coroner municipal.182
Les "critères de diligence raisonnable", eux-mêmes imposés dans "une loi distincte, appelée le Termination of Life on request and Assistance with Suicide (Review) Act" sont les suivants:

Le médecin doit:

  1. être convaincu que la demande émanant du patient était volontaire, réfléchie et persistante;
  2. être convaincu que le patient avait des douleurs intolérables et implacables;
  3. avoir avisé le patient quant à son état médical et au pronostic;
  4. avoir fermement conclu avec le patient qu'il n'existe aucun autre traitement possible dans son cas;
  5. avoir consulté au moins un autre médecin indépendant qui a examiné le patient et a émis un jugement quant aux exigences de diligence raisonnable, stipulées aux points a. à d. ci-dessus;
  6. avoir effectué la cessation de vie de manière médicalement appropriée.183

Les deux premiers et les deux derniers critères sont essentiellement identiques à ceux en vigueur depuis une décennie au moins. Seules les clauses (a) et (d) ont été ajoutées par le Termination of Life on request and Assistance with Suicide (Review) Act. Aux Pays-Bas, l'aide médicale à la mort n'a jamais été limitée aux personnes en phase terminale et ce critère est, de toute évidence, absent de la liste ci-dessus.
"Cinq comités de révision régionaux" ont été créés pour déterminer si les critères de diligence raisonnable ont été observés. La nouvelle Loi modifie considérablement le rôle de ces comités. Ces comités devaient, auparavant, soumettre leurs résultats pour chaque cas, à la Division des procureurs publics. La nouvelle Loi ne les oblige à le faire que lorsqu'ils concluent que le critère de diligence raisonnable n'a pas été observé.184 Cette modification supprime une importante mesure de sauvegarde. La décision finale quant à l'éventuelle violation de la Loi ne relève plus désormais, dans la plupart des cas, de l'agence responsable de l'exécution de la loi.
La nouvelle loi hollandaise autorise également des enfants aussi jeunes que douze ans à demander à mourir. Selon la fiche documentaire du ministre de la Justice: "Dans le cas des enfants de 12 à 16 ans, le consentement des parents ou gardiens est requis. Mais en cas de refus d'un des deux parents ou du gardien, la requête d'un mineur peut être autorisée si le médecin est convaincu que cela préviendra tout grave préjudice envers l'enfant."185
Les médecins sont autorisés à agir d'après des directives préalables requérant l'aide médicale à la mort et connues comme les "déclarations d'euthanasie", "à moins qu'ils n'aient une bonne raison de ne pas s'y conformer".186
Aux Pays-Bas, l'évolution de la tolérance de l'aide médicale à la mort possède un long historique. Des sociétés d'euthanasie se sont créées au début des années 1970. En 1981, un tribunal de Rotterdam a édicté les conditions en vertu desquelles l'aide au suicide et l'administration de l'euthanasie volontaire ne seraient pas judiciarisées. Ces règlements furent confirmés par la Cour suprême des Pays-Bas en 1984. En 1990, une procédure de notification fut conjointement approuvée par la Royal Dutch Medical Association et le ministère de la Justice.187
De plus, en 1990, le gouvernement des Pays-Bas mit sur pied la Commission Rememlink, chargée d'enquêter sur les pratiques actuelles exercées par les médecins pour mettre fin à la vie de leurs patients. La Commission a soumis un rapport sur le nombre de tels décès avant 1990 - avant que le système de rapport obligatoire ne soit adopté. Pratiquement un décès sur cinq aux Pays-Bas était attribuable à une intervention médicale, bien que la plupart de ces décès aient été provoqués par des médicaments censés être administrés pour apaiser les souffrances. En outre, 17.5% de tous les décès étaient dus à l'interruption ou à l'abstention du traitement de survie.
L'euthanasie active avait provoqué plus de décès que l'aide au suicide. 2 190 décès, ou 1.7% de tous les décès survenus en Hollande en 1990, étaient dus à une injection létale requise par le patient. Par comparaison, 258 patients seulement, ou 0.2%, avaient opté pour l'aide au suicide. De plus, une injection létale avait été administrée à 1 030 personnes qui n'avaient pas demandé l'euthanasie.188 Le même nombre de patients s'étaient vus refuser le traitement de survie, sans que leur consentement ait été requis. Le Mennonite Brethren Herald souligna qu'en 1990, 2 150 patients hollandais, mentalement capable de prendre une décision de vie ou de mort, avaient eu leur vie abrégée par euthanasie active ou passive, sans avoir eu la possibilité de participer à la décision.189
Bien que la "souffrance implacable et intolérable" ait toujours été et continue à être l'une des conditions préalables requises pour l'euthanasie légalisée en Hollande, le rapport Remmelink de 1990 a révélé que dans six pour cent des cas seulement, les patients avaient indiqué la souffrance comme motif unique de leur demande d'aide au mourir et en fait, la douleur n'a été mentionnée que par 46% des patients ayant abrégé leur vie. Les motifs les plus usuels étaient: "la perte de dignité" (57%) suivie par "la mort dégradante" (46 %), "la dépendance envers les autres" (33%) et la "fatigue de la vie" (23%).190
Une étude de suivi, effectuée par la Commission Remmelink en 1995 après plusieurs années de mise en vigueur des règles de rapport obligatoire, a produit des résultats quasi analogues sauf que les cas d'euthanasie volontaire étaient passés de 1.7% à 2.4% de tous les décès survenus au pays. Cette augmentation représentait plus de mille personnes, ce qui s'avoisine au nombre de personnes recevant une injection létale sans l'avoir demandée.191
Le 10 octobre 1994, le Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a organisé une vidéoconférence avec plusieurs spécialistes médicaux des Pays-Bas192. L'un de ces spécialistes était le Dr. Gerrit Van Der Wal, inspecteur de la santé dans le nord de la Hollande. M. Van der Wal a déclaré au Comité sénatorial que les demandes d'euthanasie étaient environ trois fois plus nombreuses que les décès médicalement assistés. Il a également souligné:

....les cas dans lesquels un médecin a abrégé la vie d'un patient sans la requête explicite de ce dernier....étaient largement répandus. Ce fut le résultat le plus choquant de l'étude Van der Maas (Remmelink)...Cela serait survenu, estime-t-on, plus de 1 000 fois par an...Dans la plupart des cas, les patients n'étaient plus capables d'exprimer lucidement leur volonté.193

Ces divergences sont en effet saisissantes. Sur trois personnes demandant d'êtres tuées, deux ne le sont pas alors que plus de mille personnes sont tuées (par euthanasie) chaque année et ce, sans l'avoir demandé.
La Voluntary Euthanasia Society of Scotland, un groupe revendiquant la légalisation de l'euthanasie dans son pays, a récemment rapporté les incroyables faits suivants en ce qui a trait à la situation au Pays-Bas:

"Il est remarquable....que la majorité des actes d'euthanasie ne soient pas rapportés: selon les études officielles, 18% des cas seulement ont été rapportés en 1990 et 41% en 1995. Les décès non déclarés sont en général attribués, d'après le certificat de décès, à des causes naturelles."194

Dans un communiqué de presse conjoint, le ministre de la Justice et le ministre de la Santé, du Bien-être et des Sports des Pays-Bas, ont admis en 1997, que "plus de la moitié de tous les cas d'interventions médicales visant la cessation de vie ne sont pas déclarés."195 Ils ont ajouté: "le rigoureux examen social des mesures de cessation de vie s'est accentué." Il existe une curieuse incongruité entre ces deux déclarations. En gros, le communiqué de presse indique: "Dans quel pays autre que le nôtre, les questions d'euthanasie sont-elles si publiquement transparentes que l'on puisse en toute confiance avouer que la plupart de ses cas ne sont pas déclarés et ce, malgré l'obligation édictée par la Loi?" Ce point de vue a été quelque peu justifié par l'Australian Parlementary Library qui, dans un document de recherche publié à la même époque, a déclaré:

....Rien ne prouve vraiment que la fréquence de ce type de comportement soit plus élevée aux Pays-Bas que, par exemple, aux États-Unis. Ce qui est clair toutefois, c'est qu'elle est connue aux Pays-Bas.196

Le Dr. Gerrit Van Der Wal a apporté la même conclusion dans son témoignage auprès du Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, en 1994:

Puisqu'il est peu vraisemblable que les Pays-Bas soient un monde à part, la différence avec les autres pays comme le Canada par exemple, c'est la visibilité des pratiques médicales hollandaises. Nous soutenons néanmoins que la transparence et l'enquête cruciale constituent les ingrédients les plus importants de toute prévention contre une pente glissante.197

Des recherches ultérieures ont plus que confirmé cette évaluation de la situation prévalant dans au moins un pays où l'euthanasie est formellement interdire par la loi. Après avoir comparé les données recueillies en 1996 en Australie et en 1995 aux Pays-Bas, Khuse et ses collègues ont conclu:

Selon notre étude, le taux de cessation de vie intentionnelle par administration de médicament ou par abstention ou interruption du traitement de survie et ce, sans le consentement du patient, est plus élevé en Australie qu'aux Pays-Bas. Dans l'ensemble, 36.5% de tous les décès australiens impliquaient une intervention médicale visant partiellement ou explicitement à abréger la vie ou à ne pas la prolonger. Ce taux était de 19.5% aux Pays-Bas.... Si nous classifions tous les cas dans lesquels un médecin a intentionnellement abrégé la vie de ses patients comme des cas d'euthanasie, alors 30% des décès australiens (ou 37 000 décès) seraient des cas d'euthanasie. En 1995, ce taux s'élevait à 16.6% aux Pays-Bas.198

Nous devrions toutefois souligner que l'Australie n'est pas le meilleur exemple des pays où l'euthanasie est illicite. Mais ces données indiquent cependant que les Pays-Bas ne sont pas "un monde à part".
Dans son témoignage du 28 mars 2000 devant le Comité sénatorial visant à examiner les nouveaux faits survenus depuis le dépôt du rapport "De la vie et de la mort" en juin 1995, Russell Ogden fait allusion à l'ampleur des interventions visant à accélérer la mort, et ce même dans les pays où de telles pratiques sont illicites. Le professeur Ogden parle de "nouveaux faits survenus au sein du mouvement clandestin d'aide à la mort". Il les associe principalement à la collectivité des personnes atteintes du VIH-Sida:

"C'est un mouvement que j'ai baptisé "contre-culture de la mort", car ses membres estiment offrir des "services d'aide au mourir", de la même façon que les sages-femmes ou les médecins offrent des services d'accouchement. Cette "contre-culture de la mort" est organisée et très au point... Il est à peu près impossible de mettre fin à ce mouvement clandestin et il semble qu'il constitue une industrie en pleine croissance. Je n'ai pas de solutions à vous proposer à cet égard. Il s'agit d'une réaction entrepreneuriale aux obstacles à l'aide au suicide légalisée. C'est le résultat d'une interdiction. Cette caractéristique a déjà été constatée à maintes reprises dans d'autres comportements illicites. Si je le mentionne, c'est qu'il faut tenir compte des conséquences de la préséance du choix de l'interdiction de l'aide au suicide et de l'euthanasie volontaire sur les autres options comme la réglementation et le contrôle social.199

Si nous prenons pour hypothèse que quel que soit le pays d'origine, le même nombre de personnes subit à peu près la même chose et ce, que le pays ait légalisé ou non l'aide médicale à la mort, alors la discussion sur l'élaboration de mesures de sauvegarde contre les abus doit prendre un ton différent. L'éventualité d'une telle réalité doit, sans aucun doute, profondément consterner les personnes qui cherchent à prévenir le recours discriminatoire à l'aide médicale à la mort pour les personnes vulnérables. Que l'euthanasie soit largement et publiquement autorisée, comme c'est le cas aux Pays-Bas, ou qu'elle soit strictement interdite, notamment au Canada et aux États-Unis (sauf en Oregon), les règles semblent avoir été considérablement ignorées.

