FICHE D'INFORMATION

Foire aux questions sur l’euthanasie et le suicide assisté

Par Rhonda Wiebe, coprésidente du Comité d’éthique en fin de vie du CCD et Amy Hasbrouck, de Toujours Vivant/Not Dead Yet

Q :  N’obligerons-nous pas les gens à endurer de terribles douleurs et souffrances si nous interdisons l’aide médicale au  suicide?

  • Bien que la douleur physique soit souvent le principal  motif invoqué pour justifier l’aide au suicide,  la douleur est rarement un facteur prédominant lorsque les gens demandent à mourir.  Ainsi, en Oregon, 22% seulement des personnes ayant sollicité de l’aide pour se suicider, l’ont fait pour cause de « douleur ou peur de la douleur ». En fait, la douleur physique peut presque toujours être contrôlée.
  • Lorsque les gens parlent de « souffrances », ils font souvent référence au chagrin découlant de toute perte importante dans la vie, comme la  perte du conjoint(e), d’un enfant, ou encore devenir handicapé(e).  Avec de l’aide et des encouragements, on peut sublimer ce chagrin pour trouver la paix et l’acceptation.
  • La survenance de la déficience engendre aussi  un autre type de « souffrance ».  En Oregon, les raisons le plus souvent invoquées pour demander l’aide au suicide sont, entre autres :  incapacité de faire ses activités préférées (87%),être en état de dépendance (90%), avoir le sentiment d’être un fardeau (84%) et craindre de perdre sa dignité à cause de l’aide requise pour les soins personnels (84%).  Pourtant, grâce à l’accès architectural et aux services à domicile, contrôlés par les consommateurs,  les personnes handicapées peuvent rester actives, être intégrées et contrôler leur vie.

Q. :  Mais quel est le lien avec la déficience?  Le suicide assisté n’est-il pas pour les patients en phase terminale?

  • Pratiquement tous les patients en « phase terminale » (six moins ou moins à vivre), ont une déficience.
  • Dans tous les lieux où le suicide assisté était supposé être réservé aux personnes en « phase terminale », des malades n’ayant pas atteint cette phase sont couramment poussés vers la mort.
  • La durée de vie d’une personne est très difficile à prédire et les diagnostics médicaux sont quelquefois erronés.  Nous connaissons tous quelqu’un ayant  déjoué  les pronostics et dépassé l’espérance de vie prévue par  le corps médical.  En fait, selon des rapports de l’Oregon Public Health, relatifs à la Loi de cet État sur « la mort avec dignité », chaque année depuis le début du programme, des patients dépassent les six mois prescrits.
  • Selon la plupart des lois sur le suicide assisté, des personnes ayant des maladies chroniques et des déficiences sont également admissibles à l’aide au suicide.
  • Dans la majorité des pays ayant légalisé le suicide assisté, les normes d’admissibilité se sont assouplies e élargies.  Ainsi, aux Pays-Bas, les personnes âgées ou tout simplement « fatiguées de vivre » peuvent recevoir, à domicile, une équipe ambulatoire d’euthanasie. Tout récemment, en Belgique, deux personnes sourdes ont été euthanasiées parce qu’elles perdaient la vue et qu’elles croyaient que vivre avec une  surdité-cécité serait pire que la mort.
  • Les personnes handicapées font partie des catégories à « hauts risques » car des affections mineures peuvent devenir, et souvent deviennent, virtuellement mortelles.  Dans les hôpitaux, elles sont souvent harcelées pour signer des « ordonnances de non-réanimation » ou encouragées à refuser les traitements.
  • Pratiquement toutes les questions inhérentes aux  soins de fin de vie, - comme des soins de santé de qualité, le soulagement de la douleur, les soins personnels à domicile, l’aide entre pairs  et les soutiens familiaux, - sont depuis des décennies, des questions de droits des personnes handicapées.

Q. :  Est-ce que des mesures de sauvegarde n’ont pas été instaurées?

De nombreuses mesures de sauvegarde ont été suggérées et appliquées.  En général, il n’y a pas assez de surveillance avant le décès et pratiquement aucune surveillance après.  Parmi les mesures de sauvegarde les plus courantes, on retrouve : 

1.  La demande volontaire -  les demandes d’aide au suicide sont censées être dénuées de toute influence.

  • Beaucoup plus que la situation de handicap, la discrimination et les obstacles  peuvent créer des conditions qui pousseront une personne à demander l’aide au suicide car, à cause d’une carence de services et mesures de soutien,  elle ne se sent  ni intégrée ni productive dans sa communauté.
  • Des pressions peuvent être exercées à cause de difficultés économiques ou de stress familial.
  • Des réflexions  de la famille, de l’entourage ou du personnel médical peuvent inciter  une personne à croire qu’elle est un fardeau ou que sa maladie ou sa déficience la dévalorise.
  • Des différends d’héritage peuvent pousser des membres de la famille à encourager  directement ou indirectement une personne à mettre fin à ses jours.
  • L’incidence des abus est très élevée chez les personnes handicapées et chez les aînés, tant à  domicile que dans les établissements.
  • On devrait trouver un moyen de détecter une influence indue.

