Triste nouvelle : Décès de Jim Derksen

C’est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons le décès de  Jim Derksen, bénévole de longue date du CCD.    

Jim était un véritable leader visionnaire.  Il a aidé notre organisation à relever les défis, dans le respect des principes inhérents à notre philosophie des droits de la personne.   Jim a assuré la présidence du CCD à l’époque où nous étions la Coalition des organisations provinciales, ombudsman des handicapés (COPOH).  Il a également été coordonnateur national du CCD. 

Le 26 mai 2009, l’université du Manitoba lui a décerné un doctorat honorifique. Nous avons annexé ci-après le discours prononcé à cette occasion et dans lequel il dévoile sa vision du monde.    

« Je remercie l'université du Manitoba de l'honneur qui m'est conféré au nom de tous ceux et celles qui ont énormément lutté pour les droits des personnes handicapées.

Je voudrais rendre hommage à ma famille. Je suis le plus vieux de neuf enfants dont six sont encore vivants. Ma mère; mes frères et sœurs, leurs conjoints et certains de leurs enfants sont ici présents. Mes merveilleux et courageux enfants, Amara et Tom, n'ont pu venir aujourd'hui, fort occupés par le travail prenant de se frayer un chemin dans le monde. Si je suis ici aujourd'hui, c'est grâce à l'amour, au soutien et à l'enseignement de ma famille.

J'aimerais rendre hommage à mes autres enseignants et mentors sans lesquels je ne pourrais être ici aujourd'hui pour accepter cet honneur. Ils sont légion mais je ne nommerai que Allan Simpson et le professeur Carl Ridd.

Comme tous les êtres humains, je suis unique avec, d'une part, mes talents et mes capacités et, d'autre part, mes déficiences et incapacités. C'est mon essence même, mes propres réalités. Et au-delà de ces réalités; comme tous les êtres humains, je vis dans un monde que nous nous sommes façonnés, à partir de nos connaissances, nos attitudes et nos valeurs. Il ne doit pas être un prison mais nous ne devons pas non plus l'idolâtrer; le placer au-dessus de notre humanité. Nous devons au contraire le façonner et le refaçonner sans cesse comme un outil nous permettant de réaliser notre plein potentiel et traduire nos plus grandes aspirations.

Très jeune, alors que j'étais atteint d'une lourde incapacité physique, j'ai perçu très vite le consensus perceptuel établi par la société vis-à-vis de la déficience et les maigres attentes qui en découlaient. Estimant que ces conceptions étaient assez éloignées de mon image personnelle, de mon vécu et de mes aspirations, j'ai décidé de résister et de contester ces constructions; on affirme que l'homme construit sa cage autour de lui tandis que le lion la fait voler en éclats. De nombreuses personnes handicapées et de nombreuses autres socialement marginalisées et exclues ont fait voler les cages construites pour les capturer et les enfermer.

Nous sommes conditionnés, en tant qu'êtres humains, pour créer notre propre monde. Laissez-nous tracer la route, de notre destin, celle qui nous mènera où nous voulons vraiment aller et où nous devons aller.

Tous les diplômés d'aujourd'hui vivent une période charnière. Ce fut aussi le cas à l'époque de ma naissance, fin des années 1940. Les êtres humains s'étaient entichés de concepts comme l'eugénisme et, au cours des décennies précédentes, de pureté et de supériorité de la race. Pendant la seconde guerre mondiale, ils s'étaient drapés dans ces conceptions erronées pour éliminer des millions de personnes; les pays alliés avaient heureusement combattu cette horreur. Ils étaient déterminés à créer les Nations Unies ainsi qu'à y établir un cadre de principes et de valeurs visant à prévenir toute ré-occurrence de cette obscénité. Ce cadre, à présent âgé de 60 ans, est plus connu sous le nom de Déclaration universelle des droits de l'homme. À la vitesse où évoluent les idées et les structures, ces droits humains sont encore bien jeunes et bien fragiles. Ne nous leurrons pas toutefois, ils sont toujours en butte à de vieilles forces qui s'opposent au nouveau paradigme d'universalité des droits de l'homme.

J'ai eu le privilège de participer, avec d'autres personnes, à l'élaboration des lois canadiennes sur les droits de la personne et, au début des années 1980, de contribuer à l'enchâssement de certaines composantes de droits humains dans la Charte canadienne des droits et libertés. Plus récemment, j'ai pu travailler avec le Conseil des Canadiens avec déficiences et de nombreux autres groupes à la création de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Nous avons instauré notre vision d'équité et de droits à l'égalité pour tous, nonobstant les diversités naturelles, les sempiternels préjudices et l'exclusion.

Et comment réagissons-nous aux massacres du Cambodge? Comment expliquer les génocides de Bosnie et du Rwanda et comment vivre avec les horreurs actuelles du Darfour? Pourquoi les préjudices continuent-ils à limiter et à dévaloriser la vie de milliers d'êtres? Nous devons aujourd'hui agir et concrétiser notre vision en matière de droits humains? Il ne suffit pas toutefois de dire les bonnes choses et d'approuver les bonnes valeurs. Il faut désormais les appliquer et les honorer dans nos agissements et nos comportements.

Nous devons absolument saisir les cages que nous avons bâties ensemble et dans lesquelles nous sommes relégués et empêtrés. Relevons-nous, devenons des lions, donnons-nous la force de briser ces cages qui nous étranglent et, par là-même, d'insuffler vie aux droits d'égalité et d'équité que nous nous sommes fixés.

Louons tous les efforts qui seront entrepris pour concrétiser notre vision d'universalité des droits humains. Je félicite le Musée canadien des droits de la personne qui sera bientôt construit à la Fourche de Winnipeg et entrera en fonction dès 2012. Je félicite également les villes de Winnipeg et d'Edmonton qui se joindront à d'autres villes du monde entier pour se déclarer cités des droits de la personne.

À toute ma famille et à tous mes amis; soyez bénis. Je suis toujours là.

Je vous remercie! . »  ~ Jim Derksen