E. Le Rights of Terminally Ill Act, du Territoire du nord de l'Australie

Le 1er juillet 1996, le Rights of the Terminally Act a été promulgué dans le territoire du nord de l'Australie. Cette région devenait ainsi le premier pays au monde à supprimer officiellement les obstacles juridiques à l'euthanasie et au suicide assisté. En vertu de cette Loi, les médecins étaient autorisés à répondre à la demande de leurs patients "sains d'esprit" de les aider à abréger leur vie. L'article interprétatif de la Loi stipulait que "l'aide",

.....relative à la mort ou à la mort proposée, inclut la prescription d'une substance, la préparation d'une substance et l'apport d'une substance à un patient pour auto-administration, ainsi que l'administration d'une substance au patient.200

Les références à cette Loi sont au passé puisqu'un an après son adoption, elle a été déclarée nulle et non avenue par l'Australian National Senate.201
Tout en autorisant légalement l'aide médicale au suicide et l'euthanasie active, cette Loi incluait une longue liste de conditions à observer avant que le médecin soit certain d'être exempté de toute responsabilité criminelle ou civile ou de toute mesure disciplinaire professionnelle. Trois médecins devaient se prononcer sur la validité de la demande d'aide au mourir du patient. L'un d'entre eux pouvait être un médecin généraliste mais un autre devait être un "spécialiste du traitement de la maladie fatale dont souffrait le patient". Le troisième médecin devait être un psychiatre qualifié qui, dans chaque cas, devait confirmer que "le patient ne souffrait pas de dépression clinique traitable relativement à sa maladie"202 Deux "délais de réflexion" étaient imposés: l'un de sept jours à partir du moment où le patient avait verbalement formulé sa demande et qu'il soit autorisé à signer un certificat de demande d'aide au mourir et un autre de quarante huit heures après la signature du certificat et avant que la demande ne soit finalement exécutée.
Avec son Euthanasia Laws Act de 1997, l'Australian National Senate a non seulement annulé le Rights of the Terminally Act du territoire du nord mais s'est également assuré qu'aucune autre loi de ce genre ne soit jamais adoptée:

"Le pouvoir de l'Assemblée législative (du territoire du Nord) sur l'élaboration de lois, conféré par l'article 6 (du Northern Territory - Self-Government- Act de 1978), ne s'étend pas à la formulation de lois prévoyant ou ayant pour effet de prévoir (sous réserve ou non de conditions) toute forme de meurtre intentionnel d'autrui, appelé euthanasie (incluant le meurtre par compassion) ou l'aide apportée à une personne pour abréger ses jours.203

F. Autres lois proposées dans d'autres pays

Plusieurs autres pays ont pris des mesures pour initier le processus de promulgation de nouvelles lois qui légaliseraient l'aide médicale à la mort, sous diverses formes. Dans certains pays, les tribunaux ont édicté de telles procédures (notamment en Hollande) en dépénalisant les médecins ayant aidé des personnes à mourir ou ayant provoqué leur mort.204
Bien qu'il n'existe aucune différence importante entre les lois proposées dans des pays comme l'Afrique du sud et l'État de la Californie d'une part et le Territoire du nord de l'Australie d'autre part, certaines caractéristiques novatrices méritent d'être examinées. Nous nous pencherons également sur le "Model State Act to Authorize and Regulate Physician-Assisted Suicide", élaboré par une équipe de médecins, universitaires et avocats américains sous l'égide de la Hemlock Society.205
Dans un rapport publié en août 1999, la South African Law Commission propose trois options aux gouvernement.206 Maintenir l'interdiction actuelle du meurtre intentionnel, approuver l'aide à la mort demandée par des patients en phase terminale à leurs médecins et la création d'un "groupe multi-disciplinaire"...chargé d'examiner les demandes d'euthanasie en fonction d'un ensemble de critères"207. Une ébauche de projet de loi, qui sera connu comme le "End of Life Decisions Act" inclut des dispositions de mise en vigueur des deuxième et troisième options.
La Commission a adopté un ensemble de principes directeurs incluant l'applicabilité "dans des situations précises de l'interruption de tout traitement médical supplémentaire administré à des patients cliniquement morts" et "la prescription de médicaments suffisants pour soulager adéquatement les souffrances du patient, même si leurs effets secondaires risquent d'abréger la vie dudit patient". Les médecins praticiens doivent également être autorisés, selon la Commission, à se conformer à ces principes conformément aux directives préalables du patient ou "conformément à la volonté de la famille ou du mandataire légalement autorisé".208
Parmi les dispositions particulières de ce projet de loi, on retrouve: (1) une définition de la "maladie fatale" incluant la mort inévitable doublée d'une "extrême souffrance" et "un état végétatif persistant et irréversible qui n'entraînerait aucune existence valable pour le patient"; (2) l'administration d'analgésiques ou de sédatifs par un médecin ou une infirmière, sans aucune "intention de tuer" "jusqu'à ce que le soulagement soit obtenu, même si cette intervention a pour effet secondaire d'abréger la vie du patient"; (3) en vertu d'un ensemble de critères "le médecin praticien doit donner suite à la demande du patient (de cessation active de sa vie), par administration ou apport de médicaments ou de substance létale".209
Sous le titre "Euthanasie volontaire active", le projet de loi de la South African Law Commission offre aux législateurs, aux fins de considération, une autre version de l'article 5 en vertu de laquelle la décision d'effectuer l'euthanasie active devra être "approuvée par un comité d'éthique constitué à cette fin" et composé de deux médecins praticiens, d'un avocat, d'une personne parlant "la langue maternelle du patient", un membre de "l'équipe multi-disciplinaire" et un membre de la famille.210
Avant de décider de donner suite à une directive préalable risquant d'entraîner la mort du patient, le médecin devra tout d'abord être "convaincu que le patient concerné est atteint d'une maladie fatale et qu'il est par conséquent incapable de prendre ou de communiquer la décision envisagée relativement à son traitement ou à l'interruption du traitement" (ce que nous soulignons). Cette disposition est inusitée car en général, "une maladie fatale" n'altère pas la capacité d'une personne de "prendre ou de communiquer une décision envisagée" à moins, bien sûr, que le deuxième vecteur de la définition de "maladie fatale" fasse référence à la deuxième partie du point (1) sus-mentionné, à savoir un "état végétatif persistant et irréversible".
Le projet de loi "Assisted Suicide Act" a été élaboré avec le parrainage de la Voluntary Euthanasia Society of Scotland".211 Ce projet de loi est très court (trois articles et une Annexe de cinq paragraphes). Il édicte les exigences habituelles, à savoir que le patient doit soumettre en connaissance de cause une demande d'aide à la mort et qu'il est soit en phase terminale soit dans "une extrême souffrance physique ou mentale". Ce dernier critère doit être déterminé par deux médecins, dont l'un n'aura jamais participé au traitement du patient. La particularité de ce projet de loi réside dans son attention aux préoccupations typiques des avocats, à savoir de s'assurer que des "plaintes de négligence"....ou des composantes du droit en matière de contrats, tels que l'impact de l'aide médicale au suicide sur les polices d'assurance, soient prises en considération et traitées.212 Il s'agit de mesures de sauvegarde visant la responsabilité des médecins et les intérêts financiers de leurs héritiers et non pas les personnes vulnérables dont la mort risque de ne pas avoir été volontaire.
Les rédacteurs de la loi précisent qu'ils n'ont pas tenté d'identifier les mesures de sauvegarde, se basant sur le fait que "Tout Parlement désirera débattre des menus détails..... puisque ces particularités ne sont pas intégrées dans le Projet de loi initial". L'une de ses dispositions distinctes stipule que "lorsqu'un patient ne meurt pas suite à une intervention autorisée par cet acte législatif, un médecin praticien agréé sera obligé de l'aider à mettre fin à ses jours à moins que le patient soit capable et retire la demande".213 Ce qui traduit sombrement la règle de common law prévoyant qu'aucun médecin n'est tenu de donner de l'aide médicale d'urgence à autrui à moins qu'il/elle n'ait initié un tel traitement. Il est alors dans l'obligation de le poursuivre. Dans ce cas, le projet de loi promulgue la disposition que l'on pourrait appeler "si vous ne réussissez pas du premier coup". Il étend même ce pouvoir à tout "parent" du patient dont la volonté de mourir n'a pas été efficacement exécutée, lui donnant droit à ce parent "
de porter plainte au titre du droit de la responsabilité civile délictuelle, pour toute affliction que cela aurait pu provoquer"214.
Finalement, "A Model State Act to Authorize and Regulate Physician-Assisted Suicide" a été publié en 1996 dans la région de Boston par un groupe de médecins et professeurs de droit et de médecine, avec la participation de la Hemlock Society en faveur de l'euthanasie.215 La Loi proposée est axée sur "la maladie fatale" (décès probable dans les six mois) et sur les personnes atteintes d'une "maladie incurable et insoutenable", signifiant "un trouble corporel qui ne peut être guéri ou atténué avec succès et dont les douleurs sont telles que le patient préfère mourir".216
En vertu des dispositions du Model State Act, la demande d'aide à la mort du patient doit être un "choix raisonné basé sur une compréhension des renseignements fournis par le médecin responsable" et ne doit pas "résulter d'une déformation du jugement du patient"217 Ces exigences s'auto-neutraliseraient si les renseignements fournis par le médecin visaient à déformer le jugement du patient. La demande doit être "dégagée de toute influence indue d'autrui" et répétée deux fois. Ces deux demandes ne doivent pas "être auto-contradictoires" et doivent être espacées de quatorze jours. L'exécution de la requête sera effectuée dans les soixante douze (72) heures suivant le dépôt de la deuxième demande.218
L'article 4 du Model State Act ("Discussion avec le patient et documentation") vise à garantir que le médecin responsable aura fourni les renseignements requis permettant au patient de formuler un jugement équilibré. Ces renseignements portent, entre autres, sur "tous les soins médicaux" raisonnablement susceptibles d'être offerts au patient "afin de guérir ou d'atténuer la maladie ou d'en soulager les symptômes, y compris la douleur et tout autre inconfort" et "la possibilité de reconsidérer sa demande".219 La discussion au cours de laquelle le médecin fournit ces renseignements au patient doit se faire en présence de deux adultes, dont l'un doit n'avoir aucune relation avec le patient ni avec les personnes impliquées dans les soins du patient".220
Au titre de l'article 5 du Model State Act, un médecin autrement préparé à fournir au patient les moyens de mettre fin à ses jours doit tout d'abord obtenir par écrit (a) l'opinion d'un autre médecin quant au diagnostic de l'état du patient et (b) "l'opinion d'un psychiatre, psychologue clinique ou travailleur social en psychiatrie" que le jugement du patient est "raisonné", "dûment éclairé", "dégagé de toute influence indue" et n'est pas déformé "par une dépression clinique ou toute autre maladie mentale".221
Quand la requête est finalement exécutée et que les drogues létales ont été administrées au patient, le projet de loi proposé permettrait à toute personne qui estimerait que les exigences de la Loi ont été observées (et pas nécessairement le médecin), et "si le patient le demande", "d'être présente et d'apporter son aide au moment de l'application médicale des moyens de suicide, à condition que l'application réelle de tels moyens soit un acte physique connu, intentionnel et volontaire du patient. "222
Le Model State Act stipulerait qu'aucun médecin ni assureur de soins de santé "ne demanderait à autrui, comme condition d'admissibilité à des services, des avantages sociaux ou des assurances, de solliciter des mesures médicales de suicide." Comme la loi écossaise, l'Act déclarerait qu'en vertu de ses dispositions, "ne serait pas considéré comme un suicide, l'acte commis aux fins d'annulation de police d'assurance sur la vie du patient".223
Alors que le coût des services médicaux n'est pas une question préoccupante au Canada en raison du régime universel d'assurance-maladie, le spectre des coûts élevés de soins de fin de vie et du "rationnement" éventuel de tels services dû à leur rareté, prévaut néanmoins. Dans leur préambule, les rédacteurs du Model State Act ont carrément traité ce problème:

"Quelquefois, les traitements ou autres services seront quasiment impossibles car le patient n'aura pas les ressources suffisantes ou l'assurance maladie requise pour les payer. Il s'agit alors d'un douloureux problème d'éthique qu'affrontent les patients et les fournisseurs de soins de santé. Il serait d'une part, nettement erroné pour un patient d'envisager le suicide à cause de son incapacité d'obtenir des traitements ou des services susceptibles de soulager son état ou sa situation. D'autre part, si ce tort ne peut être redressé dans aucune condition, il est doublement erroné de nier à un patient l'aide médicale au suicide qu'il a sollicitée. Nous estimons que si la société échoue dans son obligation morale d'offrir des soins ou services appropriés à tous les citoyens, elle ne peut pour de justes raisons refuser à une personne d'être soulagée d'une condition qu'elle estime être devenue intolérable à cause de l'échec moral de la société.224

Cet argument voulant que la mort ne peut être refusée à tous ceux et celles qui ne peuvent se permettre des soins de santé appropriés, est aussi grotesque que l'infamante réponse de Marie Antoinette aux paysans français réclamant du pain "qu'ils mangent de la brioche". Ne serait-il n'est pas raisonnable de se demander pour quelle raison un "Model State Act" qui ne sera mis en vigueur qu'une fois débattu et voté, point par point, par les législateurs, n'intégrerait pas une disposition engageant l'État à payer les services médicaux (a) pour les patients qui en ont incapables et (b) sans lesquels le patient finirait par mourir après d'intenses souffrances? Ce postulat sous-jacent au "douloureux dilemme éthique" des rédacteurs du Model State Act est un symptôme de ce que le rédacteur du New England Journal of Medecine a récemment décrit comme "l'insanité" du régime de soins de santé américain.225 Afin de renforcer son argument contre la légalisation de l'aide au suicide, Scott Fitzgibbon a réduit ce soi-disant dilemme aux mots suivants: "s'ils sont tellement mal en point, ils peuvent toujours obtenir une aide médicale au suicide".226
"L'impossibilité" de traitement à cause d'un manque de ressources financières ou d'assurance, ou de toute autre motif, ou d'un mélange de toutes ces raisons, sera davantage invoqué pour les personnes handicapées que pour toute autre personne. L'évaluation stipulant qu'un type particulier de traitement de survie "est impossible" pour une personne handicapée tend à se répandre non pas à cause d'un manque d'argent mais plutôt parce que ledit traitement ne "guérira" pas la déficience/incapacité. Combinez ces deux facteurs et la pression forçant quelqu'une à choisir la cessation de vie devient alors intense.

VII. ANALYSE ET CONCLUSION

A. Enjeux, réalités, principes et mises en garde

Les questions inhérentes à la légalisation de l'aide médicale à la mort sont extrêmement complexes. Il semble évident que la légalisation des différentes pratiques visant à accélérer la mort provoquera d'elle-même d'inacceptables risques pour les personnes vulnérables à cause de leur incapacité. La question cruciale qui se pose est de savoir jusqu'où ces risques pourront seront réduits. Est-ce que ce la loi imposera des mesures de sauvegarde applicables à tous les cas, ou est-ce que des lignes directrices de pratique professionnelle seront instaurées afin d'établir les meilleurs résultats selon les faits précis inhérents à chaque cas particulier? Est-ce que ces deux approches - la générale et la particulière - peuvent être incorporées dans un système de réglementation?
L'étude précédente des règles relatives à l'aide médicale à la mort, existantes et proposées dans certains pays, révèle qu'avec un système minimal de sauvegardes imposées par la loi, plusieurs personnes vulnérables risquent de perdre leur vie ou leur autonomie personnelle, ou les deux, à cause de décisions de vie et de mort. Notons toutefois que nous ne trouvons pas, dans les rapports publiés, une claire documentation du nombre disproportionné de personnes handicapées ayant reçu de l'aide au mourir dans les pays où cette aide est légalisée. Les rapports des deux premières années de mise en vigueur de la Loi sur le suicide assisté de l'Oregon, indiquent que les trois quarts des personnes décédées dans de tel contexte, n'avaient que peu ou pas de mobilité. Les statistiques ne révèlent pas non plus combien de temps ces personnes ont vécu avec leur incapacité. De plus, trente cinq pour cent des personnes décédées en 1998 et 1999 avaient été référées à des psychiatres aux fins d'examen. Selon ces statistiques, le risque moyen qu'affrontent les personnes handicapées dans les pays où l'aide à la mort a été légalisée, est plus élevé qu'on ne le croit.
Malheureusement, selon les données publiées dans les pays où l'aide à la mort constitue une infraction (ce qui est une exigence anecdotique puisque aucun système de rapport ne peut exister sans un régime légalisé d'aide à la mort), le maintien de cette rigide interdiction laissera de nombreuses personnes dans une situation de vulnérabilité. En fait, l'aide à la mort sera peut-être davantage exercée, et souvent sans le consentement du patient, dans les pays interdisant une telle intervention que dans les pays la légalisant.227 En tant qu'organisme, le corps médical demeure plus ou moins résolument opposé à l'euthanasie et à l'aide au suicide.228 Mais à titre personnel, les médecins sont prêts à prendre des mesures nettement interdites par la loi et par la déontologie médicale et ce, que les règlements protègent rigoureusement ou non la vie humaine.
Pour des raisons professionnelles, morales, religieuses et/ou pratiques, et parce que les autres mesures de sauvegarde se sont révélées inefficaces, plusieurs personnes estiment que le maintien de la sempiternelle interdiction du meurtre intention constitue la seule mesure de sauvegarde valable.229 D'autres pensent, tout aussi catégoriquement, que la seule règle à imposer est l'intérêt des patients tel que leurs médecins et eux (les patients) le perçoivent. De telles perceptions ne sont certainement pas dégagées de toute déformation. À l'instar d'autres personnes dans des positions de pouvoir économique et social ou de prestige, de nombreux médecins ont tendance à comparer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies débilitantes ou d'autres déficiences, à la leur et à la juger inacceptable. La question qui n'est jamais posée mais dont la réponse fuse constamment est: "voudrais-je continuer à vivre si j'avais les mêmes caractéristiques de vie que ce patient?".230
Les patients sont également conditionnés à percevoir négativement leur vie, surtout quand on leur serine que c'est ainsi que la perçoivent les bien-pensants de notre société, habilités à déterminer les paramètres d'une "vie de qualité". Mais plusieurs faits nous prouvent que les personnes handicapées valorisent leur vie au même titre que les autres citoyens. D'autres personnes, notamment les fournisseurs de soins de santé, "sous-estiment constamment et radicalement la vie de leurs patients", comparativement à l'évaluation qu'en font lesdits patients.231 Toutefois, lorsque les personnes handicapées se retrouvent dans une situation (comme cela a du se passer maintes et maintes fois au cours de leur vie) où la "personne non handicapée" a pitié d'elles, exerce de la discrimination à leur égard ou se sent mal à l'aise en leur présence, leur perception de leur qualité de vie s'en trouve souvent amoindrie. Comme l'a écrit Gregor Wolbring: "Nous estimons que la majorité des désirs de cessation de vie émanent du manque de soutien et de compréhension de la société".232
La gamme actuelle des contrôles légaux de l'aide médicale à la mort s'étend de la traditionnelle interdiction absolue de toute mesure visant à accélérer la mort (autre qu'un refus valide de consentement au traitement) - telle qu'instaurée au Canada -, jusqu'aux approches permissives d'aide au mourir, législativement adoptées aux Pays-Bas et en Oregon et adoptées ailleurs par le biais d'une tolérance discrétionnaire. Dans ces pays, tant qu'il déclarera (et qu'un autre confirmera) avoir observé certaines normes afin que son intervention se conforme à la volonté manifestée par ses patients compétents, le médecin n'aura aucune raison de craindre une poursuite au criminel ou une mesure disciplinaire. De toute évidence, aux Pays-Bas tout au moins, les médecins libérés de telles craintes en arrivent à ignorer les exigences de rapports.
On doit ensuite se demander si, entre ces extrêmes, des critères et des procédures peuvent être intégrés, autorisant une aide à la mort doublée de mesures de sauvegarde contre les abus ou si la marge d'intervention n'est tout simplement qu'un abîme. Étant donné que ce document a pour but d'identifier les mesures de sauvegarde susceptibles d'être appliquées lorsque l'aide à la mort est légalement autorisée, c'est le terrain d'entente sujet à caution qui doit être surveillé. Ce faisant, nous devons nous rappeler que lorsqu'une mesure de sauvegarde dotée d'une apparence d'efficacité, sera identifiée, elle renforcera la position de ceux qui affirment que l'interdiction de l'aide à la mort est déraisonnable, désuète et doit être abandonnée.