2.  La capacité

  • Un grand nombre de personnes  réclamant la mort, souffre de dépression ou de problèmes de santé mentale entravant  leur capacité de faire des choix clairs.  Lorsque ces affections sont traitées, ces malades changent d’avis et veulent vivre.
  • Plusieurs affections  invalidantes provoquent des troubles cognitifs paralysant la  capacité de faire des choix clairs.
  • L’évaluation et le traitement des penchants suicidaires d’une personne diffèrent de l’estimation de sa capacité.
  • Les mécanismes de détermination de la capacité d’une personne – les juges et les critères normalisés – varient d’un endroit à un autre.  Le processus et les normes pourraient ne pas traduire la gravité de la décision d’une personne, à savoir vivre ou mourir.

3.  Un consentement écrit et  éclairé

  • Les préjudices sur la qualité de vie d’une personne handicapée  altèrent souvent les données médicales quant aux  pronostics et aux options.
  • Fournir des informations sur les alternatives au mourir ne revient pas à  s’assurer que les services nécessaires ont été  instaurés.
  • Les renseignements sont rarement offerts en formats accessibles  ou communiqués par des interprètes impartiaux.

4.  Doit être prescrite par un médecin

  • Rien n’exige une relation de longue durée entre le médecin et le patient.
  • En cas de refus du  médecin traitant, le patient ou sa famille pourra en chercher un qui qui acquiescera.  Cela s’appelle du « magasinage médical ».
  • Les médecins de famille ne sont pas formés pour dépister les maladies mentales ou les troubles cognitifs qui pourraient entraver la capacité de faire un choix clair et avisé.
  • Les médecins peuvent ne pas connaître la vie d’une personne ni être capables de détecter des abus.
  • En général, les médecins ne connaissent pas les services et mesures de soutien communautaires qui peuvent aider les gens à vivre de manière autonome;  ils n’en savent guère davantage sur les soins palliatifs.
  • Les médecins subissent des pressions pour imposer des compressions budgétaires.

5.  Deuxième avis

  • Lorsqu’un médecin consulte un autre  collègue,  il choisit souvent quelqu’un qu’il sait être du même bord.
  • L’avis est basé sur une courte auscultation  et sur les notes et opinions du premier médecin.  Ces informations ne sont pas suffisantes pour  prendre  une décision de vie ou de mort.
  • Le deuxième médecin n’est probablement pas formé non plus pour dépister des maladies  mentales ou des abus.

6.  Évaluations psychologiques

  • Elles ne sont en général pas exigées.
  • Les travailleurs en santé mentale ont les mêmes préjudices et les mêmes préjugés que les médecins quant  à la vie des personnes handicapées.
  • L’avis est basé sur une courte auscultation et sur  les notes et opinions du médecin orienteur.  Le psychologue ou le psychiatre n’ont pas suffisamment de données pour prendre une décision globale et éclairée.
  • Les professions de la santé mentale ne connaissent pas les services et mesures de soutien communautaires qui pourraient aider une personne à vivre en toute autonomie.
  • En Oregon, les médecins demandent rarement une évaluation psychologique (3% seulement en 2008 et un en 2011) afin de déterminer  si des troubles de santé mentale pourraient susciter des penchants suicidaires.  Ils ne consultent pas non plus les  travailleurs sociaux qui pourraient aider à  instaurer,   à domicile,  des services communautaires visant à combattre ces penchants.

7.  L’auto-ingestion

  • Aucun témoin n’est requis lorsque les médicaments sont absorbés.  Il n’y a aucun moyen de s’assurer que ce geste est volontaire.
  • En cas de problème, il n’y a aucun moyen d’aider la personne.

8.  L’euthanasie

  • Les médecins transfèrent souvent l’application de l’euthanasie à d’autres employés, comme les auxiliaires ou infirmiers.  Ou, ces employés s’en chargent eux-mêmes.
  • Les médecins sont formés pour guérir non pour tuer.  Nombre d’entre eux ne veulent pas euthanasier. Et les malades qui requièrent ce service doivent se tourner vers d’autres médecins qu’ils ne connaissent pas.
  • Si l’euthanasie est médicalement effectuée dans les hôpitaux, les malades peuvent craindre d’aller se faire soigner dans ces établissements de peur d’être tués.