B. Dans quelle société la légalisation de l'aide à la mort sera-t-elle sécuritaire?

Avant d'établir un système approprié de mesures de sauvegarde pour les pays où l'aide à la mort est autorisée, nous devons examiner plusieurs enjeux fondamentaux pour les personnes handicapées en particulier et les citoyens en général. Le plus critique pour les personnes handicapées est l'intensification d'une volonté politique garantissant l'efficacité et la suffisance des mesures de soutien et des garanties contre la discrimination afin d'éviter que la vie des personnes avec des déficiences ne devienne pas intolérable. Les partisans de l'aide à la mort légalisée brandissent constamment le slogan: "mort avec dignité". Ceux qui font campagne contre l'abus des lois permissives, éventuellement adoptées au Canada, doivent d'abord et avant tout obtenir des garanties pour une "vie avec dignité" de toutes les personnes ayant une incapacité, y compris les incapacités inhérentes à la vieillesse et aux maladies graves.
Dans les deux rapports émanant du Sénat canadien, l'importance de la qualité et de la disponibilité des soins palliatifs est nettement soulignée. Voilà encore un pré-requis évident lorsqu'on envisage sérieusement la légalisation de l'aide à la mort. Si seulement cinq pour cent des Canadiens bénéficient de soins palliatifs optimaux à l'heure de la mort233, est-il acceptable de légaliser l'aide à la mort? Certains affirmeront que le retrait de cette option serait abusif. Ce qu'ils impliquent alors, c'est que parmi les 95% restants, certains devraient avoir la possibilité de se prévaloir de la "solution", à savoir une rapide et indolore mort assistée. Si les abus doivent être évités, alors les 95% sont certainement les personnes dont la vie pendant l'agonie est encore une vie de qualité et de confort. Les soins palliatifs doivent également être discutés dans le contexte des critères visant à établir la pertinence de la demande d'aide à la mort. C'est, pour l'instant, une caractéristique essentielle d'une société qui prend soin de ses membres, jusqu'à la fin. Et seule une telle société peut garantir une possible sécurité lorsqu'elle envisage de légaliser l'aide à la mort.

C. Judiciarisation des fournisseurs de soins de santé

Les fournisseurs de santé qui violent la loi doivent en payer le prix. Cela doit être clarifié aussi nettement que possible, tout comme doit l'être l'essence de la "loi" et du "prix". Les cas discutés plus avant, dans lesquels les médecins avaient été accusés au criminel pour leurs interventions ayant provoqué la mort de leurs patients234 ont prouvé la très grande incertitude prévalant dans ce domaine ou le profond irrespect de la primauté du droit, ou les deux. En 1995 et en 2000, Le Sénat canadien et la Sénatrice Sharon Carstairs avec son projet de loi S-2 d'initiative parlementaire, ont souligné le manque de clarté de la loi en ce qui a trait à l'abstention ou l'interruption du traitement de survie ainsi qu'au niveau de l'administration d'analgésiques qui pourraient comme effet secondaire non intentionnel, abréger la vie du patient.
Bien que n'étant pas d'une pureté cristalline, les lois régissant ces questions sont certainement claires. Aucune de ces activités ne doit ou ne devrait engendrer de responsabilité criminelle si les médecins se conforment aux désirs avisés des patients et s'ils n'ont jamais l'intention d'infliger la mort par des moyens actifs, souvent auto-infligés. Mais si la latitude des fournisseurs de soins de santé est floue, un redressement de la situation s'impose. Si les patients sont sur-traités ou sous-traités parce que leurs médecins craignent une éventuelle judiciarisation ou une discipline professionnelle, des mesures doivent être prises pour clarifier la loi et/ou permettre aux personnes de mieux la comprendre.
Russel Ogden a déclaré au Sous-comité sénatorial chargé d'examiner les faits survenus depuis le dépôt du rapport, en 1995, du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et le suicide assisté, que l'instauration de "services d'euthanasie à huis clos"235 résultait de cette interdiction. M. Ogden aurait probablement étendu cette évaluation aux effets de toute politique "rigoureuse" visant les médecins.
Dans l'arrêt Genereux236, la Cour d'appel de l'Ontario a adopté une approche modérée en ce qui a trait à la condamnation d'un médecin ayant plaidé coupable d'avoir aidé deux de ses patients à se suicider. Il a été condamné à deux ans de prison. La Cour s'est inquiétée de l'effet préjudiciable que pourrait avoir une grave sentence sur la qualité des soins que des patients analogues recevraient à l'avenir de leurs médecins. On pourrait soutenir que si le Dr. Nancy Morrison avait été jugée pour meurtre au premier degré et reconnue coupable de la mort de son patient en phase terminale237, puis condamnée à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle pendant vingt cinq ans, d'autres médecins deviendraient extrêmement prudents et administreraient des doses plus faibles et non plus fortes d'analgésiques ou de sédatifs. L'imposition de sévères châtiments exécutoires ne dissuade pas adéquatement les médecins de tuer leurs patients; elle empêche surtout les procureurs de les accuser et les jury de les condamner.
Cela ne revient pas à dire que la solution revient à intégrer le soi-disant "homicide par compassion" ou meurtre au troisième degré dans le Code criminel. Ce terme inoffensif ne fait que dissimuler ce qui serait s'avérerait en fait être le meurtre des personnes vulnérables.

D. Garanties de procédure

Le contraste prévalant entre les procédures inhérentes à l'aide à la mort en vigueur dans les pays où la loi l'autorise désormais (principalement aux Pays-Bas et en Oregon) et les procédures proposées au Canada est particulièrement saisissant. En Hollande en Oregon (et, pendant une brève période dans le Territoire du Nord de l'Australie, soit en 1996 et 1997), le patient qui exprime le désir d'obtenir de l'aide à la mort doit trouver un médecin prêt à l'aider. Le médecin doit obtenir d'un collègue une confirmation de la légitimité de la demande et doit soumettre un rapport dès que le décès est survenu. Aucun "jury" indépendant n'est chargé d'établir le bien-fondé de la requête.
Au Canada d'autre part, les tribunaux et les membres dissidents du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, prêts à recommander la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté, ainsi que les universitaires qui ont présenté des témoignages d'expert dans ce domaine, ont invariablement réclamé une audience avant le fait, par un tribunal ou un comité spécialement nommé. La seule autre proposition trouvée dans cette recherche et offrant, comme autre possibilité, une audience par un organe indépendant, a été proposée par la South African Law Commission.238
Étant donné le niveau de risques qu'affronteraient les personnes handicapées dans un régime autorisant l'aide à la mort, une forme d'approbation judiciaire ou quasi-judiciaire préalable s'avère absolument essentielle, surtout dans le cas des personnes avec des déficiences mentales. Étant donné également la nouvelle tangente que prend la légalisation de l'aide à la mort par rapport aux engagements traditionnels et sempiternels de la médecine et de la loi vis-à-vis de la préservation de la vie, il est inconcevable que quiconque puisse s'objecter à de telles garanties de procédure. Les jugements enregistrés des juges de nos cours supérieures et d'autres autorités stipulent qu'une audience indépendance doit précéder toute mort assistée et pas seulement dans le cas du requérant ayant une incapacité identifiable.
Quel serait le tribunal le plus approprié? Dans leurs jugements dissidents respectifs de l'affaire Rodriguez239, les juges en chef McEachern de la Colombie britannique et Lamer de la Cour suprême du Canada, auraient affecté cette tâche à la cour supérieure de la région de résidence du patient. Cela s'harmonise avec l'extrême gravité de la demande de cessation intentionnelle de la vie d'autrui. Les tribunaux sont conçus pour et ont pour objet d'être aussi libres que possible de tout préjugé. Ils possèdent la plus forte expertise en matière de jugement de questions complexes et difficiles. Mais ils fonctionnent d'autre part selon un système accusatoire qui pourrait ne pas être la manière la plus appropriée de traiter des questions de vie ou de mort, même en l'absence de points de vue conflictuels quant au meilleur résultat. De plus, l'expertise judiciaire est davantage basée sur les droits légaux, les règles formelles de procédure et la preuve soumise à la cour au moment de l'audience judiciaire, que sur un secteur particulier d'apprentissage et d'expérience, telle que la question des mesures de soutien pour personnes handicapées ou les soins palliatifs. Si la solution quasi-judiciaire était choisie, la partie estimant qu'une erreur a été commise pourrait toujours exiger un examen judiciaire.
Si les demandes d'aide à la mort devaient être validées par un comité ou un conseil nommé à cette fin précise, quelle serait la composition de ces organes? Les "Commissions d'aide à la mort" de Russel Ogden ne sont pas particulièrement attrayants. Les membres doivent être nommés par les ministres de la Santé, représenter une gamme d'acquis professionnels multi-disciplinaires", et être sélectionnés selon des critères "d'éthique, de libéralisme et de libertarianisme civil"240. Les critères doivent être plus précis que cela. Un éthicien n'ayant manifesté aucun préjugé contre les personnes handicapées pourrait être un bon candidat. Dans le contexte des causes Dawson et Latimer, hautement médiatisées, plusieurs éthiciens canadiens se sont disqualifiés eux-mêmes à cet égard241. Bien que nous ayons suggéré qu'il en soit un, le professeur Eike-Henner Kluge a inclu une valide suggestion dans son témoignage devant le Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide: "qu'un représentant dûment habilité d'une association pour personnes handicapées" siège à un "groupe consultatif" chargé d'aider la cour dans les cas où la personne, dont le décès est l'objet du litige, était dans l'incapacité de demander volontairement la mort. Cette suggestion aurait été encore plus utile s'il avait précisé associations de personnes handicapées" au lieu de associations pour personnes handicapées. Des spécialistes de soins palliatifs et des travailleurs sociaux devraient également siéger à cette commission ou comités décisionnels.
La suggestion de la South African Law Commission d'intégrer dans de tels organes une personne "parlant le langage maternel du patient" ne s'applique pas qu'à des sociétés comme l'Afrique du sud, composée de divers groupes linguistiques. Bien que le Canada soit un pays semblable, les implications vont au-delà de la simple prestation d'un service d'interprétation entre le malade et les décideurs. Il existe un facteur culturel hautement important qui pourrait transparaître via les critères linguistiques. Dans le cas d'un patient est sourd, non seulement un interprète gestuel mais encore une autre personne sourde devront siéger à ces comités.
La publication de rapports, la surveillance et l'information de la population sur les cas de cessation de vie sont d'autres facettes de ce rôle public inhérent à l'aide médicale à la mort. L'administration responsable des jury d'audition devrait également être chargée de cette composante du système de réglementation. L'adjudication des cas où la capacité/volonté du patient de refuser le traitement de survie est remise en question, constitue une autre facette de ce rôle.
Un défenseur doit être nommé pour aider la personne dont la demande de cessation de vue est examinée. Ce ne sera pas nécessairement un avocat. Cela pourrait être un membre d'une organisation vouée au bien-être des personnes ayant des maladies ou des incapacités particulières, ou n'importe quelle maladie ou incapacité. Au lieu d'être reconnu comme une personne bien informée ayant à coeur l'intérêt de la personne vulnérable (y compris l'autonomie), le défenseur est souvent perçu comme un intrus. C'est un rôle qui exige des dons naturels d'empathie, des acquis et des compétences. Un avocat par exemple sera familiarisé avec les lois régissant le consentement au traitement médical dans sa province ou territoire de résidence. Dans la plupart des cas, la défense des droits est, et restera, vraisemblablement une activité bénévole et ce, même si elle est suffisamment importante pour justifier des dépenses publiques.

E. Critères: qui est admissible à l'aide à la mort?

Même les Pays-Bas ont pendant plusieurs années imposé des "critères de diligence raisonnable" que devaient théoriquement observer les médecins pour éviter les poursuites au criminel en cas d'aide à la mort ou de cessation de vie de leurs patients. Ces critères sont les suivants:

  • le patient doit avoir volontairement et constamment choisi de demander la mort.
  • le patient doit subir "des souffrances implacables et insoutenables".
  • Au moins un médecin doit agréer que les critères sus-mentionnés ont été observés.
  • cessation de vie doit avoir été exécutée de "façon médicale appropriée".242

Aux Pays-Bas, "une façon médicale appropriée" inclut l'euthanasie et l'aide au suicide. Notons qu'aux Pays-Bas, il n'est pas nécessaire d'avoir une maladie fatale pour obtenir de l'aide médicale à la mort. La nouvelle Loi, Termination of Life on Request, récemment adoptée par le Parlement hollandais édicte deux critères supplémentaires:

  • le patient doit être avisé de son état et du pronostic.
  • Il ne doit exister aucune "autre solution raisonnable" que la mort.

Le Death with Dignity Act de l'Oregon rend l'aide au suicide disponible (et non l'euthanasie active). Seules les personnes ayant une "maladie fatale" y ont droit. Ces deux différences entre l'Oregon et les Pays-Bas se traduisent dans les énormes divergences d'application de l'aide à la mort. Par capita, il y a trente fois plus de cas d'aide médicale à la mort aux Pays-Bas qu'il n'y en a en Oregon.
L'Oregon pose plusieurs exigences supplémentaires en ce qui a trait à l'aide légale à la mort:

  • une demande écrite devant deux témoins adultes, dont au moins l'un d'entre eux n'a aucun intérêt personnel.
  • du counselling obligatoire si l'un des deux médecins estime que le patient pourrait avoir un "jugement altéré".
  • une période d'attente de quinze jours après la soumission de la première demande d'aide à la mort et un délai supplémentaire de deux jours après la signature d'une telle demande.
  • le médecin doit demander au patient d'aviser sa famille de son intention de demander l'aide à la mort (mais le patient n'est pas obligé de le faire).
  • le médecin doit aviser le patient que sa demande d'aide à la mort peut être révoquée en tout temps.

Aux Pays-Bas comme en Oregon, les médecins aidant leurs patients à abréger leurs jours doivent rapporter chaque décès aux autorités appropriées. Mais la Hollande connaît une importance sous-notification des décès.243
Dans son jugement dissident de l'affaire Rodriguez, le juge en chef Lamer a énoncé les exigences minimales qu'il aurait imposées pour l'aide au suicide si la majorité des juges ne s'était pas prononcée en faveur de la constitutionnalité de l'interdiction de l'aide au suicide, prévue par le Code criminel. Tout d'abord, qu'une demande soit soumise à une cour supérieure. Et à partir de là, chaque exigence est une obligation qui, selon l'avis de la cour, a été observée. Ce sont essentiellement les mêmes conditions que celles qu'aurait imposées le juge en chef McEachern de la Cour suprême de la Colombie britannique. L'un des deux médecins avisant la cour de la volonté du patient devra être un psychiatre. L'un des médecins devra quotidiennement examiner le patient à partir du moment où il a soumis sa demande à la cour, jusqu'au moment où l'aide au suicide sera effectuée. Les deux juges en chef n'ont pas exigé pas que le patient soit en phase terminale mais ils auraient demandé aux médecins de prouver que le requérant était physiquement incapable de commettre le suicide sans aide, ou le serait devenu. L'autorisation d'aide médicale au suicide accordée par la cour aurait expiré dans les trente et un (31) jours suivant le premier examen par un psychiatre.244
Sans aucun doute, l'ensemble le plus complet de critères pour l'aide à la mort, a été publié par le National Council on Disability aux États-Unis. Étant exhaustive, cette liste est également très longue, mais elle vaut la peine d'être retranscrite ici:

Pour limiter efficacement l'aide au suicide aux cas les plus appropriés et pour s'assurer qu'elle ne deviendra pas vecteur de discrimination fatale envers les personnes handicapées, de telles procédures devraient au moins garantir: que le diagnostic de l'état du patient est totalement exact; que la maladie du patient est définitivement fatale; que la mort du patient est imminente; qu'il n'existe aucun autre traitement susceptible de sauver ou de prolonger sensiblement sa vie; que le patient endure des douleurs intolérables et que ces douleurs ne peuvent être soulagées par des médicaments ou des traitements ou médecines parallèles; que le patient veut se suicider; que la décision du patient est basée sur des données relatives à son diagnostic, pronostic et à ses options et que le patient a compris ces renseignements; que le désir de mourir du patient ne résulte pas d'un découragement temporaire issu d'une désorientation, d'une adaptation à de nouvelles limitations ou autres causes; que le désir de mourir du patient ne résulte pas de préjudices, stéréotypes et désinformation sur les personnes handicapées et vivant avec une incapacité; que des sources averties désintéressées, aient exploré en profondeur et expliqué au patient avant qu'il n'ait pris sa décision, les possibilités de traitement, de techniques de réadaptation, d'appareils fonctionnels, de dispositifs d'adaptation, etc..., qui lui permettraient de mener une vie réussie avec son incapacité; que le patient ait eu la possibilité de rencontrer des personnes vivant avec des incapacités semblables et qu'elle ait pu parler longuement avec elles; que le patient a pris sa décision de se suicider en toute liberté, sans avoir été aucunement influencé par de la coercition, du harcèlement, de l'intimidation ou de la violence; que le patient ait sans relâche demandé l'aide médicale au suicide pendant une assez longue période de temps afin de s'assurer qu'il est sérieusement convaincu de mettre fin à ses jours; que le patient soit incapable de se suicide sans l'aide d'un médecin; et qu'il y ait une supervision par des autorités impartiales, responsables, objectives et désintéressées qui peuvent vérifier si les pré-requis sus-mentionnés relatifs à la décision de suicide du patient, ont été observés.245

Ceux qui réussiront à répondre à tous ces critères formeront un club privé en effet, ce qui est l'objet de l'exercice de ceux qui ont de bonnes raisons de craindre l'adoption de la légalisation de l'aide à la mort. La liste ne se présente pas vraiment comme une "liste de contrôle" pratique qu'un médecin de famille pourrait explorer dans un contexte comme celui prévalant actuellement en Oregon ou aux Pays-Bas. Il s'agit plutôt d'un rigoureux examen de tous les faits pertinents que seul un comité d'audition ou une cour pourrait effectuer avec succès.
Invariablement, les critères à observer pour toute forme d'aide à la mort, quel que soit le pays ou l'État, incluent la condition suivante: que le patient ait soumis une demande éclairée, en toute compétence et sans aucune coercition. C'est, sans aucun doute, le critère le plus problématique, particulièrement pour les personnes handicapées. Des activistes du mouvement de défense des droits des personnes handicapées et de nombreux professionnels soutiennent qu'il est virtuellement impossible de garantir qu'une personne vulnérable décision puisse prendre une décision de mort sans avoir subi de coercition et d'influence indue, non seulement de la part des autres personnes impliquées dans la vie du patient mais plus encore peut-être des circonstances imposées par une société qui n'est pas prête à fournir les moyens de continuer à vivre dans la dignité et la bonne santé.
Que l'aide au suicide soit réservée aux personnes en phase terminale est une inhérente et inquiétante question. Les médecins ont d'énormes difficultés à déterminer avec précision de telles maladies, même quand la mort n'est plus qu'une question de jours. La règle "décès probable dans les six mois", appliquée en Oregon, est certainement sujette à caution.
L'avantage de la procédure intégrant une audience préalable par un tribunal indépendant, c'est que la question "pour quelle raison cette personne désire-t-elle mourir maintenant" doit être sérieusement examinée. Il se pourrait que dans certains cas, la misère physique et mentale issues d'une maladie qui ne s'avérera pas forcément fatale dans un futur immédiat, constitue une réponse légitime.
Au lieu d'enchâsser dans la loi les périodes d'attente (délais de réflexion) entre la demande initiale d'aide à la mort et l'exécution de cette requête, et que ces périodes fixées soient applicables à tous, des dates "pas avant" et "pas après" devraient être établies par un tribunal qui serait encore une fois, l'organe le plus approprié à cet effet.
Deux critères sont, et de loin, plus importants que d'autres. Ils doivent être absolument établis par des preuves nettes et convaincantes. Une fois encore, un tribunal serait en meilleure posture pour s'assurer que ces critères ont été observés. Le premier consiste à déterminer si la personne a librement et volontairement, pris sa décision de demande d'aide à la mort sans avoir pour cela à la retirer de son milieu de relations d'affection. Ce ne sont pas de toutes simples questions. Comme l'affirme Catherine Frazee:

"Nous devons nous efforcer davantage de la fiction selon laquelle "ce qu'une personne désire" est clair, absolu et avisé. Franchement, chez les être humains, le phénomène de "ce que nous voulons" me paraît totalement fluide, capricieux et transitoire. Sa formulation ne vaut pas plus qu'une approximation."246

Le deuxième important critère visant à déterminer si l'aide à la mort est une solution acceptable, consiste à savoir si toutes les possibilités susceptibles de dévaloriser l'option de la mort aux yeux du patient ou d'un proche, ont été rigoureusement explorées. Ces possibilités incluent bien sûr le soulagement de la douleur (douleur psychique autant que physique) et tous les aspects de soins palliatifs, ainsi qu'un examen des questions non médicales affectant la volonté de vivre du patient.