9.  Aviser les membres de la famille

  • Certaines lois exigent que les membres de la famille soient avisés.  D’autres non!
  • Il est quelquefois important d’informer les membres de la famille.  Ils peuvent apporter de l’aide ou du soutien.
  • Il peut être aussi déconseillé de le faire si la famille exerce des abus ou des menaces à l’égard de la personne qui désire mettre fin à ses jours.

10.  Rapports/sanctions  obligatoires

  • Même si la loi l’exige, les médecins ne soumettent pas toujours de rapports sur l’euthanasie et le suicide assisté
    • parce qu’ils  n’ont pas suivi les bonnes procédures,
    • qu’ils ne considèrent pas qu’il s’agit d’euthanasie ou d’aide médicale au suicide, au titre de la Loi,
    • ou parce qu’il y a eu des problèmes,
    • pour toute autre raison.
  • Il n’existe pratiquement pas de sanctions pour les médecins qui ne rapportent pas les cas d’euthanasie ou de suicide assisté.  Et même lorsqu’il y en a, les médecins ne sont pas punis. 
  • Les cas de suicide assisté et d’euthanasie ne peuvent être comptabilisés si non rapportés.
  • Les cas de suicide assisté ne peuvent être rapportés comme cas de suicide, contrairement à ce qui s’effectue en Oregon.
  • Les médecins ne déclarent pas les cas d’euthanasie ou d’aide au suicide effectués par les infirmiers et autres employés médicaux.

11. Enquêtes/poursuites 

  • Les agences n’ont peut-être ni le pouvoir ni les fonds pour enquêter sur les problèmes ou abus.
  • Les agences qui collaborent étroitement avec les médecins pourraient se retrouver en conflits d’intérêt et ne pas vouloir enquêter.
  • Une fois la personne décédée, il est rare que quelqu’un se  présente pour  dénoncer un problème.
  • La norme de la preuve d’efficacité de l’acte médical peut être très  laxiste.

Le fait que des individus  envisagent le suicide assisté ou l’euthanasie signifie que la vie des  requérants  est jugée moins importante que celle des personnes que l’on empêche de se suicider.  En adoptant de telles lois, les gouvernements endossent  cette dévalorisation et cette discrimination.

Les services de prévention du suicide devraient être offerts à tous les particuliers, avec ou sans limitations fonctionnelles.

Deux études (l’une par le National Council on Disability et l’autre par le Conseil des Canadiens avec déficiences) ont démontré que les mesures de sauvegarde nécessaires rendraient la procédure si onéreuse que la loi deviendrait impraticable.

Actuellement, la loi prévoit une règle claire :  les gens ont le droit de refuser le traitement de survie mais n’ont pas le droit de demander des traitements létaux.  Si vous supprimez cette règle, il est plus difficile d’arrêter et de revenir en arrière.

La meilleure mesure de sauvegarde est d’appliquer l’égalité réelle.  Mais cette égalité réelle n’existe pas actuellement pour les personnes handicapées et n’est pas prévisible.

L’incidence des abus est beaucoup plus élevée chez les personnes vulnérabilisées par ces lois – à savoir les aînés et les personnes handicapées -, que dans la population en général.  En vertu d’une telle législation, leur entourage (incluant la famille, les amis et les héritiers) pourraient exercer des pressions, ruser, voire forcer quelqu’un à accepter l’aide au suicide.  Les parties intéressées peuvent contribuer à la formulation de la demande, agir comme témoins lors de la signature du document, aller chercher la dose létale et l’injecter.

Q :  Les pays ou États ayant légalisé l’aide au suicide n’ont pas eu de problème.  Pourquoi ne pas copier ces modèles?