F. Conclusion

Le débat sur l'aide à la mort porte essentiellement sur la question de l'autonomie personnelle. Ceux qui revendiquent un assouplissement de nos lois existantes, pénalisant l'aide au suicide et l'euthanasie active, s'appuient sur le principe que chaque personne mérite, dans la mesure du possible, d'avoir son propre libre arbitre quant à la manière dont elle abordera la fin de sa vie. On présume certaines personnes choisiront d'accélérer cette approche, selon la gravité de leur malaise et/ou la certitude que leur mort est proche. À l'opposé du débat se retrouvent tous ceux qui règlent la question dans leur tête en affirmant que certaines valeurs l'emportent sur l'autonomie personnelle et même sur la souffrance. De telles valeurs peuvent se regrouper sous le titre de "caractère sacré de la vie" ou, pour les personnes davantage laïques, émaner de la traditionnelle défense de la vie humaine qui a caractérisé la médecine et le droit pendant des centaines, voire des milliers d'années.
Mais pour les personnes handicapées, il existe un troisième facteur, à savoir "l'autonomie personnelle" qui constitue une mesure de sauvegarde fiable pour ceux dont la vie est dévalorisée pour motif d'incapacité. Une préoccupation raisonnable et valable s'impose particulièrement dans les cas où l'incapacité est de nature "mentale"(et pas seulement), à savoir que les désirs personnels de la personne ne détermineront pas le résultat de toute question critique. De telles personnes doivent non seulement établir leur propre capacité de prendre une décision mais encore, leur vie risque d'être davantage dévalorisée que celle des personnes ayant une incapacité physique.
Les influences externes sur la décision de mettre fin à ses jours sont rarement flagrantes au point de ne pouvoir être identifiées comme coercition. Mais elles sont néanmoins réelles et puissantes. Et c'est la raison pour laquelle, en l'absence d'interdictions légales de l'aide à la mort, il est si difficile de concevoir des mesures de sauvegarde contre les abus. Ce n'est que lorsque la menace d'abus sera palpable que ces mesures de sauvegarde seront sérieusement prises en considération.
Ce rapport vise à démontrer qu'il existe de sérieux risques pour les personnes handicapées dans les sociétés où l'aide à la mort est envisagée comme une solution à la souffrance et à l'anxiété que de nombreuses personnes subissent vers la fin de leur vie. Pour de nombres personnes dans de telles situations, l'aide à la mort peut être considérée comme "bienveillante" car elle les soulage de l'épreuve physique et mentale qu'elle devrait autrement endurer. Mais pour les personnes handicapées, cette "compassion" se traduit souvent en termes de cessation d'une vie perçue par d'autres comme dénuée de valeur à cause de l'incapacité de la personne au lieu d'être perçue comme intolérable à cause de la souffrance et de la douleur. Même au Canada, où la loi continue à imposer le traditionnel et irréductible respect de la vie humaine, les mesures de sauvegarde contre le recours à l'aide à la mort font sérieusement défaut. Et ce n'est que lorsqu'on pourra démontrer de manière indiscutable que tous les Canadiens jouissent de la pleine égalité et la sécurité de la personne, quelle que soit leur incapacité, telles que garanties par la Charte des droits et libertés, que toute démarche vers la légalisation de l'aide à la mort pourra être contrecarrée.

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* M.A., B.en Dr., Avocat et avoué, Toronto, Ontario.

1 Cette étude des questions inhérentes à la légalisation de l'aide médicale à la mort est effectuée à la demande du Conseil des Canadiens avec déficiences, grâce à l'aide financière du "Fonds pour le droit de demain" de l'Association du Barreau canadien. Les opinions ci-après exprimées ne reflètent pas nécessairement celles du Conseil des Canadiens avec déficiences ou celles de l'Association du Barreau canadien.

2 Sénat du canada "De la vie et de la mort" - Rapport du Comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide.

3 Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, chap.C-46, art.231.

4 L'expression "aide médicale à la mort" a été choisie aux fins de ce document, puisqu'elle englobe tous les types d'intervention des médecins et dont l'effet visé est d'accélérer la mort d'autrui. Il faudrait toutefois noter que selon l'Association médicale canadienne, "les médecins du Canada devraient s'abstenir de participer à l'euthanasie et à l'aide au suicide". (L'euthanasie et l'aide au suicide - mise à jour 1988). L'AMC soutient en outre que "l'aide médicale à la mort....doit se distinguer de l'inexécution ou du retrait d'interventions médicales non appropriées, futiles ou non désirées ou de la prestation de soins palliatifs humanitaires, même lorsque les pratiques en cause abrègent la vie" (Association médicale canadienne - sommaire politique - Journal de l'Association médicale canadienne, 1995; 152:248 A-B)

"L'euthanasie" et "l'aide au suicide" sont légalement interdites au Canada. L'euthanasie (littéralement "douce mort") est généralement comprise comme l'acte intentionnellement posé par une personne afin de soulager les souffrances incontrôlables ou les douleurs de l'agonie prolongée d'une autre personne. On utilise souvent l'expression "euthanasie active" pour indiquer que la mort a été provoquée par un acte fatal et non pas par l'omission d'une intervention de survie - laquelle est appelée "euthanasie passive".

5 Code criminel, art.222(1).

6 Code criminel, art.241.

7 Nancy V. contre L'Hôtel-Dieu de Québec (1992), 86 R.J.Q (4ème) 385 (Qué.SC); Ciarlariello contre Schacter (1993) 2 R.C.S 119

8 Sulmasy, Daniel. "Killing and allowing to die: Another look". 26 Journal of Law, Medecine and Ethics 55 à 64 (Printemps 1998); McCormick, Richard A. Killing and Allowing to Die: Is there a Difference? Toronto, Regis College, 1997; Gostin, L.O. "Deciding life and death in the courtroom: From Quinlan to Cruzan, Glucksberg, and Vacco - A brief history and analysis of constituinal protection of the "right to die". 278 Journal of the American Medical Association 1523-8 (1977). La Cour suprême des États-Unis dans Vacco contre Quill, 117 Supreme Court Reporter 2293 (1997) a décrété que la distinction entre laisser un patient mourir et causer la mort du patient est importante, logique, rationnelle et bien établie. Elle comporte des principes légaux fondamentaux de causalité...et d'intention". (Syllabus, p.ii).

9 Dr. Hugh Lafave, communication personnelle, 6 juin 2000; Faber-Langendoen, Kathy et Jason H.T. Karlawish. "Should assisted suicide be only physican assisted?" 132 Annals of Internal Medecine 482 (21 mars 2002).

10 On trouvera le compte-rendu complet de l'affaire Latimer dans le document "A Voice Unheard: The Latimer Case and People With Disabilities" de Ruth Enns, Halifax: Fernwood Press, 1999. Pour une analyse de l'affaire selon l'optique des personnes handicapées, se référer au document: L'affaire Latimer: Les réflexions des personnes handicapées, Winnipeg: Conseil des Canadiens avec déficiences; décembre 1998.

11 Code criminel, art.231(2)

12 Code criminel, art.745

13 Charte canadienne des droits et libertés, Première partie, Loi constitutionnelle, 1982.

14 R. contre Latimer (2001)1 L.R.C. 3, para.86.

15 "Mercy and Latimer a hard sell for prof", Doug Beazley, Edmonton Sun, 27 octobre 2000.

16 Mémoire de l'intervenant, COPOH dans l'affaire Rodriguez c. Colombie britannique (Procureur général) (1993) 3 L.R.C. 519.

17 R. v. Genereux (1999), 44 O.R. (3d) 339.

18 Mémoire du Conseil des Canadiens avec déficiences dans l'arrêt R.c.Genereux. Les précisions et les résultats des arrêts Rodriguez et Genereux sont discutés en détails ci-après dans le texte accompagnant les notes 68 à 81.

19 Voir Aly, G. "The legalization of mercy killings in medical and nursing institutions in Nazi Germany from 1938 until 1941", International Journal of Law and Psychiatry 145 (1984) and Gallagher, H. By Trust Betrayed: Patients, Physicians, and the Licence to Kill in the Third Reich, New York: Henry Holt and Company, 1980.

20 Voir par exemple "Retired Austrian Doctor on trial for wartime child euthanasia program", Le National Post, 21 et 22 mars 2000. Un ancien neurologue et psychiatre de 84 ans a finalement été accusé d'infanticide pour avoir effectué d'épouvantables "expériences" au cours desquelles des enfants étaient intentionnellement infectés de maladies puis abandonnés sans aucun soin dans un établissement de Vienne en 1944. Son procès a été ajourné car son avocat a invoqué son inaptitude à subir un procès à cause de sa fragilité et de sa démence. Il est ironique de penser, qu'à l'instar de l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, son incapacité l'a protégé des rigueurs d'un procès criminel alors que les personnes handicapées étaient justement les victimes de ses présumés crimes.

21 Témoignage de Hugh Scher devant le sous-comité du Comité permanent sénatorial des affaires sociales, des sciences et technologies, chargé d'examiner les progrès survenus depuis le dépôt en juin 1995 du rapport final "De la mort et de la vie" du Comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide; 20 mars 2000.

22 Note 16 ci-dessus

23 Voir Rodriguez, Note 16 ci-dessus; Washington c. Gluksberg et Vacco c. Quill, Supreme Court Reporter 2258 et 2293 (1997)

24 Re S.D. (1983) 2 W.W.R.597 (Cour provinciale) et 618 (Supreme Court of B.C.)

25 Idem. p.633

26 Orville R. Endicott, The Right of Persons with Intellectual Handicaps to Receive Medical Treatment. Toronto: Association canadienne pour l'intégration communautaire, 1990, p.25.

27 Pour la loi relative au traitement d'urgence, se référer par exemple à la Loi ontarienne sur le consentement aux soins de santé, Acte législatif de 1996 de l'Ontario, chap.2, Annexe A, art.25(2).

28 Catherine Frazee, communication personnelle, 9 octobre 2000.

29 Association médicale canadienne, L'euthanasie et l'aide au suicide (résumé politique). Journal de l'Association médicale canadienne, 1995; 152:248 A-B.

29 Code criminel, art.241.

30 Code criminel, art.245.

31 Code criminel, art.214.

32 Hugh Scher, note 21 ci-dessus.

33 Code criminel, art.153.1.

34 Hugh Scher, Note 21 ci-dessus.

35 Loi sur le consentement aux soins de santé, Actes législatifs de l'Ontario, chap.2, Annexe A.

36 Idem., art.10(1).

37 Idem., art. 11(1).

38 Idem., art. 11(3).

39 Idem. art. 4(1). Il est important de noter que la capacité ne s'applique qu'à un traitement particulier - et non uniformément à tous les traitements. Selon le par. 15(1) de la Loi, une personne peut être incapable à l'égard de certains traitements mais capable à l'égard d'autres traitements."

40 Idem., art.21(1).

41 Idem., art.21(2) (a) et (b) (ce que nous soulignons).

42 Idem., art. 21(2)(c).

43 Idem., Parte V (art. 70 à 81).

44 Idem., art. 32.

45 Idem., art. 33(1).

46 Idem., art. 35(1).

47 Idem., art. 36. Il est intéressant de noter que cette disposition repose sur l'hypothèse optimiste suggérant que les résultats des soins palliatifs et thérapeutiques s'amélioreront au cours du temps. Cet optimisme contredit ceux qui revendiquent la promulgation de dispositions autorisant les gens à choisir l'heure et le moyen de leur mort, étant donné que de telles dispositions peuvent réduire la concentration de la société sur la formation et la recherche destinées à prolonger la vie et à réduire les souffrances de l'agonie.

48 Idem., art. 37.

49 (1993) L.R.C. 519.

50 Eldridge c. la Colombie britannique (Procureur général), (1997), 3. R.C.S., 624, para. 56.

51 Law c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1999), 1 R.C.S 497. Cette affaire portait sur une question de discrimination fondée sur l'âge, que le Régime de pensions du Canada aurait exercé à l'égard d'une veuve de moins de 35 ans en la déclarant inadmissible aux prestations du survivant. La Cour suprême a statué que les femmes de moins de 35 ans ne constituaient de groupe pas censé être protégé de toute discrimination par le par.15(1) puisque ce groupe n'avait pas d'historique de distinction illicite.

52 Granovsky c. le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, Cour suprême du Canada, 18 mai 2000, No. de greffe 26615.

53 Idem. Para.70.

54 Note 49 ci-dessus.

55 Note 24 ci-dessus et texte d'accompagnement Note 24 ci-dessus et texte d'accompagnement.

56 Re S.D., (1983) 3 W.W.R. 618, 629-630.

57 Cité dans The Feminist Gospel: The Movement to Unite Feminism with the Church, de Mary A. Kassian, Wheaton, Illinois: Crossway Books. C'est Catherine Frazee qui a sensibilisé l'auteur de ce document à cette observation perçante prononcée en 1990 par la juge Wilson à l'Osgoode Hall Law School, et traitée avec dérision par Mary Kassian

58 Note 7 ci-dessus.

59 (1990) 72. O.R. (2d) 417 (Ont.C.A.).

60 Idem., Note sous-titre.

61 Dickens, Bernard M. "Medically assisted death: Nancy B. c. Hôtel-Dieu de Québec", 38 McGill Law Journal 1053 (1993) (Extrait)

62Gorman, Daniel. "Active and passive euthanasia: the cases of Drs. Claudio Alberto de la Rocha and Nancy Morrison", Journal de l'Association médicale canadienne, 160, 857-60 (23 mars 1999).

63 Cour de l'Ontario (Division générale) Sa Majesté la Reine contre Alberto de la Rocha. Motifs de la condamnation infligée par l'honorable juge S. Loukidelis à Timmins, Ontario, le 2ème jour d'avril 1993.

64 Idem.

65 Idem (Ce que nous soulignons).

66 Note 55 ci-dessus et texte d'accompagnement.

67 Témoignage du professeur Jocelyn Downie, Health Law Institute, université Dalhousie, devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, chargé d'examiner les progrès réalisés depuis le dépôt en juin 1995 du rapport final du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et le suicide assisté, intitulé: "De la vie et de la mort", 14 février 2000.

68 R.c.Genereux, 44 O.R. (3d) (Cour d'appel de l'Ontario.

69 Idem., pages 341 à 342.

70 Idem., p. 342.

71 Idem.

72 (1993) 3 L.R.C. 519.

73 Idem. Note sous-titre.

74 Idem.

75 Idem.

76 Idem.

77 Leposky, David. "A report card on the Charter's guarantee of equality to persons with disabilities after 10 years- What progress? What prospects?. 7 - Revue nationale de droit constitutionnel, 263 à 371.

78 Rodriguez, Note 72 ci-dessus, note sous-titre.

79 Lepofsky, Note 77 ci-dessus, pages 371 à 372.

80 Rodriguez, Note 72, ci-dessus, note sous-titre.

81 Idem.

82 Catherine Frazee, communication personnelle, 9 octobre 2000.

83 Sénat du Canada, "De la vie et de la mort". Rapport du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et le suicide assisté.

84 Idem., pages ix à x.

85 Idem., p.xi.

86 Idem., pages x et xi.

87 Idem., p.xi Il a récemment été souligné qu'il ne s'agissait pas d'une recommandation unanime puisque l'un des membres du Comité sénatorial, le sénateur Eymard Corbin, n'était pas présent lorsqu'elle a été votée; il a déclaré depuis qu'il s'y serait opposé. (Exposé de Hugh Scher lors de l'atelier parrainé par la Euthanasia Prevention Coalition of Ontario. 29 avril 2000.

88 Idem., p.85.

89 Idem., p. 73.

90 Idem., pages 73 à 74 (Ce que nous soulignons).

91 Idem., pages 56 à 57.

92 R. c. Rodriguez (1993), 76 B.C.L.R (2d) 145.

93 Idem., à 163.

94 Idem.

95 De la vie et de la mort, Note 73, pages A-54, 55.

96 Russel Ogden "The right to die: A policy proposal for euthanasia and aid in dying". 20. Politique publique canadienne -Analyse de politiques 1 (1994).

97 De la vie et de la mort, Note 73, p.A-43.

98 Idem., p.A-43.

99 Idem.

100 Idem., pages A-45 et 45.

101 Idem. p. A-46 (ce que nous soulignons).

102 Se référer au texte de la Note 26 ci-dessus.

103 Sous-comité de mise à jour du rapport "De la vie et de la mort" du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Le rapport final "Des soins de fin de vie de qualité: Chaque Canadien et canadienne y a droit" a été déposé le 6 juin 2000.

104 Idem., 2ème partie, Bilan 2000.

105 Idem., Introduction.

106 Idem., Conclusions du Sous-comité.

107 Idem., 1ère Partie: Une stratégie nationale - Notre priorité.

108 Idem., 1ère Partie I.B1.

109 Idem., 1ère Partie I.B.5 (ce que nous soulignons).

110 Note 91, ci-dessus.

111 Catherine Frazee, communication personnelle, octobre 2000

112 Des soins de fin de vie de qualité: Chaque Canadienne et canadienne y a droit, Note 102 ci-dessus, 2ème Partie. F.

113 Idem., 2ème Partie.C.

114 Association canadienne des soins de santé, Association médicale canadienne, Association canadienne des infirmières et des infirmiers du Canada, Association catholique canadienne de la santé: "Déclaration conjointe sur la réanimation" (Mise à jour 1995), octobre 1995 et "Déclaration conjointe sur la prévention et le règlement de conflits d'éthique entre les prestateurs de soins de santé et les personnes recevant les soins", 1999.

115 Des soins de fin de vie de qualité, 2ème Partie.F.

116 Projet de loi S-2, 2ème session, 36e Parlement, 48 Elizabeth II, préambule. La sénatrice Carstairs a siégé au Comité sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide et a présidé le Sous-comité sénatorial de mise à jour de "De la vie et de la mort".

117 Voir la note 55 ci-dessus et le texte d'accompagnement.

118 Se référer, par exemple, à la discussion relative à la Loi sur le consentement aux soins de santé en Ontario, note 35 et suivantes, ci-dessus.

119 Euthanasia Prevention Coalition of Ontario, Communiqué de presse, 1er novembre 1999.

120 Note 96 ci-dessus.

121 Idem., pages 17 et 18.

122 Idem., pages 18 et19.

123 Idem., pages 19 et 20.

124 Voir la note 101 et le texte d'accompagnement.

125 Bouvia v. Superior Court, 225 Cal. Rptr (Ct.App.q986); Statec.McAfee, 385 S"E.2d 651 (Ga.1989); In re Rivlin (Mich. Cir.Ct.1989) (No.893369904).

126 Washington v. Glucksberg and Vacco.v. Quill, 117, Supreme Court Reporter, 2258 et 2293 (1997).

127 Washington v. Glucksberg, Syllabus, p.i.

128 Idem.

129 New York State Task Force on Life and Law. When Death Is Sought: Assisted Suicide and Euthanasia in the Medical Context (1994), p.20.

130 Whashington v. Glucksberg.

131 Amici Curiae. Mémoire de Not Dead Yet and American Disabled for Attendant Programs Today dans l'affaire Vacco c. Quill.

132 Idem.

133 Oregon Health Division's Center for Health Statistics and Vital Records, http://www.ohd.hr.state.or.us/chs/pas/pas.htm. La loi de l'Oregon est traitée plus en détail à la note 140 et suivantes.

134 Lee v. Oregon (U.S. Court of Appeals, Ninth Circuit, février 1997.)

135 Vacco c. Quill, 2293.

136 Gostin, L.O. "Deciding life and death in the courtroom: From Quinlan to Cruzan, Glucksberg and Vacco. A brief history and analysis of constitutional protection of the "right to die"., 278 Journal of the American Medical Association 1523-8 (1997) à 1527.

137 Washington c. Glucksberg, 2258.

138 Sampson & Doe v. State of Alaska, Case No.3AN-98-112888CI (3rd Sup.Ct. 9 sept. 1999).

139 Idem., pages 8 à 10.

140 Oregon Death with Dignity Act. Oregon revised Statute 127.800-127.995 (disponible à l'adresse: www.ohd.hr.state.or.us/cdpe/chs/pas/ors.htm).

141 "Oregon's death with Dignity Act" Oregon Health Division's Center for Health Statistics and Vital Record, http://www.ohd.hr.state.or.us/chs/pas/pas.htm.

142 Idem.

143 Death with Dignity Act, s.3.14. Il est intéressant de noter que malgré son désaveu législatif, l'Oregon Health Division se réfère à la loi, dans son rapport annuel de 1999, comme "autorisant légalement l'aide médicale au suicide". ("Oregon's Death with Dignity Act: The Second Year's Experience", Summary, http://www.ohd.hr.state.or.us/chs/pas/ar-smmry.htm).