  • Une décision d’une Cour d’appel irlandaise prouve le contraire.  Dans l’arrêt de janvier 2013, la Cour a examiné la même preuve que celle utilisée par la Cour de la C.B. dans l’affaire Carter, l’a analysée soigneusement et a constaté qu’en vertu des lois sur le suicide assisté et sur l’euthanasie, les  personnes âgées et les personnes handicapées risquaient d’être victimes d’abus.
  • Dans un article publié le 15 juin 2010 ( JAMC, 15 juin 2010, vol.182, no.9, pages 895 à 901), le Journal de l’Association médicale canadienne examine les cas de décès médicalement assistés en vertu de la loi belge sur l’euthanasie.  Dans cette étude sur la population affectée, il rapporte :
    • Aucune demande explicite n’avait été formulée pour  soixante-six (66) des deux cent huit (208) décès médicalement assistés.
    • Sur ces 66 décès, la décision n’avait pas été discutée avec 77,9% des patients.
  • Dans d’autres pays ou États ayant légalisé le suicide assisté et l’euthanasie,
    • Même si les médecins sont censés rapporter toute prescription de médicament létal ou toute euthanasie, aucun mécanisme ne permet de vérifier s’ils l’ont fait.  Les données ne sont basées que sur les rapports médicaux soumis;  rien ne permet de retracer les cas d’euthanasie non rapportés.
    • Les problèmes ont été documentés par les médias et dans des études retraçant les décès selon les causes.
  • Les données de l’Oregon et d’autres pays ayant légalisé l’aide médicale au suicide ne sont pas fiables puisque les faits sont cachés ou déformés :
    • Les décès par suicide assisté ne sont pas répertoriés comme suicides mais comme décès dus à une maladie sous-jacente.
    • Il n’existe aucune donnée sur les médecins ayant refusé les demandes d’aide au suicide (la raison de leur refus et ce qui est arrivé aux patients par la suite).
    • Même si les médecins sont censés rapporter toute  prescription de médicament  létal, aucun mécanisme ne permet de vérifier s’ils l’ont fait. 
    • Les médicaments ne sont pas retracés une fois la prescription administrée.
    • Une fois les rapports statistiques produits, la documentation est détruite, empêchant toute analyse supplémentaire.

Q. :  Ne supprimons-nous pas l’autonomie et la dignité en interdisant l’aide au suicide?

  • L’exécution de l’aide au suicide exige qu’un tiers intervienne et agisse en votre nom (la véritable autonomie serait de vous suicider vous-même).
  • L’admissibilité au suicide assisté est déterminée par une tierce partie, conformément aux normes gouvernementales, et décidée par un médecin.  Les interférences sont encore plus nombreuses.
  • Le diagnostic et le traitement d’une maladie sous-jacente seront déterminés par le médecin, les périodes d’attente, l’accès aux services et les limitations de votre assurance, quelle qu’elle soit.  De nombreux facteurs externes peuvent les influencer.
  • Dans une société interdépendante, « l’autonomie » est une illusion. Nous dépendons tous des infrastructures pour les services publics et  les transports, des industries agro-alimentaires, manufacturières et  d’expédition pour la nourriture et les autres nécessités ainsi que du système de soins de santé et d’avantages sociaux pour la santé et le bien-être social.

Q. :  Est-il possible que des patients ne puissent se suicider  parce qu’ils en sont physiquement incapables et privés du choix à cause de la criminalisation de l’acte d’aide?

  • Tout le monde est capable de se suicider.  À l’extrême limite, il suffit de refuser de manger ou de boire.
  • La plupart du temps, la demande de mourir est un appel à l’aide.  Nous devrions aider les gens à vivre et non à mourir.

Q. :  Nous euthanasions nos animaux de compagnie.  Quelle est la différence?

Environ quatre (4) millions d’animaux sont euthanasiés chaque année, surtout parce que

  • Ils sont abandonnés.
  • Ils ont des troubles de comportement ou de personnalité.
  • Leur état de santé devient onéreux.
  • Leurs propriétaires ne veulent plus s’en occuper.
  • Ils sont vieux, incontinents ou disgracieux.
  • Ils ont des maladies fatales;  ou pour aucune raison.

Q. :Est-ce que le suicide assisté n’est pas une question personnelle?

  • La politique publique de prévention du suicide en a fait un enjeu politique.
  • Il a été placé dans l’arène politique par celles et ceux qui essaient de faire modifier la loi actuelle y afférent.
  • La question a déjà été débattue et la décision a été rendue par le Parlement et  plus récemment en 2010.
  • En autorisant le suicide assisté, le Canada affirmera que certaines personnes sont moins valables que d’autres pour bénéficier des services de prévention du suicide.

Q. :  N’est-ce pas une question de choix?

En réalité, il ne peut y avoir de libre choix tant que…..

  • Les personnes n’ont pas accès à d’efficaces soins palliatifs.
  • Les soins de santé sont retardés ou refusés à cause de facteurs économiques ou d’accessibilité.
  • Les personnes qui ne bénéficient pas de services de soins à domicile sont placées de force dans des établissements ou doivent tellement dépendre de leur famille qu’elles ont le sentiment d’être un fardeau.
  • Tout le monde peut demander l’aide au suicide.  Mais l’accord dépend des normes gouvernementales et de la décision du médecin.
  • La discrimination, le manque de services et de mesures de soutien empêchent les personnes handicapées de vivre dans la communauté sur le même pied d’égalité que les autres.