144 Death with Dignity Act, art. 1.01 (12).

145 Idem., art.2.01.

146 Idem., art. 2.02.

147 Idem. art.3.01.

148 Idem., art.1.01.

149 Idem., art.3.05.

150 Reporting Requirements of the Oregon Death with Dignity Act, s.333-009-0100 (Reporting), http://www.ohd.hr.state.or.us/chs/pas/oars.htm.

151 Idem.

152 Death with Dignity Act. art. 2.11 (2).

153 Idem., art.3.11 (1) et (3).

154 "Oregon's Death with Dignity Act: The Second Year's Experience", Summary, p.1" (http://www.ohd.hr.state.or.us/chs/pas/ar-smmry.htm).

155 Oregon Public Health services News release, 6 fév. 2002.

156 Idem., p.2.

157 Department of Human services, Oregon Health Division, Center for Disease Prevention and Epidemiology, Oregon's Death with Dignity Act: The Second Year's Experience", 23 février 2000, (http://www.ohd.hr.state.or.us/chs/pas/99pasrpt.pdf). Également publié comme Sullivan, A.D., K. Hedberg, D.W Fleming. "Legalized physician-assisted suicide in Oregon- The second year". 342 New England Journal of Medecine 598 (2000).

158 Idem., p.10.

159 Idem., p.11.

160 Idem., Tableau 1.

161 Death with Dignity Act, art.1.01 (4).

162 Oregon's Death with Dignity Act: The Second Year's Experience, tableau 1.

163 Idem., Tableau 2.

164 Death with Dignity Act, art. 1.01 97), 1.01 (11), 2, 2.01, 3.01 (9), 3.03, 3.04. 3.06, 3.09 (1), 3.09 (2), 2.12(1), 3.12 (2), 3.13 (deux fois), 4.01 (1), 4.01 (4) (deux fois) (ce que nous soulignons).

165 Herbert Hendin, "Seduced by Death: Doctors, Patients and Assisted Suicide". New York: W.W. Norton, 1998.

166 Herbert Hendin, lettre au rédacteur, 343, New England Journal of Medecine, 13 juillet 2000.

167 Idem.

168 Barry Rosenfeld, lettre au rédacteur, 343, New England Journal of Medecine, 13 juillet 2000.

169 Ganzini, L. H.D. Nelson, T.A. Schmidt, D.F. Kraemer, M.A. Delorit and M.A. Lee "Physician's experiences with the Oregon Death with Dignity Act", 342 New England Journal of Medecine 557, (24 février 2000).

170 Linda Ganzini, Melinda Lee and Terri Schmidt, Lettre au rédacteur, 343, New England Journal of Medecine, 13 juillet 2000. Les raisons pour lesquelles Ganzini et al. et Hendin ont des interprétations si divergentes des données, ne sont pas claires.

171 Idem.

172 Idem.

173 Pain relief Promotion Act (S 1272, HR 2260).

174 Idem.

175 Idem, art.101.

176 Idem., art.102.

177 Idem., art. 201 et 202.

178 Idem

179 "Pain relief bill passes panel",The Oregonian, Vendredi 28 avril 2000.

180 "US Gov't Challenges Oregon Assisted Suicide Law", Reuters Health, 23 septembre 2002.

181 "Fact Sheet: Termination of Life on request and assistance with suicide", Netherlands Ministry of Justice, 9 mai 2000. (http://minjust.nl:8080/a_beleid/fact/suicide.htm).

182 Idem.

183 Idem.

184 Idem.

185 Idem. On a rapporté que la disposition permettant à des enfants aussi jeunes que douze ans à réclamer l'euthanasie, serait abandonnée, (par ex., Pro-Life Infonet, http://euthanasia.com/neth99.html). Mais cela n'a pas été le cas.

186 Idem.

187 Voluntary Euthanasia Society of Scotland, "Euthanasia in Holland", http://www.euthanasia.org/dutch.html#remm.

188 Idem.

189 Mennonite Brethren Herald, "The Dutch "Model", Vol.35, No.8 (non daté) (http://www.mbconf.ca/mb/mb/mbh3508.dutch.htm).

190 Department of the Parliamentary Library. Euthanasia - the Australian Law in an International Context. Research Paper 4, 1996-97 (http://www.aph.gov.au/library/pubs/rp/1996-97rp4.htm).

191 "Euthanasia in Holland", Note 186 ci-dessus.

192 Vidéoconférence: Ottawa et Utrech: 1ère partie, 25 octobre 1994 (http://www.islandnet.com/deathnet/video_conf.html).

193 Idem.

194 "Euthanasia in Holland", note 186 ci-dessus.

195 "Review of euthanasia cases to be brought more into ligne with medical practice", Communiqué de presse conjoint du ministre de la Justice et du ministre de la Santé, du bien-être et des sports des Pays-Bas, 21 janvier 1997 (ce que nous soulignons).

196 Euthanasia - the Australian Law in an International Context, note 186 ci-dessus.

197 Vidécoconférence: Ottawa et Utrecht, note 188 ci-dessus.

198 Kuhse, Helga, Peter Singer, Peter Baume, Malcolm Clark and Maurice Rickard. "End-of-life decisions in Australian medical practices". Article publié sur Internet par The Medical Journal of Australia, 1997, http://www.mja.com.au.

199 Témoignage de Russel Ogden devant le Comité permanent sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie chargé d'examiner les nouveaux faits survenus depuis le dépôt en juin 1995, du rapport final du Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et le suicide assisté, intitulé: "De la vie et de la mort", 28 mars 2000.

200 Rights of the Terminally Ill Act, 1995 (NT), art.3.

201 Euthanasia Laws Act 1997, No.17 of 1997, art.3, Annexe 1, proclamée le 24 mars 1997.

202 Euthanasia- The Australian Law in an International Context, note 189 ci-dessus.

203 Euthanasia Laws Act 1997, note 200 ci-dessus, Annexe 1, subs. (1).

204 Par exemple, la Colombie ("Euthanasia and Assisted Suicide Outside the U.S.", http://www.religioustolerance.org/euth_wld.htm) et la Suisse où le "système judiciaire a toléré cette pratique pendant soixante ans" (The Practice of Assisted Suicide in Switzerland, http://www.finalexit.org/pract-swiss.html).

205 Baron, Charles H., Clyde Bergstresser, Dan W. Brock, Garrick F. Cole, Nancy S. Dorfman, Judith A. Johnson, Lowell E. Schnipper, James Vorenberg and Sidney H. Wanzer. "A Model State Act to Authorize and Regulate Physician-Assisted Suicide", 33, Harvard Journal on Legislation 1 (1966).

206 South African Law Commission. Report on Euthanasia and the Artificial Preservation of Life, août 1999 (http://law.wits.ac.za/salc/report/euthansum.html).

207 Idem., résumé des recommandations.

208 Idem.

209 Report on Euthanasia and the Artificial Preservation of Life, draft End of Life Decisions Act, art. 1(1), 4(1) et 5(1). (Ce que nous soulignons). Malgré le libellé exécutoire de l'art. 5(1), on devra noter que l'art. 10 du projet de loi excuse tout médecin praticien d'une action "conflictuelle avec sa conscience ou de tout code d'éthique auquel il/elle se sentirait lié".

210 Idem.

211 Mclean, Sheila A.M. and Joseph Thompson. The Assisted Suicide Act (Draft Scottish Bill). Glasgow: Institute of Law & Ethics in Medecine. Non daté (http://www.euthanasia.org/ssvbill.html).

212 Idem.

213 Idem., Annexe, par.3.

214 Idem., para. 5.

215 "A Model State Act to Authorize and Regulate Physician-Assisted Suicide", note 204 ci-dessus.

216 Idem., art. 2(i) et (d).

217 Idem., art. 3(a)(3)(B) et (A).

218 Idem., art. 3(a)(3)(C) et (D).

219 Idem., art. 4(a) et (b).

220 Idem., art. 4(D)(1).

221 Idem., art. 5 (a) et (b).

222 Idem., art.7 (a) (ce que nous soulignons).

223 Idem., art.12(a) et (b).

224 "A Model State Act to Authorize and Regulate Physician-Assisted Suicide", note 204 ci-dessus, Préambule (ce que nous soulignons) (http://www.rights.org/~deathnet/MSA_preamble.html).

225 Marcia Angell, discours lors de l'assemblée générale annuelle de la British Columbia Medical Association et du Pacific International Medical Congress 2000, Victoria, C.B, 1er juillet 2000.

226 Fitzgibbon, Scott "The failure of the freedom-based and utilitarian arguments for assisted suicide". 42. American Journal of Jurisprudence 211 à 260 (1997).

227 Voir note 198 ci-dessus et le texte d'accompagnement.

228 Se référer par exemple à l'Association médicale canadienne. Aide médicale à la mort (sommaire politique), JAMC 1995; 152:248 A-B.

229 Wolbring, Gregor: Le mouvement pour les droits des personnes avec des déficiences s'oppose à l'euthanasie. Pourquoi? Des garanties à tout jamais anéanties. Non daté. (http://www.thalidomide.ca/gwolbring/why.html).

230 Il est intéressant de noter que plusieurs lois dans les juridictions autorisant l'aide à la mort et que plusieurs projets de loi analogues proposés, prévoient une procédure visant à déterminer si, à cause de son état mental, le requérant pourrait avoir exercé un "jugement altéré" en envisageant sa demande. Nul n'a suggéré que le professionnel de la santé communiquant les renseignements sur lesquels les requérants doivent se baser pour en arriver à leur décision, pourrait lui aussi avoir "un jugement altéré".

231 Catherine Frazee, Notes pour allocution, Canadian HIV/AIDS Skills Building Symposium, Panel on End of Life Decisions, 16 janvier 1998.

232 Note 228 ci-dessus, p.11.

233 Voir note 107 ci-dessus.

234 Voir notes 62 à 71, ci-dessus.

235 Voir note 198, ci-dessus.

236 Voir notes 68 à 71 ci-dessus et textes d'accompagnement.

237 Voir note 67 ci-dessus et texte d'accompagnement. Se référer également à Singer, Peter. "Nancy Morrison has suffered enough", Toronto Star, 9 juin 1998, page A20.

238 Voir note 205 ci-dessus.

239 Voir notes 72 et 91 ci-dessus.

240 Voir notes 96 et 120 et le texte d'accompagnement.

241 Voir, par exemple, la note 26 ci-dessus.

242 Voir note 180 ci-dessus.

243 Voir note 193 ci-dessus.

244 Voir note 81 ci-dessus.

245 Burgdorf,Robert L. Assisted Suicide: A Disability Perspective. National Council on Disability. Document de position, 24 mars 1997, p.23 (http://www.ncd.gov/newsroom/publications/suicide.html).

246 Catherine Frazee, communication personnelle, 9 octobre 2000.